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Discussion et conclusion de l’étude perceptive

Hypothèse 6 : le hochement de tête des suiveurs durant l’interaction et la perception de

10.4.9. Classification Ascendante Hiérarchique

. Afin d’étudier si une classification de sujets pouvait être réalisée sur l’ensemble des variables ayant une corrélation avec la perception de followership, une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH) a été calculée. Cette CAH met en avant deux profils de suiveurs, reportées dans le tableau 34. Au vu des données, on remarque que le profil 1 décrit des suiveurs regardant plus longtemps dans une autre direction et regardent plus souvent leurs subordonnés, regardent moins les membres de même statut, interagissent plus longtemps, notamment avec le leader médical et un subordonné, ont le moins de postures d’attentes et ont la tête plus détournée durant l’interaction. Les suiveurs du profil 2 est à l’opposé du profil 1, tandis que le profil 3 se situe entre les deux autres profils.

Un test de Kruskal-Wallis évalue la perception de followerhsip était modifiée selon la Classification réalisée. Le résultat est significatif (K = 14.53, p<.001). Des tests de Mann-

144 Whitney ont ensuite été calculés pour mesurer les différences deux à deux. En moyenne, les suiveurs du profil 2 sont perçus comme étant plus passifs (Médiane = 2.29) que les suiveurs des profils 1 (M = 3.21 ; W = 72, p<.01) et 2 (M = 5.44 ; W = 29, p<0.1).

145 Tableau 34 : Classification Ascendante Hiérarchique

Temps de regards dans une autre direction Temps de regard vers un Memb Nombre de regards vers un Sub Temps d'attente Distance avec le LM Temps d'interaction Temps d'interaction avec le LM Temps d'interaction avec un Sub Temps d'interaction avec un Memb orientation tête Profil 1 67.26 0* 11.5** 0 2.66 118.295** 33.55** 57.3** 3.19 4.04* Profil 2 38.17** 7.57 0 39.25** 1.79 19.57** 2.83 0 0 1.64* Profil 3 61.63 1.21 0 3.87 2.16 51.29** 8.4 0 3.15 2.32*

146

10.5.

Synthèse des résultats de l’étude d’annotations

Dans cette section est détaillée une synthèse des résultats significatifs de cette étude. Les traitements statistiques des données vidéo ont permis de montrer les phénomènes suivants :

1) Les infirmiers sont perçus comme étant plus proactifs que les chefs d’agrès, secouristes et ambulanciers.

2) Plus un suiveur regarde un membre du même statut de son équipe plus il est perçu comme étant passif.

3) Plus un suiveur regarde un subordonné plus il est perçu comme étant proactif. 4) Plus un suiveur est éloigné du leader médical, plus il est perçu comme étant proactif. 5) Plus un suiveur interagit durant l’intervention, plus il est perçu comme étant proactif. 6) Plus un suiveur interagit avec le leader médical durant l’intervention, plus il est perçu

comme étant proactif.

7) Plus un suiveur interagit avec un subordonné durant l’intervention, plus il est perçu comme étant proactif.

8) Plus un suiveur a la tête détournée durant l’interaction, plus il est perçu comme étant proactif.

9) Plus le temps de posture d’attente augmente, plus les formateurs ont tendance à percevoir le suiveur comme étant passif.

10) Plus un suiveur utilise de gestes de pointages, plus il sera perçu comme étant proactif. 11) Plus le suiveur regarde la victime plus les formateurs ont tendance à le percevoir comme

étant proactif.

10.6.

Discussion

Le but de cette recherche était d’étudier la relation entre les CNV et la perception du followership avec un matériel dynamique et écologique. Plusieurs de nos hypothèses se trouvent confirmées. Ainsi, l’hypothèse portant sur le lien entre le temps de fixation d’un subordonné et la perception de proactivité est validée. Nous pouvons mettre ce résultat en parallèle avec la relation dominance / temps de fixation donnée dans la littérature et la relation dominance perçue / proactivité perçue que nous avons précédemment étudiée dans l’étude perceptive (Hall et al., 2005). De plus, le temps d’interaction total durant la vidéo, ainsi que le temps d’interaction avec le leader médical, sont positivement corrélés avec la perception de

147 proactivité et négativement corrélés avec la passivité. Il est possible de mettre en lien ces relations avec la définition de la proactivité et la notion de support au leader (Carsten & Uhl- Bien, 2009 ; Chaleff, 1995). En effet, ce support au leader passe notamment par le transfert d’informations au leader et donc par l’interaction avec celui-ci. Ces deux résultats sont à mettre en lien. En effet, la plupart des interactions nécessitaient un échange de regard. Lorsque les membres de l’équipe ne sont pas en train de communiquer, ils sont essentiellement concentrés sur la victime, ou sur autre chose dans la pièce. De ce fait, les échanges de regards se font surtout pour interagir13. Les comportements d’interaction semblent donc importants dans la perception de proactivité et de passivité.

