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L’apprentissage d’une langue étrangère s’accompagne de la mémorisation d’un lexique et de la conceptualisation du fonctionnement de la langue. Les manuels scolaires fournissent un effort particulier dans une présentation lexicale à la fin du manuel, d’explications et d’exercices de grammaire. Le manuel scolaire Enjoy English in 4e approfondit cette approche en apportant en plus de documents de civilisation, des textes et des activités grammaticales, un CD audio-rom qui présente un intérêt particulier dans l’élaboration de stratégies d’apprentissage. Ce cédérom est un précieux instrument d’entraînement individuel ou un support d’activités collectives en salle informatique grâce à des outils tels que le tableau blanc interactif ou le simple vidéo projecteur. Cependant, en dépit de la présentation agréable, tout enseignement a pour but la mémorisation d’informations et l’enseignant doit être à même d’aider l’apprenant à acquérir des stratégies d’apprentissage. Ce terme est défini par Jean-Claude Bertin (2001) comme « le regroupement des techniques permettant à l’apprenant de conceptualiser, structurer et mémoriser le matériau linguistique ». Selon le même auteur le didacticiel peut « offrir un guide pour l’apprentissage d’une technique (la langue objet) », « offrir un guide pour la mise en œuvre chez l’apprenant de ces capacités intellectuelles d’analyse et de réflexion », ainsi que des stratégies

métacognitives telles que « l’anticipation, l’attention dirigée, l’attention sélective, l’organisation personnelle, la préparation, l’auto-contrôle, la production retardée ».

Les stratégies d’apprentissage ont pour objectif de faciliter la mémorisation, la compréhension et la production. D’après Jean-Claude Bertin, un didacticiel peut favoriser la mémorisation grâce à l’organisation de « la présentation des données et des activités de telle façon que les opérations mentales associées à l’apprentissage en soit facilité » (Bertin, 2001 :38). L’opération mentale est « le travail de l’esprit sous-jacent à une activité d’apprentissage » (Quivy & Tardieu, 1997 :161). Selon Philippe Meyrieu, les opérations mentales sont au nombre de quatre. Il s’agit de la « déduction, de l’induction, de la dialectique et de la créativité » (in Tardieu, 2008). L’outil multimédia de part la multicanalité peut faciliter la mémorisation d’informations. Jean-Claude Bertin (2001 :37 ) signale que les matériaux multimédia doivent tirer profit des stratégies qui facilitent la mémorisation. Il cite à ce sujet : « les associations […] de type sémantique, visuel, auditif, kinestésique », « les moyens mécaniques », l’« attention sélective à certains détails d’un document », « la visualisation des concepts et des informations », « l’auto-contrôle », « la pratique et la simulation » et « le repérage de la structure des documents ». Le stockage d’informations généré par l’apprentissage ne peut être envisagé de manière désordonnée. Il est déterminant pour l’enseignant de choisir l’application en fonction des stratégies d’apprentissage de l’apprenant. Les stratégies qui retiendront notre attention ici sont celles qui ont été évoquées par Jean-Claude Bertin : « les stratégies de formation d’hypothèses, de vérification d’hypothèses et d’automatisation (intégration) par la pratique. » (Bertin, 2001:36). Cependant, il convient également de tenir compte « des stratégies naïves » de l’apprenant : tout ce qui est de l’ordre de l’intuitif et qui constitue un moteur pour l’apprentissage.

