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La condition ontologique de l’imaginaire démocratique

Propriété, propriété privée et démocratie : enjeux définitionnels

Chapitre 3 : Quelle démocratie ?

3.5. La condition ontologique de l’imaginaire démocratique

Que retenir de ce détour par l’esquisse que donne Castoriadis des institutions les plus à même d’exprimer le projet d’autonomie au sein d’une véritable démocratie ? Avant tout que la démocratie n’est pas tant affaire d’institutions formelles – de séparation des pouvoirs, de parlementarisme, de constitution libérale ou de déclaration des droits – que d’un imaginaire social-historique qui garantisse que les individus de la société entretiennent un rapport autonome à la signification. Ce qui caractérise la démocratie pour Castoriadis n’est donc pas tant la structure formelle de ses institutions ou les procédures qui mènent à la prise de décision collective que le rapport des individus au fait de l’institution (première), aux institutions secondes et aux lois qu’ils se donnent. Or, dans la mesure où, comme nous l’avons noté au début de ce chapitre, le rapport à la loi et aux institutions dépend du rapport à l’institué, et donc

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du rapport à ce que l’être est pour la société, il est utile d’approfondir ce dernier aspect et de faire un détour par l’ontologie castoriadienne pour mieux saisir comment une ontologie de l’indétermination conditionne un rapport autonome à la signification, et par-là un imaginaire démocratique.

Nous avons déjà vu que pour Castoriadis, l’institution a pour fonction de doter de sens l’être qui en est originellement dépourvu. L’imaginaire social-historique ordonne ainsi le monde, en permettant aux humains de le percevoir comme signifiant et régi par un certain ordre du sens (un kosmos), construit à partir de ce qui était originellement insensé et indéterminé. Ce faisant, l’élaboration du sens repose sur un processus de détermination : « la détermination, par chaque société, de ce qu’est toute chose est ipso-facto donation de sens à chaque chose et insertion de cette chose dans des relations de sens; elle est chaque fois création d’un monde corrélatif aux significations aux significations imaginaires sociales et dépendant de celles-ci »234.

Pour désigner le monde en-deçà de son investissement par la signification, Castoriadis préfère, et nous suivrons son usage, parler d’« à-être » que d’être, pour mieux souligner qu’avant l’opération de l’institution, celui-ci est indéterminé. Ce n’est qu’après avoir été institué que

l’à-être devient l’à-être, c’est-à-dire cet l’à-être-ci, déterminé et signifiant, tel qu’il est perçu par le sujet

ou la société qui, en le percevant, l’a institué. Nous trouvons ici un premier axiome de son ontologie : l’à-être, c’est-à-dire ce qui est en deçà de l’institution, est indéterminé. C’est l’institution qui transforme cet à-être en être, en l’investissant imaginairement de sens à l’aide des significations instituées. Cette indétermination originaire n’est cependant pas indéterminabilité. Au-contraire, l’à-être est à la fois indéterminé et déterminable, et c’est précisément parce qu’il est indéterminé que l’à-être est déterminable par l’institution. La déterminabilité de l’à-être permet précisément son ordonnancement comme ce monde-ci, tel que l’imaginaire social-historique de telle ou telle société l’a institué.

Ceci nous mène à un second axiome de l’ontologie castoriadienne que nous avons déjà évoqué plus haut : être, c’est être déterminé. Il ne saurait y avoir d’accès à cet à-être indéterminé sans institution, c’est-à-dire sans création de déterminations qui le doteront de sens au cours de son institution par un sujet. L’indétermination n’est donc qu’originelle, elle appelle la création du sens qui a lieu lors de l’institution. Comme l’écrit Castoriadis : « La non-détermination de ce qui est n’est pas simple ‘indétermination’ au sens privatif et finalement trivial. Elle est création, à savoir émergence de déterminations autres, de nouvelles lois, de nouveaux domaines de

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légalité »235. L’indétermination est la condition de la création au sens où la confrontation du sujet percevant au non-déterminé requiert de celui-ci la création de déterminations.

