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Chapitre Quatre

2. Analyse critique du CALL ou ALAO

3.1. Aspects psycho-sociaux

Les outils mobiles font partie de l’environnement de la plupart des hommes et des femmes du XXIe siècle. Leurs usages peuvent varier du jeu à la navigation sur Internet ou concerner l’interaction par téléphone et sur les réseaux sociaux. Ces petits objets reflètent la richesse culturelle de l’humanité. Ils sont d’un accès facile et permettent un usage relativement

libre de l’information. Mieux, ils représentent un

mode d’interaction sociale qui envahit notre quotidien. La communication prend très souvent la forme d’un dialogue ou de

messages laissés sur Twitter. La simple voix humaine ou même la présence humaine ne suffisent plus. De plus le nouvel apprenant en langue étrangère a changé de profil :

Les générations d’aujourd’hui sont celles « de l’image et du son »(22)74

et se caractérisent par le goût de la brièveté, de la rapidité, du temps polychrome(23)75 l’on mène plusieurs activités à la fois. Nous sommes désormais entrés dans l’ère des enfants des médias, des « télé-ninos » (22) (Porcher, 1994 : 9)

Le point de vue de Louis Porcher76 sur le profil de l’apprenant date des années 90 mais correspond néanmoins aux problématiques actuelles. En effet, le nouvel apprenant en langues étrangères est pressé. Les appareils mobiles répondent à ce profil et permettent en effet un mouvement perpétuel d’une application à l’autre ou d’un site Internet à l’autre. L’ergonomie de la tablette permet à l’usager de passer d’un espace virtuel à l’autre sans se déplacer. Le pédagogue doit inventer une autre manière d’apprendre qui intègre ce mouvement et cette rapidité. Les objectifs d’apprentissage restent donc inchangés dans la mesure où il s’agit d’enseigner un contenu linguistique étranger mais il faut désormais envisager des outils adaptés au monde contemporain et aux nouveaux apprenants. Michel Serre les caractérise ainsi:

74

(22) Les pratiques culturelles des Français (1973-1988), La Documentation Française, Paris, 1990. 75

Ces enfants habitent donc le virtuel. Les sciences, cognitives montrent que l’usage de la Toile, la lecture ou l’écriture au pouce des messages, la consultation de Wikipedia ou de Facebook n’excitent pas les mêmes neurones ni les mêmes zones corticales que l’usage du livre, de l’ardoise ou du cahier. Ils peuvent manipuler plusieurs informations à la fois. Ils ne connaissent, ni intègrent, ni synthétisent comme nous, leurs ascendants. (Serre, 2012 : 12-13)

Cette conception nous invite à réviser l’idée selon laquelle le numérique ne serait qu’un gadget, une prothèse, un phénomène de mode ou encore un moyen d’avoir accès à des ressources spécifiques. Il est évident que ce n’est pas faux. Mais il faut interroger l’être ou l’apprenant qui évolue dans un monde dominé par le numérique et dont les fonctions cognitives sont sollicitées différemment. La gestion de l’attention est différente : le flux informationnel de la toile est significatif. Il est donc important de sélectionner l’information ou d’inhiber celle qui n’est pas pertinente. L’apprenant est amené à solliciter son attention différemment, ce qui peut déboucher sur une mémorisation et une acquisition, ou au contraire être le fait d’une distraction sans précédent. L’attention éclatée (split attention) fait désormais partie non pas d’une mauvaise habitude à éviter mais constitue un enjeu ou au contraire un frein à l’apprentissage.

Le MALL (Mobile Assisted Language Learning) ne remplace pas mais prolonge l’apprentissage des langues assisté par ordinateur. En effet, l’ALAO répondait au départ au désir de réaliser des exercices répétitifs dans une perspective d’apprentissage comportamentaliste de l’enseignement des langues. Mais l’approche actionnelle et communicative actuelle veut que l’apprenant agisse et interagisse : les outils d’apprentissages mobiles correspondent à un mode d’action individuelle et sociale du XXIe siècle. Le téléphone portable fait partie des objets du quotidien et sert à réaliser les tâches les plus banales. Ces objets répondent donc non seulement à un mode d’action mais aussi à un mode de pensée mettant en jeu des opérations mentales et des aires cérébrales spécifiques.

Les outils nomades jouent le rôle d’outils mais surtout d’instruments anthropologiques et sociaux dans un monde dominé par l’information quicircule rapidement en prenant des formes différentes et en transformant rapidement le cours de l’histoire. On peut affirmer de plus en plus que l’action et l’interaction sont tributaires du monde numérique. C’est pourquoi, la création de communautés d’apprentissage des langues telles qu’eTwinning

et face au manuel numérique, on agit et interagit individuellement ou ensemble, comme le privilégie la perspective socio-constructiviste.