Les stratégies dites « naïves » sont les prémices d’un enseignement des stratégies cognitives, métacognitives, affective, compensatoire, mémorielle selon la classification de Rebecca Oxford. (Oxford, 2003 :3). Ces stratégies qui ont été classées et étudiées par les chercheurs nous semblent importantes pour réaliser une intégration réfléchie des TICE appliquées aux langues vivantes. Les apprenants par leur spontanéité ont des représentations et des pratiques qui peuvent surprendre l’enseignant et déterminer l’orientation d’un cours utilisant le multimédia. Il est utile de souligner l’influence des mondes virtuels utilisés dans les jeux vidéos et la création de blogs personnels qui retiennent les adolescents devant l’ordinateur et leur permettent de développer des stratégies transférables au cours de langue. La plupart des apprenant font partie de l’ « app generation » (Davis&Gardner : 2015)

ou des « digital natives » (Prensky : 2001) : ils ont développé des schèmes d’usage de la technologie. Cependant, le traitement de l’information en L2 doit être l’objet d’un apprentissage scrupuleux d’où la nécessité d’un enseignement de stratégies d’apprentissage.

3 .4 Les modes d’apprentissage avec le multimédia

Même s’il nous paraît crucial d’enseigner les stratégies d’apprentissage pour les intégrer à l’usage des TIC, il n’est pas inutile de comprendre la posture des « digital natives » qui peut alimenter la création de scénario pédagogiques dans le cadre de la perspective actionnelle du Cadre européen. Les jeunes évoluent dans une écologie numérique qui correspond à un autre mode d’action et à une autre manière d’envisager le temps l’espace, l’identité ou encore l’intimité. D’après les travaux de Haether Horst20

, anthropologue à l’Université de Californie, il existe trois modes d’utilisation du multimédia par les jeunes :

- “Hanging out” (passer du bon temps ensemble), en utilisant des outils comme la messagerie instantanée, Facebook ou MySpace pour retrouver et discuter avec ses amis ;

-“Messing out” (surfer, se frotter à l’extérieur), chercher de l’information, bricoler avec des moyens expérimentaux ou naviguer au hasard ;

-“Geeking out” (bidouiller), ou se plonger en profondeur dans un domaine d’intérêt ou de connaissance spécialisé.

Le mode d’utilisation « hanging out » met l’accent sur un usage ludique et social de l’outil informatique. Sur le plan pédagogique et didactique, l’apprentissage peut prendre une dimension sociale, heuristique voire même créative et identitaire. Cette utilisation d’Internet permet à l’adolescent de construire la langue et la culture étrangère tout en renforçant la sienne. Le second mode d’utilisation « messing out » est central à l’étude de la langue étrangère puisqu’il s’agit des différentes recherches que l’apprenant peut entreprendre personnellement.

Les usages cités ci-dessus ont largement influencé l’enseignement des langues étrangères par des modes d’apprentissages tels que les cyberenquêtes ou la recherche Internet (messing out), l’usage de réseaux sociaux et de forum « hanging out » et le « geeking out »

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http://www.Internetactu.net/2008/12/01/comment-les-jeunes-vivent-ils-et-apprennent-ils-avec-les-nouveaux-peut être l’objet d’une tâche complexe nécessitant des compétences numériques spécifiques. Les différentes postures de l’apprenant (« hanging out », « messing out » ou encore « geeking out ») reposent sur des modes d’apprentissages heuristiques pouvant intégrer le constructivisme de Piaget ou le socio-constructivisme de Vygotsky. Toutefois, on ne peut pas se fier uniquement à ces postures, il est cohérent de les relier aux activités langagières et à la médiation nécessaire pour aboutir à l’acquisition.

3 .5 La technologie et l’intelligence

D’après Howard Gardner (2006 :31), l’intelligence est une capacité computationnelle. Si on considère qu’ « intelligence » et « aptitude » sont liées, pouvons-nous certifier que les outils numériques rendent les apprenants plus performants et donc plus intelligents ? Nous envisagerons l’intelligence en faisant abstraction des performances, nous ferons davantage référence aux manifestations de l’intelligence c'est-à-dire aux différents types d’intelligence définis par Howard Gardner : l’intelligence logico-mathématique, spatiale, interpersonnelle, corporelle kinesthésique, linguistique, intrapersonnelle, musicale-rythmique, existentielle. Ces différents types d’intelligence enrichissent le champ d’action de l’enseignement-apprentissage des langues qu’on aurait pu limiter à l’intelligence linguistique. En effet, il convient de comprendre comment l’être humain s’est adapaté à l’environnement rendant nécessaire deux actions primordiales : le click et la navigation. Le fait de clicker fait appel à une prise de décison mais également à une sélection d’informations et à la mobilisation de l’attention. La navigation Internet permet de mettre en œuvre l’intelligence spaciale évoquée par Howard Gardner (2006). De ce fait, on assiste à un recyclage de certains schèmes primitifs comme l’orientation dans un espace géographique donné. Butler écrit ainsi :

