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L'émotion dans le discours politique : une problématique liée au genre télévisuel?

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Academic year: 2021

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L’émotion dans le discours politique

Une problématique liée au genre télévisuel?

Mémoire

Gabrielle Charbonneau

Maîtrise en communication publique

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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Résumé

L‘infodivertissement, genre télévisuel qui allie le divertissement et l‘information, n‘est pas un phénomène nouveau, mais sa popularité grandissante soulève plusieurs questions.

Cette recherche se concentre sur le discours politique diffusé dans ces émissions en abordant le recours aux émotions comme un élément de ce discours. Nous proposons une analyse de discours qui vise à décrire la fréquence et la nature des recours aux émotions dans certains discours politiques. En adoptant une méthode comparative, nous souhaitons mettre en évidence les différences entre les discours présents dans les émissions d‘information et dans les talk-shows québécois.

Le corpus analysé est formé d‘entrevues avec les chefs de partis québécois lors des élections de 2007 et 2008. Les entrevues sont issues d‘émissions d‘information (Le Téléjournal 22h, Les Coulisses du pouvoir), d‘une émission d‘infodivertissement (Tout le monde en parle) et d‘une émission de divertissement (Deux filles

le matin). Les entretiens ont été sélectionnés en s‘assurant une diversité des chefs et des genres d‘émissions.

Les données analysées ont permis de mettre en lumière certaines constantes propres à chacun des genres télévisuel. Cependant, les résultats montrent que l‘influence du genre télévisuel sur le recours aux émotions dans le discours politique n‘est pas aussi importante que certains auteurs le prétendent.

Notre objectif n‘est pas de régler le débat sur la place de la politique dans l‘infodivertissement, mais plutôt d‘approfondir les connaissances sur le discours politique dans les émissions d‘infodivertissement en éclairant le débat présent dans la littérature.

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Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières ... v

Liste des tableaux ... vii

Liste des figures ... ix

Remerciements ... xi

Introduction ... 1

Chapitre 1. État de la question, problématique et objectif de la recherche ... 3

1.1 La politique et l‘infodivertissement ... 3

1.1.1. La politique et l‘infodivertissement : un point de vue négatif... 3

1.1.2. La politique et l‘infodivertissement : un point de vue positif ... 5

1.1.3. Le discours des politiciens et l‘infodivertissement ... 7

1.2 L‘émotion et le discours politique ... 9

1.2.1. La classification des émotions ... 9

1.2.2. La place des émotions dans la politique ... 10

1.3 Problématique ... 11

1.3.1. La fréquence des émotions et le genre télévisuel ... 12

1.3.2. La nature des émotions et le genre télévisuel ... 12

1.4 Objectif de la recherche ... 13

Chapitre 2. Définitions conceptuelles ... 14

2.1. Le genre télévisuel ... 14 2.1.1. Le sujet ... 14 2.1.2. Le style ... 15 2.1.3. Le format ... 15 2.1.4. L‘objectif ... 16 2.2. Les émotions ... 17

2.2.1. Des définitions de classes d‘émotion ... 17

Classe 1 : l‘amour ... 18 Classe 2 : la joie ... 18 Classe 3 : la surprise ... 19 Classe 4 : la colère ... 19 Classe 5 : la tristesse ... 21 Classe 6 : la peur ... 21 Chapitre 3. Méthodologie ... 23 3.1. Les émissions ... 23 3.1.1. Le Téléjournal 22h ... 23

3.1.2. Les Coulisses du pouvoir ... 24

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3.1.4. Les Francs-tireurs ... 28

3.1.5. Deux filles le matin ... 29

3.2. Les entrevues ... 31

3.3 Les émotions ... 32

3.3.1. Indicateurs de la classe 1 : l‘amour ... 34

3.3.2. Indicateurs de la classe 2 : la joie ... 35

3.3.3. Indicateurs de la classe 3 : la surprise ... 36

3.3.4. Indicateurs de la classe 4: la colère ... 36

3.3.5. Indicateurs de la classe 5 : la tristesse ... 38

3.3.6. Indicateurs de la classe 6: la peur ... 39

3.4. Traitement des données. ... 40

3.4.1. La préanalyse ... 40

3.4.2. La grille de codage. ... 41

Chapitre 4 : Les résultats ... 43

4.1. Le contexte politique ... 43

4.1.1. Élection 2007 ... 43

4.1.2. Élection 2008 ... 44

4.2. La fréquence des émotions ... 45

4.2.1. La fréquence des recours aux émotions dans l‘information ... 48

4.2.2. La fréquence des recours aux émotions dans l‘infodivertissement ... 51

4.2.3. La fréquence des recours aux émotions dans le divertissement ... 53

4.2.4. La différence dans les recours aux émotions selon le genre télévisuel ... 54

4.3. La nature des émotions ... 57

4.3.1. La nature des émotions dans l‘information ... 57

4.3.2. La nature des émotions dans l‘infodivertissement ... 60

4.3.3. La nature des émotions dans le divertissement ... 61

4.3.4. Synthèse par classe d‘émotion ... 61

4.3.5. La nature des émotions selon le genre télévisuel ... 65

Chapitre 5 : Interprétation des résultats... 67

5.1 La fréquence et la nature des recours aux émotions ... 67

5.2. Autres caractéristiques expliquant le recours aux émotions ... 68

5.2.1. La personnalité des politiciens ... 68

5.2.2. La relation entre l‘animateur et le politicien ... 70

5.3. Les limites de l‘étude ... 74

Conclusion ... 77

Bibliographie... 80

Annexe 1 : Étude langagière des émotions de Shaver et al. (1987) ... 84

Annexe 2 : Modèle hiérarchique des émotions de Cosnier (1987) ... 85

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Liste des tableaux

Tableau 1.1. Classement des émotions selon Shaver et al. ... 10

Tableau 2.1. Caractéristiques types de l'information et du divertissement ... 17

Tableau 2.2. Définition des émotions ... 23

Tableau 3.1. Le genre télévisuel des émissions ... 32

Tableau 3.2. Description du corpus ... 34

Tableau 4.1. Fréquence des recours aux émotions ... 48

Tableau 4.2. Durée des recours aux émotions selon les genres télévisuels ... 55

Tableau 4.3. Durée moyenne des recours aux émotions selon la catégorie d'émotion ... 58

Tableau 4.4.Durée moyenne des moments émotionnels selon la catégorie d'émotion ... 62

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Liste des figures

Figure 3.1. Format du Téléjournal 22h ... 25

Figure 3.2. Format des Coulisses du pouvoir ... 26

Figure 3.3. Format de Tout le monde en parle ... 29

Figure 3.4. Format des Francs-Tireurs ... 30

Figure 3.5. Format de Deux filles le matin ... 32

Figure 3.6. Les conventions sociales ... 37

Figure 3.7. Pauline Marois, Tout le monde en parle, 2008 ... 39

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Remerciements

Il y a trois ans je me suis lancé le défi d‘aller jusqu‘au bout de cette maîtrise. La réalisation de ce travail est le résultat d‘un travail d‘équipe. En effet, sans l‘appui et les conseils avisés de mon entourage, ce projet n‘aurait pas vu le jour. Ainsi, je prends quelques lignes pour remercier toutes ces personnes qui m‘ont appuyées.

Tout d‘abord, merci à ma famille, Diane, Claude, Marie-Claude, Guylaine, Suzanne, Daniel et Simon pour leur appui, leur support et leur intérêt face à l‘avancement de mon projet. Merci à mon conjoint, Martin, qui a été témoin des moments de découragements et qui a toujours su trouver les mots appropriés pour m‘encourager. Merci à mes amis Amélie, Raphaël et Jennifer d‘avoir suivi avec tant d‘intérêt mon parcours.

Merci au GRCP pour m‘avoir permis de faire partie d‘un groupe de recherche si enrichissant. Merci David, Gildas, Martin et Émilie pour vos soupers, votre joie de vivre et vos nombreux conseils avisés. Votre amitié est certainement l‘élément le plus positif de cette aventure.