3 .2 Nomadisme et acquisition des langues

L’apprentissage des langues assisté par les appareils mobiles suppose une parfaite imbrication des paramètres humains, sociaux et technologiques. L’aspect mobile et la dimension du numérique sont censés faciliter une interaction dans tous les lieux et dans tous les cadres, même si la mise en œuvre d’un tel mode d’apprentissage des langues n’est pas encore généralisé sur le plan institutionnel. Cette interaction en tant que compétence langagière doit être vectrice de communication et de rétention d’information dans une perspective constructiviste et socio-constructiviste afin que l’apprenant ne soit pas un simple consommateur de contenu linguistique.

Le danger de l’information extraite d’Internet réside dans son caractère non linéaire et authentique. De ce fait, le cours de langue doit être contextualisé et créer les conditions de création de l’input. En effet, il n’y a input que quand l’information en langue étrangère est perçue et triée. Les outils mobiles d’apprentissage sont certes des supports chargés d’une dimension socioculturelle et psychologique. Toutefois, leur efficience dans la génération d’input n’est possible que grâce à une coaction de l’enseignant et de l’apprenant. Les notions d’input, d’interaction et de feedback doivent se conjuguer afin d’aboutir à une meilleure acquisition de la L2. Dans le cas du nomadisme, il est crucial de ne pas concevoir l’autonomie comme une indépendance de l’apprenant. C’est pourquoi le guidage doit préparer l’autonomie en amont et en aval de la formation. Le rôle d’étayage de l’enseignant avancé par Bruner (1984) ne peut être laissé au hasard. Celui-ci doit être inventé comme dans la classe inversée où l’enseignant n’intervient qu’après la consultation par les apprenants des informations requises dans le cadre de l’apprentissage. Le cours dans l’espace de la salle de classe permet alors de mettre en œuvre les compétences de compréhension, de production et de mémorisation qui génèreront la consolidation de la L2. Ainsi, le mode d’apprentissage envisagé dans le MALL intégre l’ensemble des concepts d’autonomie, d’individualisation, de collaboration, d’interaction et d’input qui ne s’excluent pas les uns les autres.

De même l’hypothèse de l’input avancée par Krashen stipule que l’acquisition n’est effective que grâce à une exposition suffisante et compréhensible à la langue étrangère qui fournit à l’apprenant le matériau linguistique nécessaire à la production. Cette théorie met en avant l’une des évidences de l’intégration des TICE dans une approche actionnelle et dans le contexte d’un flux d’information linguistique véhiculé par Internet. Cette information authentique doit être traitée par les apprenants et de ce fait être suffisamment compréhensible et stimulante pour constituer une exposition efficace à la langue, susceptible d’enclencher inconsciemment un processus d’acquisition. En effet, le traitement de l’information nécessite une extraction et une synthèse. Elle peut gagner à être accompagnée d’un guidage par des applications, par l’enseignant ou encore par une collaboration avec des locuteurs natifs. Par conséquent, l’input ne doit pas être vu comme du contenu traité sans engagement et sans opération mentale consciente de l’apprenant. L’implication du sujet est essentielle, comme le suggère Richard W. Schmidt (Schmidt : 2010).

L’idée que l’input fournisse à lui seul un environnement informationnel déclenchant un apprentissage est insatisfaisante. Un retour ou feedback apparaît nécessaire. Les avis sont cependant partagés. Pour les partisans de l’innéisme, la correction n’affecterait qu’en surface la compétence. D’autres théoriciens, partisans d’un apprentissage conscient de lui-même, préfèrent se focaliser sur l’output. Tel est le cas de Swain (2000) qui explique qu’on doit permettre à l’apprenant de pratiquer la langue vivante afin d’émettre et de vérifier des hypothèses linguistiques. Cette auteure s’est rendu compte dans un contexte d’immersion en L2 au Canada que la production langagière des apprenants était insuffisante. Schmidt(2010) défend un apprentissage conscient permettant à l’apprenant de se livrer à une activité métalinguistique afin de comparer son erreur et la forme juste. La théorie de l’interaction avancée par Long (1991) met en évidence cette activité par la négociation du sens ou encore par le feedback.

Les outils numériques doivent favoriser l’activité linguistique et métalinguistique de l’apprenant en étant des instruments de révision et de dédramatisation de l’erreur. Nous proposons une classification des différents types de feedback présentés par Rezaei et Mozaffari (Rezaei & Mozaffari, 2011 : 22-24):

 La répétition  La traduction

 Les déclencheurs (prompt)  Elucidation

 Métalinguistique

 Les demandes de clarification,  Les feedback explicite

 La reformulation

Les appareils mobiles offrent plusieurs applications visant à réviser les performances linguistiques de l’apprenant. Les applications (dictionnaires électronique, grammaire, applications « Text to Speech ») sont des outils de correction: le choix des applications nécessite la vigilance de l’enseignant et une expérimentation en classe.