In fact, some results show that even in the cultures of hunter-gatherers, these spatial invariances are already detected, and support the tracking skills of the hunters […]. In the same vein Dehaene has investigated the invariance of letters and words involved in reading (size, orientation, position, format, etc). In the virtual space of the digital world we could interpret the sequence of links on a computer as a path, the frames as borders, the folders and menus as zones, the click options as nodes, the icons as landmarks. We can hypothesize that perhaps the same old neuronal circuits used to navigate in the real environment are recycled in the virtual digital space. (Battro, 2009 :544)

Dans le même ordre d’idée, le click met en œuvre les intelligences corporelle, kinesthésique et spatiale citées par Gardner (2006). Face à de tels arguments, on est tenté de parler tout comme Battro (2009) d’intelligence numérique mais nous préférons affirmer qu’il y a mobilisation de divers types d’intelligences qui se sont adaptés ou encore transformés au contact de l’ère du numérique. Même si les outils numériques offrent de nombreuses possibilités en termes de recherche ou de construction d’informations, d'action, d’interaction, d’expérience sensorielle grâce à la multimodalité. On ne peut permettre à la génération actuelle de devenir des « app-able » que s’ils peuvent comprendre leurs fonctionnements cognitifs pour mieux tirer profit des TIC.

L’intelligence ne se limite pas aux types d’intelligence évoqués précédemment, il convient maintenant d’aborder la gestion responsable de l’apprenant. L’Internet, le courrier électronique, la messagerie électronique, la visioconférence et les réseaux sociaux ont rendu possible une globalisation significative. Dans le domaine de l’éducation, et plus spécialement en ce qui nous concerne, de l’enseignement des langues vivantes, il devient de plus en plus urgent de gérer au mieux l’information. La création de blog par certains enseignants permet de synthétiser des informations pertinentes pour le cours de langue et évite que l’apprenant ne soit seul face au flot d’informations que représente le Web.

L’échange d’informations et de marchandises date des sociétés primitives dont les activités principales étaient la chasse, la cueillette et la pêche. A notre époque, le développement des technologies a transformé ces échanges qui sont de plus en plus complexes. Sur le plan éducatif, il convient que l’être humain affronte cette nouvelle réalité en développant de nouvelles compétences. Howard Gardner a réfléchi à la question et propose cinq formes d’intelligences : l’esprit discipliné, l’esprit de synthèse, l’esprit créatif, et l’esprit éthique. Il écrit à ce propos :

En outre, le monde futur -avec ses moteurs de recherche, ses robots et autres ordinateurs omniprésents- va exiger des capacités qui jusqu’ici, n’ont été que de simples options. (Gardner, 2006 : 10)

L’apprentissage de la L2 dans un environnement multimédia relève de ces aptitudes puisqu’il est important de passer des heures voire des années à étudier une langue étrangère d’où la nécessité d’appréhender cette langue sous le mode disciplinaire. Internet et les multimédia doivent faire l’objet d’une sélection de l’information pertinente pour

l’apprentissage et l’apprenant tout comme l’enseignant doivent être apte à synthétiser et à critiquer d’où l’importance d’un certain sens de l’éthique et du respect d’autrui. Le cours de langue peut devenir monotone s’il n’est pas agrémenté d’un esprit créatif.

4. Le multimédia