Je terminerai en remerciant les deux personnes sans qui ce projet n‘aurait pas été possible. Merci à ma co-directrice Guylaine Martel pour ses conseils toujours justes. Les émotions ont pris une place importante durant cette maîtrise et Guylaine a été d‘un grand secours pour les gérer et les repérer!

Merci à mon directeur, Frédérick Bastien pour ses connaissances sans limite, sa disponibilité, sa compréhension et ses nombreuses lectures et relectures. J‘ai trouvé en Frédérick un enseignant et un directeur dévoué. Merci d‘avoir cru en moi et d‘avoir rendu possible la réalisation de ce mémoire.

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Introduction

Depuis quelques années, la place de l‘infodivertissement dans les grilles horaires télévisuelles québécoises augmente. Ce genre d‘émission n‘est certes pas nouveau, mais les politiciens y prennent de plus en plus part. Dans une étude faisant la genèse de la participation des politiciens français aux émissions de divertissement, Guillaume Fradin (2008) identifie les années 1990 comme l‘essor des talk-shows. «Les émissions de variétés sont désertées au profit de formats marqués par le mélange des genres, où la logique de divertissement, si elle reste dominante, laisse une place substantielle à la logique d‘information. Le genre talk-show va connaitre un succès grandissant» (Fradin, 2008 : 61). La présence des politiciens français aux émissions de divertissement passe de 55 occurrences en 1995 à 127 occurrences en 2004 (Fradin, 2008 : 62). Les politiciens québécois ne font pas exception. Le passage de Jean Charest sur le plateau de Tout le

monde en parle en décembre 2010 était la cinquième présence de ce politicien à cette émission depuis 2003

(Bastien, 2012). Cette présence des politiciens aux émissions d‘infodivertissement amène un vif débat au sein de la communauté des chercheurs. Le courant critique y voit un danger pour la qualité de l‘information politique diffusée à la télévision alors que le courant libéral y voit plutôt une porte d‘entrée pour rejoindre un public généralement désintéressé de la politique.

Les critiques faites à l‘égard de la présence des politiciens aux émissions de divertissement et d‘infodivertissement sont basées sur une vision du journalisme présentant un discours d‘experts (Brants, 2003b). Bruce Williams et Michael Delli Carpini notent que ces normes qui ont servi à faire la distinction entre information et divertissement tendent à s‘effriter (2011 : 52). Dans leur ouvrage sur les transformations du journalisme, Colette Brin, Jean Charron et Jean de Bonville (2004) identifient les années 1970 et 1980 comme un moment où le journalisme entre dans une phase de transformation pour passer du journalisme d‘information à un journalisme de communication. Les auteurs définissent ce style journalistique comme incorporant «de plus en plus de jugements et de commentaires. Le métissage entre le discours de presse et les autres formes de discours médiatiques est toléré, voire encouragé : la fiction se mêle à la réalité … l‘effusion et l‘émotion tiennent lieu d‘explication» (Brin et al. 2004 : 4). D‘autres auteurs (Gingras, 1999 ; Neveu 2001) notent aussi la présence d‘émotions comme conséquence du mélange des genres médiatiques.

Quelques auteurs se sont penchés sur la place de l‘émotion dans le discours politique. Les débats publics tout comme les débats électoraux ont été analysés (Sears et Citrin, 1982 ; Gingras, 1995). Ces études démontrent que les émotions occupent une place importante dans les choix politiques des citoyens tout comme dans les discours des politiciens.

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Ce débat normatif entourant la présence des politiciens aux émissions d‘infodivertissement soulève plusieurs interrogations quant à l‘effet de ces émissions sur l‘information politique qui y est diffusée. Certains auteurs soutiennent que le discours politique y est dégradé au profit des émotions et de la vie privée des invités (Gingras, 1999; Neveu 2001). La question de recherche de cette analyse est inspirée des hypothèses soutenues par ces auteurs. Plus précisément, ce mémoire porte sur le recours aux émotions dans le discours politique selon les différents genres télévisuels. Afin de bien comprendre l‘utilisation de cet élément du discours, deux questions spécifiques seront explorées par l‘analyse d‘un corpus d‘entrevues politiques. La première porte sur l‘aspect quantitatif du recours à l‘émotion, c‘est-à-dire la fréquence de ce procédé discursif dans les discours politiques produits dans différents genres télévisuels. La deuxième question concerne la nature des émotions évoquées, c‘est-à-dire la catégorie émotionnelle à laquelle l‘émotion appartient. Le premier chapitre, à travers une revue de la littérature, situera cette recherche parmi les travaux existants en mettant en lumière les points de vue qui caractérisent ce débat normatif.

Le deuxième chapitre portera sur les définitions conceptuelles et à la présentation des modèles théoriques qui seront utilisés. Il ne s‘agit pas d‘une analyse psychologique des émotions des politiciens, mais d‘une analyse discursive. Par conséquent, l‘émotion est un concept qui sera défini à l‘aide d‘indices linguistiques et non de manifestations psychologiques. Cette manière d‘opérationnaliser le concept de l‘émotion et le choix du modèle théorique est l‘un des points importants de ce travail et nous lui accorderons une attention particulière.

Le troisième chapitre présente en détail la méthodologie mise en place pour appréhender les émotions dans le discours politique. Comme le montrera le chapitre 1, les analyses précédentes qui ont porté sur cette question n‘avaient pas une méthodologie permettant d‘assurer une recension systématique des émotions. Le défi principal de ce mémoire est de mettre en place une méthode d‘analyse précise que nous appliquerons de façon constante lors de l‘analyse.

Afin de comprendre le recours aux émotions dans les discours politiques selon les différents genres télévisuels, une analyse quantitative de vingt entrevues faites par des chefs de partis politiques québécois sera présentée au quatrième chapitre. L‘interprétation des résultats permettra de répondre aux questions à la base de ce mémoire.

Enfin, le dernier chapitre s‘attardera sur des pistes de réflexions pour de futures recherches sur le sujet, en plus des limites de la recherche. Ce dernier chapitre permettra de contextualiser les résultats obtenus dans le cadre de ce mémoire.

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Chapitre 1. État de la question, problématique et

objectif de la recherche

Lorsque l‘on s‘intéresse à l‘infodivertissement, genre télévisuel qui allie information et divertissement1, on se rend vite compte de la controverse qui entoure le phénomène. Le courant critique présente ce genre télévisuel comme un danger pour la démocratie. Roland Cayrol (1986) croit que la télévision cause l‘appauvrissement de l‘information, voire un effacement de la politique. Plus récemment, Érik Neveu (2003) abondait dans le même sens en soulignant qu‘il n‘existe plus, en France, de grands rendez-vous politiques. De l‘autre côté, des auteurs comme Kees Brants (2003a) et Matthew Baum (2005) croient plutôt que l‘infodivertissement est un genre télévisuel efficace pour rejoindre un auditoire généralement désintéressé de la politique.

Le présent chapitre a pour but de mettre en évidence ces débats entourant l‘infodivertissement. Quelques recherches s‘éloignent de ces débats normatifs et seront présentées afin de fournir des pistes de réflexion à l‘élaboration de ce projet.

1.1 La politique et l’infodivertissement

Cette première section aborde le débat qui marque le passage des politiciens aux émissions d‘infodivertissement. Le point de vue critique sera présenté à travers les principaux auteurs de cette école de pensée. Ensuite, le point de vue qui voit en l‘infodivertissement un élément positif sera abordé.

1.1.1. La politique et l’infodivertissement : un point de vue négatif

Les critiques entourant l‘infodivertissement portent généralement sur le caractère sensationnaliste de ce genre médiatique. Selon ce point de vue, les émissions hybrides mènent à la marginalisation et à la peopolisation de la politique (Gingras, 2008 ; Neveu, 2003).