L’usage du pluriel souligne que l’à-être n’est donc pas, et c’est une nuance essentielle, déterminable d’une et une seule manière. Au contraire, l’imagination créatrice peut créer différentes déterminations à partir de l’à-être. Une même « réalité perceptible »236 peut être investie de différents sens, que ce soit par différents individus ou par différentes cultures. Chaque fois, l’institution de l’à-être se fait à partir d’un imaginaire instituant différent et produit donc un être perçu comme déterminé de façon différente. Ce qui nous conduit à un troisième axiome de l’ontologie castoriadienne : en raison de son indétermination, l’à-être est déterminable de multiples manières, qui correspondent à autant d’institutions imaginaires possibles: « L' ‘indétermination’, (…) a ce sens précis: aucun état de l'être n'est tel qu'il rende impossible l'émergence d'autres déterminations que celles déjà existantes »237. Ce qui implique immédiatement qu’il n’existe pas un sens, un imaginaire, ou une institution, qui corresponde parfaitement à « ce que l’être est vraiment », une signification absolue dépeignant l’à-être en-deçà de son institution, dont les autres significations ne seraient que des décalques ou des déclinaisons imparfaites. L'à-être a précisément ce sens qu’il doit être institué pour être perçu, et qu’il ne se prête pas à une et une seule institution univoque, mais au contraire, peut se dire de multiples façons. Il est donc impossible d’établir une bijection parfaite entre les éléments de l'ensemble « à-être » et ceux de l'ensemble « signification de l'être ». Ce qui, dans les termes de l‘ontologie, classique signifie que « L’être de l’étant en ''général'' ne présente ''au fond'' aucune ''unité'' et donc ne peut donner lieu à aucun discours homogène et totalisant concernant ''l’étance'' »238.

S’inspirant de l’ontologie grecque, Castoriadis qualifie alors cet à-être de « Chaos, Abîme, Sans-Fond ». Cette triple métaphore lui permet de souligner que l’institution consiste avant tout en la création d’un ordre, d’un kosmos, à partir de ce qui se donne en-deçà de la perception comme Chaos inordonné mais ordonnable : « la signification émerge pour recouvrir le Chaos, faisant être un mode d’être qui se pose comme négation du Chaos »239. La référence à l’Abîme

235 Cornélius CASTORIADIS, « La logique des magmas et la question de l’autonomie », in Les carrefours du

labyrinthe 2, Domaines de l’homme, Paris, Seuil, coll. « Points-Essais », 1999, p. 509.

236 « réalité perceptible », mais non encore perçue, donc non encore déterminée. Nous utilisons le vocable « réalité » pour éviter les lourdeurs qu’introduiraient un vocabulaire trop technique qui désignerait cette idée de réalité en-deçà de la signification par un terme comme un « à-étant ».

237 Cornélius CASTORIADIS, « La logique des magmas et la question de l’autonomie », op. cit., p. 509.

238 Richard SOBEL, « Pour un constructivisme radical et intégral : Cornélius Castoriadis », L’Homme & la Société, no 155, 2005, p. 198.

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et au Sans-Fond lui permet de surcroit de souligner qu’aucun kosmos ne saurait épuiser ou correspondre parfaitement à ce Chaos, de sorte que, de la part non-ordonnée de ce Chaos, peut toujours surgir un ordonnancement différent ou une remise en cause du fragile kosmos au sein duquel vivait tel individu ou telle société. Le Chaos, l’Abîme, le Sans-Fond est ce sur quoi repose l’institution, le matériel qui « appelle à … » et d’où émerge la création du sens. Il est ce qui en soi est indéterminé mais déterminable, et toujours déterminé par l’institution qui en le rendant signifiant l’ordonnance de manière arbitraire et contingente240.

