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Chapitre trois

3. Le processus d'apprentissage

3.3 La diversité des apprenants

Comme signalé précédemment, les stratégies d’apprentissages occupent une part importante dans l’enseignement–apprentissage de la L2. Toutefois, on ne peut appliquer ces stratégies sans tenir compte de la diversité des individus. Le danger consisterait à aboutir à une transmission de savoirs et de savoir-faire de manière uniforme. Chaque individu traite l’information selon ses caractéristiques biologiques, psychologiques et cognitives propres. Les instruments numériques actuels donnent accès à un matériau langager et informationnel authentique, issu de la vraie vie sociale de la langue. Les activités langagières peuvent se greffer sur des applications informatiques, des réseaux sociaux ou Internet. Cela ne peut se faire sans une réflexion sérieuse sur la capacité de traitement de ce matériau par des individus différents les uns des autres et inégalement aptes à convertir un input très riche en intake cohérent. Toute approche pédagogique dont le seul but serait de boucler un programme en convoquant la technologie sur un mode strictement mécaniste et utilitaire est par essence vouée à l’échec. De même, une approche technocentrée est à notre sens peu fructueuse. En effet, des facteurs tels que l’âge, l’aptitude, l’intelligence, le style cognitif et la personnalité constituent des paramètres déterminant la qualité de la production et de l’acquisition. On ne peut pas concevoir une séquence ni choisir un support sans prêter attention à ces paramètres. Il est vrai que les ressources numériques sont variées et riches, il convient néanmoins d'opérer un choix afin de ne pas aboutir à un manque de motivation, d'attention et à un échec pédagogique.

3 .3 L’âge

L'âge constitue un atout ou un inconvénient en ce qui concerne l’acquisition de la L2. Le tableau proposé par Muriel Saville-Troike (2006) fait état du rôle joué par l’âge dans l’apprentissage de la langue étrangère. Les différentes explications relevées par l’auteure sont de type socio-psychologique (l'inhibition), cognitive (le développement cognitif), psycholinguistique (l'explication par l'input) et enfin neurobiologique (la plasticité cérébrale). A partir de ce tableau, on peut formuler un certain nombre de remarques. On constate que les jeunes apprenants sont plus réceptifs pour des raisons de plasticité cérébrale et parce qu'ils sont moins inhibés. On constate que ce type d’apprenants est plus sensible à la phonologie de la langue étrangère et s’intègre plus aisément dans la communauté linguistique. Ce constat a incité le développement de l'apprentissage précoce de la langue étrangère et l'accoutumance à la prosodie de la langue par la pratique de jeux et d’apprentissage de comptines et de chansons. L'approche retenue est ludique et s'adapte à la capacité de ce type de public en lui proposant un input simple. Un public plus âgé est l'objet d'une certaine fossilisation mais possède une capacité d'analyse et d'apprentissage plus étendue. Les adultes ont une culture et une expérience plus étendues et sont aptes à réaliser des phrases plus complexes. De ce fait, les apprenants plus âgés sont certes moins malléables mais ils constituent un terrain expérimental de choix dans la mesure où on peut étudier leurs capacités analytique et pragmatique.

Il conviendra de s'adapter à ces deux types de public en variant l'input proposé et l'exploitation de celui-ci. La classification des apprenants selon plusieurs niveaux par le CECRL montre une volonté d’adapter les contenus en fonction du niveau de compétence des apprenants mais également de leur âge. Le souci du didacticien sera de créer et d’adapter des contenus numériques en fonction du public concerné ou encore de procéder à un guidage .Cette médiation est primordiale dans un monde numérique où se mêlent authenticité, interculturalité et multimodalité.

3.3 .2 L’aptitude

On confond souvent intelligence et aptitude. Ces deux termes peuvent être complémentaires mais recouvrent des réalités distinctes. Le premier fait référence à une

capacité académique de raisonnement et le second à des compétences cognitives spécifiques. Mais comme nous le verrons plus loin, ces deux variantes sont liées et peuvent conduire à l’acquisition. Rod Ellis écrit à ce propos:

Learning a L2 in classroom involves two sets on intellectual ability. It involves what might be called general academic or reasoning ability’ (Stern: 1983:368), often referred to as intelligence. This ability is involved in the learning of other school subjects as well as a L2. The other kind of ability consists of specific cognitive quality needed for SLA, often referred to as aptitude. ( Ellis, 1996: 110)

Carrol présente l’aptitude comme la capacité d’un sujet à assimiler une tâche (Carrol, 1981 : 84, in Larsen-Freeman and Michael Long). Cette capacité varie en fonction de la motivation. L’auteur distingue quatre grandes catégories d’aptitudes : “Phonetic Coding, Grammatical Sensitivity, Rote Memory for Foreign Language Materials, Inductive Language ability ». Les critères cités supra font référence à l’habilité d’acquérir la phonologie, la grammaire et à mémoriser l’input langagier. Carroll s’est penché sur la capacité de l’apprenant à la conceptualisation, à la perception et à la mémorisation de la langue. Prims introduit deux concepts importants déterminant l’aptitude : l’intelligence et la motivation. Il définit l’aptitude en termes d’intelligence verbale, de motivation et de capacité auditive. Ces aptitudes sont liées à d’autres variantes telles que l’âge, la personnalité, le style cognitif. Une définition plus moderne élaborée par Skehan41 simplifie cette classification en proposant trois composantes de l’aptitude : « auditory abilility », « liguistic ability » et « memory ». Cette approche a le mérite d’être synthétique mais on retrouve les mêmes éléments que ceux évoqués par Carroll.

Dans le milieu institutionnel, on entend souvent dire qu’un élève est faible ou qu’un autre est plus compétent, voire excellent. Les tentatives pour remplacer les notes par une grille d’évaluation représentent un effort pour contrecarrer cette tendance. Il est certainement plus pertinent de tenir compte du style cognitif des apprenants ou encore de leur motivation. L’approche actionnelle de l’enseignement des langues propose de ne pas considérer la seule dimension communicative de l’apprentissage mais de combiner signification et langage.

3.3.3 La personnalité

On ne peut tenir uniquement compte des aptitudes des apprenants pour déterminer leurs performances au sein d’une classe de langue. La personnalité est un atout indéniable pour l’acquisition d’une L2. Un individu extraverti est capable d’interagir, de percevoir l’input, de restructurer ce dernier et ainsi d’acquérir une langue riche. Mais la personnalité ne peut pas tout expliquer : la motivation et le style cognitif doivent aussi être pris en compte. Les formes d’intelligence évoquées par le psychologue américain Howard Gardner (2006) sont à prendre en considération, en particulier l’intelligence interpersonnelle et l’intelligence verbale et linguistique. En effet, un individu inhibé et introverti a très peu de chances d’acquérir une langue étrangère, sauf s’il est habité par une motivation instrumentale qui le pousse à dépasser ce handicap. Les chercheurs sont partagés sur le rôle joué par la personnalité dans l’apprentissage. D’après Rod Ellis, Stephen Krashen (1981) reconnaît le rôle déterminant joué par ce facteur, en revanche Naiman(1978), Swain ou encore Burnaby (1976) nient son implication dans les compétences d’un apprenant potentiel.