Quelques auteurs comme Roland Cayrol et Neil Postman critiquent la télévision de manière plus générale. Pour ces derniers, le problème est lié au type de média. Cayrol soutient que la communication télévisuelle est en train de dévitaliser et de tuer la politique (1986 : 10). Pour l‘auteur, la télévision contribue à la personnalisation de la politique en cherchant constamment à imager et à résumer les phénomènes politiques. Dans le même ordre d‘idée, Postman dénonce l‘importance de l‘image au détriment du discours, « car à la télévision la communication passe beaucoup plus par les images que par les mots : c‘est un mode de

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conversation avant tout visuel » (1986 : 17). Pour cet auteur, l‘importance de l‘image pousse la télévision à présenter des émissions amusantes qui dégradent l‘information et le discours politique (Postman, 1986 : 214).

Jay G. Blumler et Michael Gurevitch rendent la télévision responsable de la crise de la communication publique. Cette critique est ancrée dans la théorie démocratique qui présente les rôles des médias comme étant l‘organisme de surveillance des politiciens, la mise en place d‘une arène publique où les différents points de vue sont exprimés et où une discussion constructive a lieu. Les médias doivent fournir une information permettant aux citoyens d‘apprendre, de choisir et de prendre part au débat public (Blumler et Gurevitch, 1995 : 97). Pour ces auteurs, la façon appauvrissante de s‘adresser aux citoyens au sujet de la politique a été si profondément ancrée dans les institutions, qu‘il est maintenant difficile de critiquer cette façon de faire (p. 203). La communication politique favorise un style de discours qui empêche une relation démocratique entre les politiciens et les citoyens.

Anne-Marie Gingras dénonce la dramatisation et la peopolisation de la politique souvent mises à profit dans les émissions d‘infodivertissement. Pour la politologue, cette caractéristique transforme la politique en arène et en scène de spectacle (1999 : 61). L‘auteure identifie trois principaux dangers à l‘infodivertissement. Tout d‘abord, on y présente des informations superficielles. L‘auteure soutient que les émissions hybrides présentent les faits sociopolitiques comme des faits divers sans contexte. Ensuite, les émissions d‘infodivertissement sont des « cartes blanches » pour les politiciens puisque les animateurs n‘ont ni les connaissances, ni l‘intérêt à les contredire et à leur poser des questions difficiles. Enfin, l‘hybridation des genres induit une confusion chez les téléspectateurs. Gingras (2008) soutient que ce ne sont pas tous les individus qui ont les connaissances culturelles nécessaires pour mettre en contexte les gestes et les paroles des politiciens. Elle rejoint Cayrol en soutenant que la télévision, et plus particulièrement les émissions hybrides, personnalise le débat politique au détriment des enjeux.

Érik Neveu (2003) a sélectionné trois émissions françaises d‘infodivertissement dans le but d‘identifier les caractéristiques fondatrices de ce genre télévisuel. L‘auteur a analysé, suivant une approche qualitative, 15 entrevues provenant des talk-shows Tout le monde en parle, tenu par Thierry Ardisson, On ne peut pas plaire

à tout le monde, animé par Marc-Olivier Fogiel et Vivement dimanche, de Michel Drucker. Neveu identifie trois

caractéristiques centrales des talk-shows : 1) l‘informalisation, qui pousse les animateurs et les politiciens à relâcher les règles de distanciation comme le vouvoiement et les codes vestimentaires; 2) la marginalisation du discours politique, marquée par l‘ascension de thèmes comme la biographie de l‘invité, les expériences, les émotions, les goûts et les passe-temps du politicien; et 3) la mixité sociale du statut des invités qui met le politicien sur un pied d‘égalité avec les autres personnalités publiques.

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En résumé, les critiques de l‘infodivertissement reprochent à ce genre télévisuel de personnaliser la politique en mettant de l‘avant l‘individu et en abordant des sujets liés à leur vie privée. Cette désacralisation de la politique nuit, selon eux, à la qualité des informations politiques diffusées à la télévision. En revanche, peu d‘études empiriques démontrent cet effet négatif sur l‘information diffusée et sur le discours politique.

1.1.2. La politique et l’infodivertissement : un point de vue positif

Dans une discussion avec Érik Neveu parue dans la revue Réseaux, Kees Brants (2003b) répond à certaines critiques faites à l‘infodivertissement. Pour lui, ces reproches sont fondés sur une idéalisation du journalisme traditionnel, qui serait fait de discours d‘experts et où les discussions seraient contextualisées. Ce type de journalisme est susceptible d‘intéresser un public limité. Par opposition aux prétentions des critiques, les genres hybrides fourniraient un espace public additionnel où une diversité de points de vue peuvent s‘exprimer.

La réponse de Brants est basée sur une analyse qui consiste en une recension de diverses études sur le contenu des informations politiques dans les pays européens. L‘auteur conclut qu‘il y a certes des éléments de divertissement dans les contenus et les styles de présentation, mais son étude « n‘établit en aucun cas une prise de pouvoir de l‘infotainment et une influence des télévisions privées qui serait intrinsèquement perverse » (2003b : 158). Par ailleurs, en réponse à la critique voulant que la personnalisation de la politique détourne les gens des questions de fond, Brants cite une étude de Zillman et al. (1994) qui démontre que les informations présentées sous un angle affectif et humain rendent la politique plus attrayante et par conséquent facilite la compréhension des notions plus abstraites pour l‘auditoire.

Cette conclusion de Zillman et al. est issue d‘une expérience à laquelle ont participé des répondants, divisés en trois groupes, exposés à des bulletins d‘information comportant chacun quatre mauvaises nouvelles communes. Le bulletin présenté au premier groupe comportait une cinquième nouvelle traitant d‘un groupe de jeunes invités à jouer de la musique dans un centre commercial. Le deuxième groupe regardait aussi une cinquième nouvelle qui incluait une entrevue et une performance d‘un humoriste comme Jay Leno ou David Letterman sur la politique américaine. Enfin, le troisième groupe regardait seulement les quatre nouvelles. À la suite du visionnement du bulletin de nouvelles, les répondants devaient évaluer l‘importance de chacune des nouvelles présentées, les chances que la situation se détériore et l‘impact potentiel de la nouvelle dans leur vie quotidienne. Ces questions visaient à estimer le niveau de compréhension de la nouvelle par les répondants. Les résultats montrent que les groupes où le bulletin de nouvelles se terminait par une nouvelle positive avec un angle humain ou humoristique (soit les groupes 1 et 2) étaient plus aptes à évaluer

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l‘importance et l‘impact d‘une mauvaise nouvelle. Pour Zillman et al. le cadrage humain ou humoristique de l‘information n‘éloigne pas les individus, il permet plutôt d‘améliorer l‘évaluation et la compréhension d‘une nouvelle plus complexe par l‘auditoire.

Une étude de Frédérick Bastien (2009) montre que l‘infodivertissement n‘évite pas les questions de fond. Bastien a mené une analyse du contenu des questions posées lors de 89 entrevues politiques issues de différents genres télévisuels. Quarante-cinq entrevues étaient issues de trois émissions d‘information : Le

Point, Les Coulisses du pouvoir et Larocque/Auger. Vingt-sept entrevues provenaient de quatre émissions

d‘infodivertissement : Tout le monde en parle, Christiane Charette en direct, Les Francs-tireurs et Il va y avoir

du sport. Enfin, dix-sept entrevues provenaient des émissions de divertissement Bons baisers de France, Le Grand Blond avec un show sournois et Le Poing J. Les résultats montrent que les émissions

d‘infodivertissement abordent autant les enjeux politiques que les émissions d‘information. De plus, Bastien revient sur l‘argument d‘Anne-Marie Gingras voulant que ces émissions soient des « cartes blanches » pour les politiciens. Son analyse montre que les animateurs des talk-shows relancent les politiciens aussi souvent que les journalistes lorsque le politicien donne une réponse incomplète ou qu‘il ne répond pas à la question.