Castoriadis peut alors affirmer que l'institution a pour première fonction d'occulter en l'ordonnant ce Chaos, source a-sensée de toutes les significations possibles, et de bâtir sur cet

à-être, le monde social dans lequel les individus, par leur institution, pourront vivre : « réponse

au Chaos, la signification est simultanément négation de celui-ci »241, c’est-à-dire négation de sa puissance subversive, et assignation d’un sens fragile à ce qui en est radicalement dénué. L’exigence de la signification a précisément pour fonction de nier le Chaos, et de masquer la contingence du sens qui arbitrairement enserre le Chaos dans la signification pour mieux assurer l’inébranlabilité du monde qui sera celui des individus. Cette mise en forme du Chaos par l’institution tend en outre à être totale et à nier la pluridéterminabilité intrinsèque de l’être afin de neutraliser le potentiel subversif du Chaos pour la signification instituée. Cette dynamique est particulièrement nette dans le cas de l’institution hétéronome, et en particulier de

240 Pour être complet, il nous faut ici mentionner que, pour Castoriadis, l’imagination créatrice n’est pas le propre de l’être humain. Elle se donne également à voir dans la manière d’habiter le monde de différents types d’êtres qui chacun construisent imaginairement leur monde et l’habitent à leur façon. Ce qui lui permet de distinguer plusieurs niveaux d’être qui se déploient à partir de cet à-être, en fonction des spécificités du type d’étant qui l’institue, et du « niveau » sur lequel celui-ci habite le réel. À la suite de Nicolas Poirier, nous pouvons ainsi distinguer cinq strates qui sont indissociables les unes des autres : « 1. l’être-premier en tant que chaos, sans-fond, abîme, flux incessant; 2. l’être-vivant en tant que surgissement de l’imagination comme puissance de mise en forme, aussi bien au niveau cellulaire qu’à celui des êtres vivants les plus complexes; 3. l’être-psychique en tant qu’apparition d’une imagination décloisonnée et défonctionnalisée. L’être-psychique constitue la première rupture dans l’ordre du pour-soi en tant qu’il définit un type d’être bien particulier : l’être humain; 4. l’être-social-historique en tant qu’émergence d’une nouvelle forme ontologique définie comme ensemble à chaque fois particulier des institutions et des significations que ces institutions incarnent (« social »), et qui comme telle se trouve engagée dans un processus d’altération temporelle (« historique »); 5. l’être-sujet en tant qu’affirmation de l’autonomie radicale de la sub-jectivité humaine pensée comme réflexivité. L’être-sujet constitue la forme ultime du pour-soi où se trouve libéré l’imaginaire comme puissance de création explicite. » (Nicolas POIRIER, « Cornelius Castoriadis. L’imaginaire radical », Revue du MAUSS, no 21, no 1, 2003, p. 383). C’est la pluridéterminabilité intrinsèque de l’à-être qui permet à ces différentes strates d’être construites à partir de l’être premier, ou l’être brut, sans qu’il n’y ait de nécessaire contradiction ou de hiérarchie entre ces strates. Ces strates disent en fait « ce que l’être est » sur des niveaux différents, qui chaque fois assurent encore une multiplicité indéterminable d’organisations imaginaires de l’institué en leur sein. Ce qui amène Castoriadis à concevoir l’à-être comme « magma », soit « ce dont on peut extraire (ou dans quoi on peut construire) des organisations ensemblistes en nombre indéfini, mais qui ne peut jamais être reconstitué (idéalement) par composition ensembliste (finie ou infinie) de ces organisations » (Cornélius CASTORIADIS, « La logique des magmas et la question de l’autonomie », op. cit., p. 492).

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l’institution religieuse dont Castoriadis analyse la dynamique dans le texte « Institution de la société et religion »242.

Mais cette négation du Chaos, cet enserrement de l’indétermination dans l’ordre du sens ne peut jamais être parfait. Comme nous l’avons vu, ce kosmos que l’institution crée pour rendre le Chaos signifiant ne lui correspond et ne peut jamais lui correspondre terme à terme. D’une part le Chaos menace toujours de renverser la signification instituée, de la mettre en échec car il déborde le kosmos où l’institution l’enserre imparfaitement, et d’autre part, sa plurivocité intrinsèque signifie que d’autres kosmos sont toujours possibles, et arbitrairement tout aussi valables. Le Chaos menace toujours l’institution, car il la déborde en rendant manifestes les insuffisances et les incohérences du kosmos qui prétend le résorber, en montrant que le voile de sens dont l’institution recouvre le monde est sans arrêt déchiré par les surgissements d’événements non prévus, inexplicables, ou insensés. Les interprètes autorisés du sens ont beau s’affairer à recombiner les ressources signifiantes dont ils disposent pour nier les surgissements du Chaos, recoudre les déchirures dans le tissu du sens, ils ne peuvent neutraliser la capacité du Chaos à mettre en spectacle l’arbitraire et le dérisoire du sens qui constitue le monde des individus. Ce que le Chaos rend manifeste est, en d’autres mots, l’insoutenable légèreté de

