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Résumé de la section sur la catégorisation

4. La communication et le processus de catégorisation

Le processus de catégorisation semble essentiel pour mieux comprendre le processus de leadership au sein de l’interaction dyadique (Uhl-Bien et al., 2014). De nombreuses études montrent que les IFTs ont une influence sur le leader, le suiveur et la dyade leader / suiveur (pour une revue, voir Junker & Van Dick, 2014). Pourtant, aucune recherche ne s’est encore penchée sur les comportements déclencheurs de l’activation des IFTs. En effet, si les IFTs (et les ILTs) sont déclenchées durant l’interaction suiveur / leader, comme le suggère la littérature (Fields, 2007 ; Roof, 2014), cela signifie que certains comportements apparus durant l’interaction ont provoqué la catégorisation (Trichas & Schyns, 2012 ; Trichas et al., 2017). Il devient donc nécessaire de mettre en évidence et expliquer les comportements responsables de l’activation des IFTs. L’un des objectifs de cette thèse sera donc d’essayer de mettre en valeur certains comportements susceptibles d’activer les IFTs.

Selon le modèle de Dickinson et McIntyre (1997) (cf. introduction), la communication influence toutes les composantes du travail d’équipe. Ainsi, la communication entre le leader et le suiveur devrait avoir un impact sur l’attitude du leader vis-à-vis de son suiveur (Dickinson & McIntyre, 1997). Selon une précédente étude, plusieurs comportements peuvent affecter la catégorisation d’autrui, notamment celle d’un leader : les comportements verbaux (i.e., le langage), paraverbaux (e.g., tonalité de la voix) et non verbaux (e.g., expression faciale, posture, fixation du regard, geste) (Vinciarelli, Chatziioannou & Esposito, 2015). Si le langage peut être perçu comme le premier vecteur d’échange d’informations explicites, les comportements non verbaux (CNV) sont quant à eux beaucoup plus implicites mais ont un grand impact sur l’interaction, en tant qu’indices sociaux sur le locuteur (Mast, 2007 ; Vinciarelli & Pentland, 2015). Ainsi, les CNV ont souvent un impact implicite sur la communication entre deux individus, même lors de l’utilisation d’un canal spécifique à un échange verbal, comme la communication téléphonique par exemple (Vinciarelli et al., 2015). Du fait de l’impact implicite des CNV sur la communication, caractéristique partagée avec les IFTs, la prochaine partie de cette revue de littérature se focalisera sur l’importance des CNV dans le processus de catégorisation.

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4.1. L’impact des CNV sur le processus de catégorisation effectué par le

leader

Les CNV, notamment les expressions faciales, influencent la perception (Ekman & Rosenberg, 1997 ; Knapp, Hall & Horgan, 2014 ; Tcherkassof, 2018). Plusieurs recherches montrent que les expressions faciales, en termes de mouvements des muscles faciaux, ainsi que l’intensité de ces mouvements, impactent par exemple la perception de la dominance (Ekman, Friesen & Hager, 2002). Selon certains auteurs, les individus connaissent grâce à leur expérience passée le lien entre la dominance, l’affichage d’émotions et les expressions faciales (Ekman et al., 2002 ; Knapp et al., 2014). Par cette connaissance, lorsqu’un individu perçoit une expression faciale, il peut faire l’inférence d’émotion, d’intentions, de dominance ou de trait de personnalité de l’émetteur de l’expression faciale (Trichas & Schyns, 2012). Par exemple, Keating, Mazur et Segall (1977) mettent en évidence la relation entre les sourcils froncés et la perception de dominance de l’individu par autrui. De plus, les sourcils relevés diminuent cette perception de dominance (Keating et al., 1977).

Cette communication non verbale se retrouve dans la dyade leader / suiveur (Locke & Anderson, 2015 ; pour une revue su les CNV et la dominance, voir Hall, Coats & Smith LeBeau, 2005). Les rôles avec plus ou moins de pouvoir (e.g., dyade hiérarchique) impactent les comportements pouvant être affichés, particulièrement les CNV (Tcherkassof, 2018 ; Mast, 2010 ; Mast, Hall & Schmid, 2010). Kenney, Blascovitch et Shaver (1994) considèrent ainsi que le leadership (et le followership) impacte de manière précoce la perception d’un individu. De ce fait, si la chaîne d’actions amenant au processus de catégorisation proposé par Fields (2007) est vérifiée (voir section 3), il devient pertinent d’affiner notre connaissance sur les différentes influences agissant sur la perception du leadership et du followership ; spécifiquement, la contribution des CNV.

D’autres études suggèrent l’importance des CNV perçus dans la construction de la représentation du leader (Antonakis & Dalgas, 2009 ; Hall et al., 2005). Shondrick et Lord (2010) ont montré l’importance des canaux non verbaux, telles que l’apparence et la tonalité de la voix qui participent à la construction de la perception du leadership. De plus, Olivola, Eubanks & Lovelace (2014) ont mis en évidence que les individus pouvaient identifier avec une probabilité au-delà du hasard dans quel contexte un individu était un leader (i.e., militaire, sportif, entreprise), prouvant de ce fait que les individus utilisaient des indices de la

45 physionomie et les associaient à des croyances (i.e., ILTs) afin de conclure sur leur corps de métier.

Du fait de ces relations, plusieurs auteurs en ont conclu que différents composants perceptuels (e.g., expressions faciales, posture, proxémie) étaient centraux pour l’activation des ILTs.

Ainsi, Trichas et Schyns (2012) ont cherché à comprendre le lien existant entre les expressions faciales émotionnelles (EFE) et les ILTs. Pour tester ce lien, les auteurs ont montré à des participants des photographies de visages codées avec le schéma FACS (Facial Action Coding System). Le FACS est un outil permettant de coder précisément les Unités d’Actions faciales (impliquant elles-mêmes différents muscles faciaux) ainsi que leur intensité (Ekman & Rosenberg, 1997). En utilisant un questionnaire regroupant l’ensemble des ILTs connues dans la littérature, les auteurs ont montré des photographies d’acteurs affichant des Unités d’Actions impliquant des sourcils (cf. tableau 2 pour voir les conditions expérimentales et le matériel utilisé). Pour chaque photographie, les participants devaient remplir le questionnaire des ILTs afin de vérifier l’impact des expressions faciales et de la physionomie sur le déclenchement des ILTs. De plus, pour chaque image, les participants devaient exprimer s’ils percevaient la personne comme étant un leader ou pas.

Les résultats de cette étude suggèrent un effet de l’expression faciale sur le déclenchement des ILTs de l’individu. De plus, les auteurs ont montré que la congruence entre les ILTs latentes et les inférences faites au vu des expressions faciales du leader augmentait la perception de la personne comme étant un leader ; la divergence au contraire diminuait cette impression de leadership (Trichas & Schyns, 2012). Ces auteurs ont également montré que la congruence entre les expressions faciales (e.g., sourcils et sourire) avec un contexte de négociation augmentait la perception de l’acteur comme étant un leader (Trichas & Schyns, 2012).

46 Tableau 2 : conditions expérimentales de l’expérimentation de Trichas & Schyns (2012)

Conditions expérimentales Matériel