Les études de Zillman et al. (1994) et de Bastien (2009) appuient l‘argument de Brants (2003b) selon lequel l‘infodivertissement est un genre télévisuel qui permet d‘avoir accès aux enjeux politiques au même titre que les émissions d‘information traditionnelles en présentant des points de vue différents et en favorisant divers angles d‘approche.

Un autre argument central des défenseurs de l‘infodivertissement est l‘idée selon laquelle les genres hybrides permettent de rejoindre un public habituellement désintéressé de la politique. Dans une étude voulant poser les bases de la recherche sur l‘infodivertissement, Matthew Baum (2005) aborde cet argument. Il s‘est intéressé à l‘effet des émissions de télévision selon le genre télévisuel et le niveau d‘attention politique des individus. Les résultats de l‘étude montrent que les talk-shows vont avoir plus d‘effet que les émissions d‘information sur la perception des téléspectateurs à l‘égard des politiciens et sur le choix du vote, chez les individus ayant une faible attention à la politique. Ces résultats amènent Baum à conclure que les talk-shows permettent de rejoindre un nouveau public. Ils agiraient comme une porte d‘entrée vers les informations traditionnelles.

Cette hypothèse a été vérifiée par Lauren Feldman et Dannagal G. Young (2008). Les auteures se sont intéressées à l‘impact de l‘écoute des talk-shows sur l‘attention portée à la campagne présidentielle américaine de 2004. Le National Annenberg Election Survey (NAES), sondage mené par le Annenberg Public

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Policy Center de l‘Université de Pennsylvanie, a été utilisé pour diviser les répondants en trois groupes : ceux

du premier groupe ne regardaient pas les late-night comedies; ceux du deuxième groupe les regardaient au moins une fois par semaine et considèraient The Daily Show with Jon Stewart comme le programme qu‘ils regardent le plus; et ceux du troisième groupe écoutent les late-night comedies et considèrent une émission autre que The Daily Show with Jon Stewart comme l‘émission qu‘ils regardeny le plus. L‘étude a été menée en deux temps. Tout d‘abord, une analyse a vérifié l‘hypothèse selon laquelle les individus qui regardent The

Daily Show et les late-night comedies portent plus attention aux nouvelles télévisées sur la campagne

présidentielle que ceux qui n‘écoutent pas ce type d‘émission. Ensuite, les auteures ont confirmé l‘hypothèse selon laquelle l‘attention aux informations augmente dans le temps pour ceux qui écoutent les talk-shows. Les résultats de l‘étude confirment l‘hypothèse de Baum voulant que les talk-shows ouvrent la porte à une plus grande attention aux informations traditionnelles.

Jeffrey P. Jones (2005) a mené une étude sur l‘auditoire des émissions d‘infodivertissement en se penchant sur le cas de l‘émission Politically incorrect. Celle-ci présentait généralement quatre invités venant des milieux culturel, entrepreneurial et politique. L‘auteur a créé des panels de citoyens dans différentes villes américaines afin de recueillir leurs perceptions. De plus, un forum sur l‘émission, en ligne depuis 1997, a été analysé. Enfin, des entrevues ont aussi été menées auprès des producteurs de l‘émission, ce qui a permis à l‘auteur d‘examiner les courriels envoyés par les téléspectateurs. Dans la conclusion de son ouvrage, Jones soutient que les genres hybrides fournissent un discours politique varié capable d‘interpeler des citoyens ayant divers intérêts, préférences et niveaux de connaissance (2005 : 190). Ceci rejoint l‘argument de Brants sur le potentiel des talk-shows à développer une arène de discussion publique variée. De plus, les résultats de Jones abondent dans le sens de l‘hypothèse de Baum quant à la capacité des émissions d‘infodivertissement à rejoindre des individus moins attentifs à la politique.

En résumé, les défenseurs de l‘infodivertissement décrivent ce genre télévisuel comme une porte d‘entrée vers un public nouveau et vers la création d‘un espace public représentant divers points de vue en favorisant des présentations de la politique sous différents angles.

1.1.3. Le discours des politiciens et l’infodivertissement

Le débat normatif entourant l‘infodivertissement soulève une multitude de questions sur les effets de ces émissions sur le discours politique. Comme il a été présenté précédemment, les études portent généralement sur le contenu des émissions, le traitement journalistique de la politique dans ce genre télévisuel et l‘auditoire des talk-shows. Seules quelques études se sont penchées sur l‘utilisation que les politiciens font de ces émissions en examinant le discours politique dans différents genres télévisuels.

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Neil Stevenson (2010) a étudié le discours politique dans les « political talks » à travers le niveau de développement argumentatif. Le corpus analysé est formé de quatre talk-shows néo-zélandais. Les émissions retenues représentent les « commercially oriented programs » et les « non-commercially oriented programs ». La première catégorie fait référence aux émissions qui sont diffusées sur une chaîne privée alors que la seconde catégorie fait plutôt référence à celles présentées par les chaînes publiques. Un des critères d‘analyse de la qualité du discours politique est le niveau de développement du raisonnement. Un raisonnement est considéré comme développé lorsque le politicien justifie ses arguments. À l‘inverse, un raisonnement pauvre est défini comme une argumentation dépourvue de justification. Le politicien présente alors son argument comme un fait. L‘analyse montre que les raisonnements développés sont plus présents que les raisonnements pauvres dans toutes les émissions étudiées, quelle que soit leur orientation, commerciale ou non. En revanche, l‘absence de comparaison avec des émissions d‘information ne permet pas de saisir les différences dans le discours politique selon les genres télévisuels.

Véronique Nguyên-Duy et Suzanne Cotte (2005) ont analysé le nombre d‘opinions par rapport au nombre d‘arguments dans l‘infodivertissement québécois. Elles ont comparé l‘argumentation de trois chefs de partis – Jean Charest, Mario Dumont et Bernard Landry – dans l‘émission d‘infodivertissement Le Grand Blond avec

un show sournois et l‘émission d‘information Le Point lors de la campagne électorale de 2003. Les auteures

ont analysé les propositions des politiciens, une proposition étant définie comme une initiative visant à mettre de l‘avant un point de vue. Au même titre qu‘un raisonnement pauvre, une opinion est une proposition énoncée sans justification. L‘argument, au contraire, est une proposition présentant des justifications. L‘analyse permet de conclure que les émissions d‘infodivertissement, comme les émissions d‘information, offrent une tribune où le politicien peut développer un discours constitué majoritairement d‘arguments. L‘aspect comparatif de l‘analyse propose une méthode intéressante pour une étude portant sur les genres télévisuels.

Les études de Stevenson ainsi que de Nguyên-Duy et Cotte laissent croire que l‘infodivertissement est une tribune médiatique qui permet aux politiciens de présenter des arguments au même titre que les émissions d‘information. Elles ne traitent pas du contenu des arguments et des stratégies argumentatives utilisées par les politiciens, mais elles proposent un point de départ intéressant à l‘analyse du discours politique selon le genre télévisuel. De plus, les études présentées dans cette section posent une question importante quant à la définition des genres télévisuels. Alors que Bastien (2009) présente l‘émission Un Grand Blond avec un show

sournois comme une émission de divertissement, Nguyên-Duy et Cotte (2005) définissent cette émission

comme un infodivertissement. Il semble donc y avoir une confusion quant à la définition même des genres télévisuels.

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1.2 L’émotion et le discours politique

Parmi les composantes du discours politique, l‘émotion a une place importante. Plusieurs penseurs politiques y ont accordé une attention particulière. Que ce soit à travers les travaux d‘Aristote, Platon, Hobbes ou Descartes, l‘émotion a été étudiée pour comprendre la nature humaine et les comportements en politique (Marcus, 2000 : 221).