l’être, selon la très belle formule de Milan Kundera243 qui a le mérite de pointer à la fois l’arbitraire dérisoire du sens, et le fait que ce sens constitue précisément le monde des individus, tout ce qui a un sens pour eux244.

La notion de Chaos chez Castoriadis n’est pas uniquement négative. Ce Chaos n’est pas seulement absence d’ordre, il est aussi exigence d’ordonnancement, et par-là ouverture à l’imagination et à la création humaine. Le Chaos n’est pas seulement « menace de destruction » car il incarne également « la puissance qui donne vie à l’institution, en quelque sorte la matrice nourricière d’où elle est issue et à partir de laquelle elle se structure, quelque chose d’informe

242 Cornélius CASTORIADIS, « Institution de la société et religion », op. cit.

243 Kundera connaissait bien Castoriadis et sa philosophie, comme ses romans en témoignent indirectement. Voir : François DOSSE, Castoriadis, une vie, Paris, La Découverte, 2014, p. 313.

244 Le caractère dérisoire de la signification apparait de manière encore plus tragique dans la relation de l’individu à la mort. Celle-ci constitue la néantisation du sens à laquelle ultimement personne n’échappe, le point qui rend nulles toutes les raisons, valeurs et significations qui motivaient les actions des individus durant leur vie. Selon l’analyse de Castoriadis, la solution, dans la plupart des imaginaires a été de nier le pouvoir de néantisation de la mort en affirmant soit l’existence d’une vie après la mort, soit la perpétuation de l’âme ou d’un quelque chose qui lie le passé à un futur après la mort. Il s’agit par contre pour un individu autonome d’affronter lucidement la mort et le fait qu’aucun sens ne survit à l’extinction du Je : « Car vivre librement implique qu’on sait d’avance qu’au moment de la mort, il n’y a rien à attendre et que, d’une certaine manière, tout ce qu’on a fait n’a aucun sens, sauf celui-là précisément, de nous avoir permis de vivre libres. La mort est le prix de la liberté au sens de l’acceptation de ce fait qu’ici c’est vraiment terminé, point, et pas d’ ‘à la ligne’ » (Cornélius CASTORIADIS, Sujet et vérité dans

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de laquelle on peut tirer la possibilité de toutes les formes mais qui en elle-même n’a pas de forme »245. Nous pouvons donc qualifier cette ontologie d’ « ontologie du Chaos-création », car la reconnaissance du Chaos implique la nécessaire création de déterminations par l’institution. Cette ontologie est en outre porteuse d’importants enjeux politiques. En effet, si l’institution repose sur le Chaos qui à la fois la suscite et la menace, il n’en demeure pas moins que pour se protéger de la puissance subversive du Chaos, les imaginaires hétéronomes nient ce Chaos, en occultant le fait que l’à-être est intrinsèquement plurivoque. Pour Castoriadis, l’ontologie portée par un imaginaire social-historique hétéronome est donc unitaire et déterministe dans le sens où elle affirme que l’être est déterminé d’une et une seule façon, celle dont cet imaginaire institue l’être en niant qu’il puisse en être autrement246.