1.2.1. La classification des émotions

Un consensus émerge des travaux qui tentent de fournir un cadre pour définir et évaluer l‘émotion comme élément d‘un discours argumentatif: il y a un manque d‘études systématiques sur la façon de classifier les émotions et de mesurer leur présence dans le discours (Orthy, Clore et Foss, 1987). L‘émotion utilisée comme un élément d‘un discours argumentatif reste donc un concept vague et difficile à opérationnaliser. Comme pour l‘infodivertissement, il est important de fournir une définition formelle et opérationnelle de ce concept afin de préciser le sujet de l‘étude.

Le travail de Shaver et al. (1987) sur la connaissance des émotions fait partie de ces études. Les auteurs proposent un modèle de classement des émotions issu du vocabulaire émotionnel. Le modèle développé comporte six émotions de base: l‘amour, la joie, la surprise, la colère, la tristesse et la peur. De ces émotions découlent des sentiments plus abstraits comme la fierté, la sympathie, etc. Afin d‘arriver à ce classement, les auteurs ont interrogé 112 étudiants de psychologie. Les participants devaient donner une note de 1 à 4 (1 : I

definitely would not call this an emotion, 4 : I definitely would call this an emotion) à 213 mots à connotation

émotionnelle. Les 135 termes ayant reçu le plus haut pointage sont ressortis comme de bons exemples de mots émotionnels. Par la suite, 100 autres étudiants, n‘ayant pas participé à la première sélection, devaient identifier les émotions similaires parmi les 135 mots sélectionnés. Cette analyse a réduit le nombre à 64 mots émotionnels. Shaver et al. ont ainsi établi une typologie en six catégories se rapportant à des classes d‘émotion. Le tableau 1.1 présente la conclusion de l‘étude, soit les six catégories ainsi que quelques exemples des émotions qu‘elles contiennent2.

2 L‘intégralité des résultats est présentée à l‘annexe 1.

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Tableau 1.1 : Classement des émotions selon Shaver et al. 1987

Amour Joie Surprise Colère Tristesse Peur Aspiration Satisfaction Étonnement Irritation Désespoir Terreur Affection Euphorie Stupéfaction Exaspération Souffrance Panique Compassion Fierté Frustration Honte Anxiété Tendresse Espoir Jalousie Culpabilité Malaise Passion Amusement Indignation Sympathie Frayeur Désir Contentement Haine Pitié Crainte

Ces classes d‘émotions permettront de construire la grille d‘analyse qui sera présentée au chapitre 3. De plus, l‘étude de Shaver et al. présente une définition de chacune des classes. Ces définitions seront présentées lors de l‘opérationnalisation des émotions au chapitre 2.

Jacques Cosnier (1994) a élaboré un modèle adapté de l‘étude de Shaver et al. Ce dernier hiérarchise les émotions selon leur niveau d‘abstraction. Cependant, Cosnier n‘ajoute pas de nouvelles émotions. Son travail permet simplement d‘identifier les principales émotions de chacune des catégories présentées dans le tableau 1.13.

1.2.2. La place des émotions dans la politique

Quelques études sur le discours politique permettent de comprendre l‘usage que les politiciens font des émotions. Deux études seront présentées à titre d‘exemple : Sears et Citrin (1982) ont mis en relief l‘importance que peut prendre l‘émotion dans un débat public; Gingras (1995) a analysé l‘argumentation des candidats à la présidence américaine à travers la théorie des fallacies, plus précisément en se penchant sur l‘appel à l‘émotion comme un exemple d‘argument fallacieux. Ces études ne portent pas précisément sur les modalités du recours à l‘émotion dans le discours politique, mais elles permettent de mettre en lumière certaines questions entourant cet objet de recherche.

David O. Sears et Jack Citrin ont étudié la place des émotions lors de l‘adoption de la proposition 13 en Californie. La proposition 13 a été adoptée en 1978 par les citoyens de la Californie après ce qui a été appelé la Taxpayer Revolt. Cet amendement constitutionnel limite le niveau de taxe que l‘État est autorisé à demander à un propriétaire en fonction de la valeur de la propriété. Sears et Citrin arguent que « opposed by

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both political parties and by both corporate and labor leaders, Jarvis and Gann [principaux représentants de la proposition] were able to mobilize latent antigovernment sentiment into passionate support for their cause » (Sears and Citrin, 1982 : 8). Les auteurs ont réalisé un sondage, le California Tax Revolt Survey, avec lequel ils ont observé les émotions que ressentaient les répondants face à la proposition. Les auteurs ont ensuite analysé trois thèmes : les déterminants du support au projet, les éléments qui ont mené à la formation d‘un enjeu public et les déterminants d‘une participation active. À la suite de ces analyses, les auteurs démontrent qu‘une période pendant laquelle les émotions avaient conduit à un certain aveuglement a marqué le passage de la proposition (1982 : 222). Cette étude de Sears et Citrin montre l‘importance que peuvent avoir les émotions lorsqu‘il s‘agit d‘obtenir le soutien de la population pour une décision politique et la place de l‘émotion dans le discours publique.

Anne-Marie Gingras (1995) a analysé l‘appel à l‘émotion comme une tactique de persuasion dans les débats télévisés américains à travers la théorie des fallacies. Les arguments utilisés par les politiciens ont été classés selon leur caractère fallacieux, c‘est-à-dire leur niveau d‘erreur de raisonnement. Gingras a relevé 800 arguments fallacieux lors des trois débats, soit une moyenne de 265 fallacies par débat. Le tiers de ces raisonnements ont été identifiés comme des appels aux émotions. Pour l‘auteure, ceci s‘explique par le fait que toutes les questions politiques se prêtent bien aux sujets humains. Cependant, dans cette étude, l‘auteure ne définit pas les émotions et elle ne décrit pas la méthodologie utilisée pour identifier les émotions, il serait donc difficile d‘en reproduire les résultats.

Le recours à l‘émotion a fait l‘objet de peu d‘étude systématique dans le discours politique. Il est donc légitime de se demander quelle place elles occupent, quels types d‘émotions sont invoqués et comment celles-ci sont intégrées au discours. Une analyse de discours comparative entre les différents genres télévisuels permettra de répondre à ces questions de façon précise. Tout d‘abord, il convient de définir précisément les variables centrales de l‘étude, soit le genre télévisuel et l‘émotion. Le prochain chapitre sera dédié à la définition de ces concepts.

1.3 Problématique

La littérature sur l‘infodivertissement est caractérisée par un débat important autour de la légitimité des politiciens à prendre part à des émissions qui allient l‘information et le divertissement. Plusieurs hypothèses sont avancées par le courant critique concernant l‘effet potentiel de ce phénomène sur la politique et la démocratie. Certains auteurs avancent que le discours politique est dégradé, que les animateurs sont plus complaisants et que les enjeux politiques sont mis de côté au profit des sujets humains, etc.

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La relation entre la fréquence des émotions et le genre télévisuel demeure toutefois peu étudiée. Gingras (1999) soutient que la dramatisation et la peopolisation de la politique encouragent l‘utilisation de l‘émotion par les politiciens. Selon l‘auteure, la personnalisation s‘effectue, entre autres, par la mise en contexte des problèmes politiques à travers la vie privée des individus. De plus, la dramatisation s‘effectue en ayant recours à des symboles culturels et émotifs. Neveu argue qu‘en donnant la parole aux citoyens, les talk-shows favorisent une « logique du témoignage brut et des émotions » (2001 : 9).

Ces questionnements entourant le discours politique dans le contexte des émissions d‘infodivertissement et plus précisément l‘hypothèse de Gingras (1999) et Neveu (2001) sur la sur-utilisation du recours à l‘émotion amènent la question qui fera l‘objet de cette analyse : le recours aux émotions varie-t-il selon le genre

télévisuel? Cette question générale sera précisée par deux questions plus spécifiques, sur la fréquence et la

nature des émotions selon le genre télévisuel.

1.3.1. La fréquence des émotions et le genre télévisuel

Gingras (1995) a abordé la présence des émotions dans le discours politique en examinant certains débats entre candidats à la présidence américaine. L‘auteure n‘aborde pas les émissions d‘infodivertissement et elle ne présente pas de définition précise des émotions relevées. Cette étude ne fait que soulever la question de la sur-utilisation de l‘émotion sans éclairer ce qui fait varier la fréquence de cet élément discursif.

Pour certains auteurs, c‘est la peopolisation des politiciens qui encourage l‘utilisation de l‘émotion. Pourtant, certaines études démontrent la ressemblance du contenu des émissions d‘information et d‘infodivertissement (Bastien, 2009 ; Brants, 2003b ; Zillman, 1994). Ces conclusions laissent présager une fréquence semblable des émotions dans les différents genres télévisuels. Cependant, il ne s‘agit que d‘une interprétation.

Les études suggèrent deux réponses possibles à la question du lien entre la fréquence des recours à l‘émotion et le genre télévisuel. L‘école critique croit que la fréquence est plus élevée dans les émissions d‘infodivertissement que dans les émissions d‘information, alors que le deuxième courant incite à croire à une ressemblance entre les genres dans la fréquence des recours aux émotions. Cette première sous-question de recherche portera donc sur le nombre de recours à l‘émotion.

1.3.2. La nature des émotions et le genre télévisuel

Le divertissement et l‘information sont deux genres télévisuels différents, dont les caractéristiques créent des situations face auxquelles les politiciens tentent d‘ajuster leurs comportements. En combinant les

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caractéristiques de ces deux genres, l‘infodivertissement vient brouiller les frontières et par conséquent les attentes sont aussi troublées.

Martel (2009) remarque que les politiciens, dans la construction de leur image, exploitent plus ou moins efficacement les contraintes et attentes des différents genres télévisuels. Pour l‘auteure, les modifications des stratégies discursives de construction de l‘image sont dues aux tensions issues des attentes liées aux genres télévisuels et des attentes inhérentes au rôle professionnel du politicien. Elle esquisse les attentes du public face aux différentes émissions. Un contexte médiatique formel comme le débat des chefs crée des attentes de confrontation. Le public s‘attend à une attitude combative de la part du politicien. Les différentes définitions de l‘information présentent le journaliste comme un professionnel objectif, mais aussi motivé par la remise en cause des propos de l‘interviewé, voire parfois la confrontation avec son invité. Martel présente ensuite les attentes liées aux talk-shows comme Deux filles le matin. Selon l‘auteure, le public qui regarde ce type d‘émissions s‘attend à une interaction harmonieuse et par conséquent à un politicien plus conciliant, drôle ou attachant. Suivant cette logique, il serait légitime de croire que la nature des émotions sera différente selon les genres télévisuels. Tout comme pour la première question, aucune étude ne se penche sur cette caractéristique du recours à l‘émotion. Pour ces raisons, la deuxième question spécifique porte sur la nature des émotions présentes dans les différents genres d‘émission.

L‘exploration de ces deux questions permettra de bien comprendre la variation du recours à l‘émotion selon le genre télévisuel et par conséquent de situer l‘infodivertissement par rapport aux deux autres genres.

1.4 Objectif de la recherche

L‘objectif de ce projet est d‘approfondir les connaissances sur le discours politique dans les émissions d‘infodivertissement en éclairant un débat présent dans la littérature. Le débat sur la présence des politiciens dans les émissions de divertissement est rempli de positions normatives qui attendent une vérification empirique. Afin de bien saisir les effets potentiels de ces émissions sur le discours politique, il est important de répondre de façon objective à ces questions.

L‘objectif de cette recherche n‘est pas de prendre parti pour l‘une ou l‘autre des positions normativesou de poser un jugement sur le recours à l‘émotion dans les émissions d‘infodivertissement. Cette recherche vise à décrire le recours à l‘émotion par les politiciens selon le genre télévisuel et ainsi mieux comprendre la différence entre les genres télévisuels.

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Chapitre 2. Définitions conceptuelles

Le présent chapitre est dédié à la présentation des définitions des deux principaux concepts de ce mémoire soit le genre télévisuel et le recours aux émotions. Dans un premier temps, le genre télévisuel sera défini selon des caractéristiques typiques des deux grandes catégories – l‘information et le divertissement – dont nous distinguons une troisième, l‘infodivertissement. Dans un deuxième temps, le recours à l‘émotion sera abordé à travers le concept de la pathémisation.

2.1. Le genre télévisuel

Dans ce projet, l‘un des genres télévisuel à l‘étude est l‘infodivertissement. Bastien présente ce concept comme « un mode de représentation de la politique qui combine des caractéristiques associées à l‘information et au divertissement » (2007 : 19). Cette définition permet de catégoriser aussi bien l‘ensemble de la programmation de certaines chaînes spécialisées, des émissions ou des segments d‘émissions. Dans ce projet, l‘infodivertissement servira à catégoriser des émissions en opposition à celles d‘information et de divertissement.

Quelques auteurs ont élaboré des définitions basées sur l‘identification des caractéristiques de l‘information et du divertissement. Kees Brants et Peter Neijens (1998) ont développé une échelle de l‘infodivertissement. Celle-ci compte trois dimensions : le sujet, le style et le format. Le sujet est relatif au traitement de l'information, le style aborde les caractéristiques du présentateur et le format concerne la mise en scène de l‘émission. Ce travail de Brants et Neijens servira à définir les idéaux types de l‘information et du divertissement. Les travaux de Neveu (2003), de la Garde et Paré (1991) ainsi que les recommandations de Bastien (2007) complèteront les définitions proposées.

2.1.1. Le sujet

Le sujet est une caractéristique importante puisqu'il est présent dans la majorité des définitions suggérées par la littérature. Brants et Neijens soulignent que les émissions d‘information abordent la politique à travers des thèmes factuels. Bastien (2007) note que ces sujets répondent aux questions typiques du journalisme : qui, quoi, quand, où, pourquoi et comment.

À l‘opposé, les émissions de divertissement traitent de politique, mais aussi de sujets plus humains comme la vie privée des politiciens, leurs caractéristiques personnelles, leurs goûts, etc. Graber (1994) ajoute que le

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divertissement utilise des procédés discursifs permettant de raconter une situation de manière dramatique, à l‘aide des éléments conflictuels d‘un évènement ou d‘une relation.

2.1.2. Le style

Le style se définit par deux caractéristiques : le statut professionnel de l‘animateur et le comportement de ce dernier (Brants et Neijens, 1998). L‘information a un style marqué par la présence d‘un journaliste professionnel, généralement sérieux et objectif, qui a une approche détachée du politicien. Le style du divertissement est défini par un animateur issu du monde artistique, souvent drôle, ouvert et qui adopte une approche empathique envers le politicien4. Le statut professionnel, journaliste ou animateur issu du milieu artistique, sera le seul critère retenu pour identifier s‘il s‘agit d‘un style informationnel ou divertissant.

Neveu (2003) soutient que les émissions de divertissement sont marquées par la mixité sociale du statut des invités, c‘est-à-dire la présence sur le plateau de plusieurs invités venant de différents milieux. Cette caractéristique est intéressante, mais elle représente davantage le talk-show que l‘infodivertissement. Il est possible d‘avoir une émission d‘infodivertissement qui n‘est pas un talk-show comme les émissions satiriques. Pour cette raison, ce trait ne sera pas pris en compte dans la définition du divertissement et seul le statut de l‘animateur sera considéré.

2.1.3. Le format

Le format se rapporte à la mise en scène de l‘émission. Pour Brants et Neijens, une émission d‘information ne présente pas de musique, n‘est pas produite devant un auditoire en studio et contient peu de conversation informelle, c‘est-à-dire que journalistes et invités échangent à l‘intérieur d‘un cadre formel où s‘enchaînent questions et réponses. Le format divertissant est défini par des éléments visant à créer une atmosphère dramatique ou de détente, comme la présence de musique, de spectateurs, de jeux de lumière, etc. La discussion y est aussi plus présente et s‘approche davantage de la structure conversationnelle que de la structure question-réponse.