Du fait que l’être est déterminé de manière univoque découlent deux conséquences politiques importantes : en premier lieu, le sens que la société donne à l’être est ultimement le seul sens

vrai, le seul qui corresponde parfaitement à ce que l’être est vraiment en-deçà de son institution

(ou que son institution tient caché). Pour l’imaginaire hétéronome, les autres sociétés, avec leurs significations exotiques et leurs « idoles étranges » sont donc dans l’erreur ou sous l’emprise d’un dessein supérieur (explicable par les significations hétéronomes) qui leur fait comprendre les choses de manière erronée, ce qui les rend inférieures à la société hétéronome qui les juge247. En second lieu, une organisation politique idéale peut être déduite de cette véritable nature de l’être, et surtout ces lois et ces institutions ne pourront pas être remises en question car elles correspondent à la seule et unique nature de l’être. Cette dynamique qui déduit les lois idéales de la nature unique de l’être, et en particulier de l’être humain, se donne à voir tant chez Platon248 que dans les sociétés religieuses (en particulier monothéistes)249, ou encore dans les

245 Nicolas POIRIER, L’ontologie politique de Castoriadis création et institution, Paris, Payot, 2011, p. 456. 246 « Or ce postulat de l'homogénéité de l'être – l'ontologie unitaire – est consubstantiel à l'hétéronomie de la société. Il entraine en effet nécessairement la position d'une source extra-sociale de l'institution (et de la signification), donc l’occultation de l’auto-institution de la société, le recouvrement par l’humanité de son propre être comme autocréation » (Cornélius CASTORIADIS, « Institution de la société et religion », op. cit., p. 464). 247 Sur ce sujet, voir le texte : Cornélius CASTORIADIS, « Les racines psychiques et sociales de la haine », in Les

carrefours du labyrinthe 6, Figures du pensable, Paris, Seuil, coll. « Points-Essais », 2009, pp. 221‑237.

248 Castoriadis qualifie d’ailleurs de « torsion platonicienne » la volonté qu’il observe chez Platon de tordre le cou à l’ontologie du Chaos-création qui sous-tendait la pratique démocratique athénienne (et la philosophie aristotélicienne). Platon poursuivrait ce but en affirmant l’existence d’Idées universelles et éternelles, correspondant à la véritable nature de l’être jusqu’alors cachée à tous, sauf au philosophe qui, en tant qu’il a seul accès à ces Idées, est donc le seul habilité à faire les lois en pleine connaissance de cause. Sur ce sujet, voir : Cornelius CASTORIADIS, Sur Le politique de Platon, Paris, Editions du Seuil, 1999, 212 p.

249 La majeure partie de l'histoire de l'ontologie occidentale, selon Castoriadis, ne déroge d'ailleurs pas à cette ontologie unitaire, puisque, à côté des cas triviaux des sociétés religieuses, même l'histoire de l'ontologie en tant que discipline philosophique, est essentiellement histoire de la recherche de la vraie détermination de l'être. Sur ce sujet, voir : Cornélius CASTORIADIS, « La fin de la philosophie », in Les carrefours du labyrinthe 2, Domaines

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écrits de penseurs positivistes comme Charles Fourier qui, persuadé d’avoir découvert la véritable nature passionnelle de l’homme et de l’univers, en a déduit l’organisation sociale qui lui correspond selon les lois de la Raison250. Dans tous les cas, l'affirmation d'une ontologie unitaire a pour corollaire la revendication d'un ordre politique normatif qui en est déduit, et que maitrisent les interprètes autorisés de cette ontologie unitaire, ceux qui connaissent cet être véritable et ce qu’il implique en termes d’organisation politique.

De manière opposée, l’autonomie suppose de reconnaitre que le sens donné par l’institution aux choses est arbitraire et contingent, et qu’il n’existe en conséquence aucune loi inscrite dans la véritable nature de l’être qui constituerait un idéal à atteindre ou qu’il s’agirait de dévoiler pour mieux l’appliquer. Ce n’est qu’en faisant le deuil de cette loi qui correspondrait à un être déterminé une fois pour toutes qu’il devient possible pour la collectivité de créer ses propres lois librement, en ayant conscience du fait que le sens qui préside à leur création est institué arbitrairement et qu’il n’existe aucune garantie ni que ces lois produisent les effets escomptés ni qu’elles soient justes ou bonnes selon un ordre inscrit dans l’être. La politique démocratique repose donc sur un double mouvement :

« d’un côté le « dévoilement » du non-sens radical de l’être, le seul ordre qui y règne étant celui émergeant du cycle sans fin de la création et de la destruction, et la prise de conscience que sans la