Pour Neveu, le format divertissant est caractérisé par l‘informalisation des relations entre le politicien et l‘animateur. Les politiciens affichent un style vestimentaire plus décontracté et l‘usage du vouvoiement est parfois mis de côté par l‘animateur.

4 Le comportement de l‘animateur est un critère difficile à observer. Il serait tentant d‘associer un comportement sérieux et objectif avec

la présentation de faits et une démarche ouverte et empathique avec l‘insertion d‘opinions de la part du présentateur. En revanche, Bastien (2007) rappelle que l‘opinion politique peut être un élément d‘information. À titre d‘exemple, l‘auteur mentionne la chronique et l‘éditorial comme styles journalistiques basés sur l‘opinion.

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2.1.4. L’objectif

Roger de la Garde et Denise Paré (1991) suggèrent une différenciation de l‘information et du divertissement basée sur l‘objectif de l‘émission. Une émission d‘information a pour objectif de renseigner l‘auditoire sur un sujet, alors que les émissions de divertissement ont pour but de distraire. L‘objectif informationnel ou divertissant d‘une émission sera déterminé selon la présentation que l‘émission fait d‘elle-même à travers divers moyens de communication (publicité, site internet, etc.).

Tableau 2.1 : Caractéristiques types de l’information et du divertissement Information Divertissement

Sujet Sujets factuels.

Questions traditionnelles du journalisme

Sujets humains, personnalisation. Récits dramatiques, éléments conflictuels

Style Entrevue réalisée par un journaliste. Entrevue réalisée par une personnalité du milieu artistique.

Format - Haut degré de formalité entre l‘intervieweur et le politicien. - Format questions-réponses.

- Thèmes musicaux et éclairages. - Auditoire en studio.

- Conversation.

- Faible degré de formalité entre l‘intervieweur et le politicien.

Objectif Informer, renseigner. Récréer, distraire.

Le tableau 2.1 fait la synthèse des attributs typiques de chacun des deux principaux genres. En résumé, une émission d‘information typique traite des partis politiques dans un format sérieux où le journaliste a pour objectif de renseigner l‘auditoire sur l‘actualité. À l‘opposé, une émission de divertissement traite du politicien dans une ambiance informelle où l‘animateur, une personnalité issue du milieu artistique, souhaite distraire le public. Comme il s‘agit de définitions basées sur des idéaux types, la réalité ne présente aucune émission présentant toutes les caractéristiques, les émissions analysées seront catégorisées selon les caractéristiques prépondérantes de chacune. De plus, il est très difficile de décrire précisément et de façon générale l‘infodivertissement parce qu‘il s‘agit d‘une genre télévisuel varié et instable. Le chapitre 3 présente cette catégorisation en détail.

(29)

2.2. Les émotions

Pour Cosnier, l'émotion est un éprouvé subjectif qui a des manifestations corporelles végétatives, c‘est-à-dire des réactions nerveuses dans le cerveau et des manifestations observables comme des mimiques, des gestes, des postures, etc. (1987 : 1) Pour Ortony, Clore et Foss (1987), l‘émotion est un état mental interne. Selon cette définition, l‘émotion est interne, c‘est-à-dire qu‘elle est ressentie. Ce n‘est donc pas un état physique externe ou cognitif. Les caractéristiques physiques (fatigue, douleur), cognitives (confusions, incertitude) et comportementales (timidité, agressivité) ne sont pas des émotions. Ces deux définitions renvoient à une vision psychologique des émotions.

Comme le note Charaudeau (2000), une étude qui cherche à présenter l‘apparition et la mise en place de l‘émotion doit délimiter le cadre d‘analyse afin de ne pas confondre l‘étude du discours avec l‘étude de la psychologie ou de la sociologie. L‘objectif de l‘analyse de discours n‘étant pas de comprendre comment un individu ressent l‘émotion ou ce qui le pousse à ressentir cette émotion, il est important de cibler le concept adéquat.

Charaudeau introduit le concept de pathémisation qu‘il décrit comme le processus discursif qui met en place l‘émotion. Pour lui, l‘émotion peut être évoquée par l‘expression, dans le sens de «manifestation physique, comportement», et la description. L‘expression est « une énonciation à la fois élocutive et allocutoire qui vise à produire un effet pathétique, soit par la description ou la manifestation de l‘état émotionnel » (2000 : 23). Le deuxième mode d‘évocation est la description qui prend forme par le récit d‘une scène susceptible de mettre en place l‘émotion. Dans certains cas, la narration est un bon exemple de description pathémique.

Il existe deux objectifs principaux à la pathémisation : la verbalisation et l‘appel. La verbalisation est l‘expression de l‘émotion ressentie. Elle vise à communiquer ce que le locuteur ressent (Cosnier, 1987 :2). L‘appel à l‘émotion a pour but de produire une émotion chez l‘auditoire. Un individu qui utilise l‘appel ne ressent pas nécessairement l‘émotion en question. Cependant, l‘objectif ne sera pas pris en considération dans cette analyse, c ‗est-à-dire que nous relèverons la présence d‘émotion sans s‘attarder au but du politicien.

2.2.1. Des définitions de classes d’émotion

Shaver et al. (1987) identifient six émotions primaires : l‘amour, la joie, la surprise, la colère, la tristesse et la peur. Cette classification est issue d‘une recherche portant sur les expressions langagières des émotions. À la suite de ces travaux, Cosnier (1994) a proposé une adaptation en créant un modèle hiérarchique des

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émotions (voir annexe 2). Chaque classe d‘émotions est composée d‘une émotion principale et d‘émotions secondaires. Par exemple, la tristesse est l‘émotion principale qui donne le nom de la classe et est composée d‘émotions secondaires comme la pitié, la sympathie et la dépression. Chacune des sous-émotions est classée selon son niveau d‘abstraction. Les travaux de Cosnier seront utilisés pour orienter la classification des émotions alors que les travaux de Shaver et al. (1987) permettront de définir chacune des classes. Les travaux de Levinston et al. (1999) complèteront les définitions.

Classe 1 : l’amour

Cette première classe d'émotions regroupe des émotions associées à l‘amour. L‘amour est une réponse émotionnelle positive causée par le comportement, l‘action ou la présence d‘une autre personne. Il s‘agit d‘une émotion sociale dirigée vers un individu (Levinston et al. 1999 : 430). L‘amour se caractérise par un attachement, une affection ou un respect pour une personne. L‘extrait 2.1 représente bien la définition de l‘amour, puisque le sentiment est dirigé vers une personne, alors que l‘extrait 2.2 ne correspond pas à la définition. En effet, il est impossible de ressentir de l‘affection envers un objet comme une chemise. Cosnier identifie quelques émotions faisant partie de cette classe comme la passion, l‘adoration, l‘affection, la compassion, etc.

Extrait 2.1 : Jean Charest, Tout le monde en parle, 2007. Dany Turcotte

Vous le citez souvent, M. Parizeau.

Jean Charest

Mais je l’aime beaucoup, M. Parizeau. J’ai beaucoup de respect pour lui5.

Extrait 2.2 : Mario Dumont, Deux filles le matin, 2008.

Mario Dumont :

Moi, ce que j‘aime, ce sont les belles chemises.

Classe 2 : la joie

Cette deuxième catégorie comprend des sentiments se rapprochant de la joie. La joie est une réponse émotionnelle à un évènement ou un résultat positif comme l‘obtention de quelque chose de désiré ou l‘atteinte

5 Dans ce mémoire, les extraits seront marqués par des passages en caractères gras. Ces passages représentent les moments

émotionnels. Des indications relatives aux indicateurs paraverbaux (mimiques faciales, ton de la voix, etc) seront indiquées entre crochet dans certains extraits. Puisque ce mémoire porte sur le recours à l‘émotion dans le discours politique, les recours à l‘émotion dans les discours des intervieweurs ne seront pas identifiés dans les extraits. Les éléments en caractère gras dans les discours des politiciens correspondent au calcul de la durée des moments émotionnels. Le prochain chapitre donnera de plus amples indications sur le repérage des moments émotionnels et leur délimitation.

(31)

d‘objectifs (Levinston et al. 1999 : 317). Cette classe d‘émotion s‘exprime souvent à travers un plaisir comme dans les exemples suivants.

Extrait 2.3 : Pauline Marois, Tout le monde en parle, 2008. Pauline Marois :

C’est magnifique, ça me fait plaisir de vous voir.

Extrait 2.4: André Boisclair, Téléjournal 22h, 2007. André Boisclair :

Ça va me faire plaisir de m'asseoir avec vous pour discuter.

La personne heureuse recherche des contacts sociaux et tend à communiquer et partager sa joie avec les autres à travers des sourires, des rires ou un ton de voix enthousiaste. Contrairement à la classe précédente, la joie peut être causée par un objet ou un évènement. Les principales émotions qu‘identifie Cosnier à partir de cette liste sont le plaisir, le contentement, la satisfaction et l‘euphorie.

Classe 3 : la surprise

Ce troisième groupe d‘émotions regroupe des sentiments relevant de la surprise. La surprise est une réponse émotionnelle causée par un évènement ou un résultat qui va à l‘encontre des attentes d'une personne (Levinston et al. 1999). La surprise est créée par quelque chose d‘imprévu comme l‘illustre l‘extrait 2.5.

Extrait 2.5 : Jean Charest, Tout le monde en parle, 2008. Guy A. Lepage :

Qu‘est-ce qui ne va pas?

Jean Charest :

Non, ça va très bien, mais je suis étonné que vous commenciez comme ça. Je ne

pensais pas que vous vous inquiétiez tant que ça de mon sort [...]

L‘étonnement de Jean Charest est causé par la question inattendue de l‘animateur, Guy A. Lepage. Cosnier présente seulement l‘étonnement et la stupéfaction comme émotions de ce groupe.

Classe 4 : la colère

Cette quatrième classe regroupe des émotions se rapportant à la colère. La colère est une réponse émotionnelle à un évènement négatif généralement causée par une agression physique ou morale ou par une

(32)

interférence dans l‘exécution ou l‘atteinte d‘un objectif (Shaver et al, 1987 : 1077). La personne en colère percevra l‘agression ou l‘interférence comme illégitime.

Par exemple, lorsque Guy A. Lepage questionne André Boisclair sur les propos d‘un animateur de radio, Boisclair exprime sa colère causée par une agression morale.

Extrait 2.6. André Boisclair, Tout le monde en parle, 2007. Guy A. Lepage :

[...] En parlant du candidat péquiste de sa région, Louis Champagne, un animateur de radio à CKRS, au Saguenay, a dit cette semaine que jamais les ouvriers de Jonquière ne voteraient pour une tapette. Vous réagissez comment, à tout ça?

André Boisclair :

J’ai de la colère. J’ai de la colère, mais la beauté des choses, c’est que les Québécois de longue date sont capables d’être intelligents. Le vrai juge des propos de

M. Champagne, ce sont les Québécois [...] Je trouve ces propos blessants, non

seulement pour moi, non seulement pour Sylvain6, qui est notre candidat, mais pour le

monde du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Parce qu‘il est en train de faire accroire que parce

qu‘ils sont en région, soudainement, ils seraient plus innocents, qu‘ils auraient une autre vision des droits de l‘égalité. Le Québec que je connais, c‘est un Québec qui se bat pour l‘égalité, puis qui est prêt à investir là-dedans.

Dans l‘extrait 2.7, la colère de Pauline Marois est causée par un reproche de Jean Charest sur la gestion qu‘elle a faite du système de santé quelques années plus tôt.

Extrait 2.7 : Pauline Marois, Tout le monde en parle, 2008. Guy A. Lepage :

Mais là Mme Marois, dans cette campagne-là, on vous tient responsable, Jean Charest le dit souvent, du bordel dans les hôpitaux et dans l‘éducation. Donc, c‘est à cause de vous tout ça?

Pauline Marois :

Pauline Marois a un ton de voix sec et agacé

Heureusement que M. Charest est là depuis six ans. M. Charest est là depuis six ans. Qu’est-ce qu’il a fait, M. Charest? Qu’est-ce qu’il a réglé? Pauline Marois reprend a un

ton de voix neutre. Les infirmières qui sont parties en 1997 auraient 70 ans. Les médecins encore plus parce qu‘ils étaient plus âgés quand ils sont partis. M. Charest avait promis. Il avait promis, en 2003, vous vous en souviendrez sûrement, plus d‘attente dans les urgences, fini les listes d‘attente pour se faire opérer. Six ans plus tard, M. Charest n‘a pas livré la marchandise. Là, il va arrêter de s’essuyer les pieds sur moi et de me faire

porter les responsabilités. Cette dernière phrase est dite sur un ton de voix agacé.

6 Boisclair parle de Sylvain Gaudrault, député de Jonquière pour le Parti québécois, également visé par les propos homophobes

(33)

Cosnier identifie des émotions découlant de la colère comme l‘amertume, l‘aversion, la rancune, l‘irritation, etc.

Classe 5 : la tristesse

Ce cinquième groupe traduit des sentiments proches de la tristesse. La tristesse est une réponse émotionnelle à un évènement ou à un résultat négatif comme un échec ou une perte (Levinston et al. 1999 : 577). Certaines émotions de ce groupe sont reliées à la découverte qu‘un individu – soi-même ou quelqu‘un d‘autre – est impuissant face à la situation (Shaver et al. 1987 : 1077). Cette classe d‘émotions est présentée comme l‘opposé du deuxième groupe d‘émotions, soit les émotions relevant de la joie.

Dans l‘extrait suivant, ce sont les intentions de participation au vote qui rendent Pauline Marois « profondément triste ».

Extrait 2.8 : Pauline Marois, Les Coulisses du pouvoir, 2008. Daniel Lessard :

Dites-moi, cette campagne électorale, Mme Marois, elle ne lève pas. Pas seulement à cause de vous, mais il me semble que les Québécois ne sont pas très intéressés. Les gens n‘ont même pas envie d‘aller voter. Des péquistes, dans un sondage du Devoir je crois que c‘était 34 %, n‘étaient même pas certains d‘aller voter.

Qu'est-ce qui se passe?

Pauline Marois :

Je trouve ça profondément triste pour notre démocratie. Moi, je crois que les gens ne

voulaient pas aller en élection. Ils l‘ont dit très clairement à M. Charest, ils nous l‘ont dit. M. Charest ne les a pas écoutés. Il a décidé quand même d‘aller en élection parce qu‘il pensait que c‘était bon pour lui. Il a fait un certain nombre d‘analyses, sauf que ce n‗était pas une bonne décision.

Cosnier classe dans cette catégorie des émotions comme la pitié, la sympathie, la solitude, la déception, etc.

Classe 6 : la peur

Cette sixième classe d‘émotions traite de la peur. Il s‘agit d‘une réponse émotionnelle à l‘interprétation et l‘anticipation d‘évènements potentiellement dangereux ou menaçants, d‘attaques physiques ou psychologiques comme un refus ou un rejet. La peur inclut des facteurs situationnels comme une situation non familière (Levinston et al. 1999 : 258). Contrairement aux autres émotions, l‘évènement causant l‘émotion n‘est pas encore arrivé. L‘exemple suivant traduit bien ce que Levinston entend par la peur. L‘inquiétude de la politicienne est causée par son interprétation d‘évènements qui pourraient arriver. Dans ce cas, la perspective que Stephen Harper devienne le premier ministre d‘un gouvernement majoritaire suscite une peur chez Pauline Marois qui y voit un danger pour les Québécois.

Figure

Tableau 1.1 : Classement des émotions selon Shaver et al. 1987
Tableau 2.1 : Caractéristiques types de l’information et du divertissement
Tableau 2.2 : Définitions des émotions
Figure 3.1 : Format du Téléjournal 22h.
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