Toutefois, on ne retrouve pas de résultat entre le temps de regard vers le leader médical et la perception de followership. Nous pensons que cela est surtout dû au biais du rôle du suiveur retrouvé dans les données. En effet, les résultats suggèrent que les infirmiers sont perçus comme étant plus proactifs que les autres suiveurs. Or, lors du codage des vidéos, nous avons remarqué que les infirmiers ont tendance à moins tourner la tête vers leur leader lorsqu’ils interagissent que les autres suiveurs, car ils sont souvent pris par un geste technique. De ce fait, il est probable qu’il y ait un biais dans le recueil de données données, dans le sens où les infirmiers étant perçus comme étant plus proactifs que les autres suiveurs, mais tournant moins le regard vers le leader médical, une telle corrélation ne peut être retrouvée. Il serait donc nécessaire de récolter un plus grand échantillon de données pour pouvoir vérifier ce lien.

Concernant l’évaluation du lien entre la distance par rapport au leader médical et la perception du followership, les résultats sont contradictoires par rapport à ceux obtenus dans la littérature (Hall et al., 2005). En effet, les études tendent à montrer une relation négative entre la distance interpersonnelle et la perception de dominance, alors que nous retrouvons dans notre étude un résultat inverse. Même si la réduction de distance interpersonnelle avait été perçue comme indice de soutien au leader et non de dominance, cela n’aurait théoriquement pas changé la valence du lien, le soutien et la dominance étant deux caractéristiques de la proactivité. Plusieurs arguments peuvent tout de même expliquer ce résultat.

Tout d’abord, la puissance du lien négatif entre dominance et distance interpersonnelle diffère selon la définition de la verticalité utilisée (Hall et al., 2005). Ainsi, les études qui utilisent une définition basée sur les rôles et statut des individus, comme dans notre étude, montrent un lien

13 Cette relation n’est pas parfaite. En effet, surtout pour les secouristes assignés à une tâche statique (e.g.,

148 négatif bien plus faible que les études utilisant une définition de classes sociales (Hall et al., 2005). De plus, le biais de rôle que nous avons évoqué dans le paragraphe ci-dessus peut également expliquer ce lien. Si l’on regarde les distances moyennes par rapport au leader médical selon les rôles (i.e., infirmier et chef d’agrès vs. secouriste et ambulancier), on remarque que les suiveurs ayant un rôle de leader intermédiaire (i.e., infirmier et chef d’agrès) sont en moyenne plus éloignés du leader médical que les suiveurs sans rôle de leader (i.e., secouriste et ambulancier). Ainsi, l’interaction rôle*distance du leader médical, associée à la faiblesse du lien négatif théorique cité précédemment peut expliquer ce résultat positif. Cette explication est d’autant plus plausible que l’infirmier est le suiveur qui a le plus d’interactions avec le leader médical et lui apporte de ce fait le plus de soutien, l’une des caractéristiques de la proactivité, inversant donc potentiellement le lien entre distance interpersonnelle et proactivité / passivité perçues.

Un lien inverse à la littérature est aussi retrouvé entre l’orientation de la tête et la perception de proactivité / passivité. Les résultats de cette étude suggèrent un lien positif entre orientation de la tête et perception de followership. En d’autres termes, plus le suiveur a la tête détournée durant l’interaction, plus il est perçu comme étant proactif. Ce résultat s’explique à nouveau par l’impact du rôle sur la perception de followership. En effet, les infirmiers sont globalement plus détournés durant l’interaction, alors qu’ils sont perçus comme étant plus proactifs. De plus, il est possible que ce résultat soit ici dû à la nature de la tâche des suiveurs. En effet, la procédure de secours à la victime est très standardisée, chaque individu ayant plusieurs tâches à réaliser selon sa fonction. A partir de ce constat, se tourner vers une personne pour lui répondre peut passer comme secondaire si le suiveur réalise déjà une tâche lui demandant beaucoup de concentration (e.g., vérifier le dosage d’une injection de médicament, réalisation de l’injection). Il s’agit d’ailleurs d’un des aspects sur lesquels l’environnement Victeams tente de travailler. Ainsi, la nature de la tâche réduisant les possibilités de se tourner vers son interlocuteur et l’impact de la fonction des suiveurs sur la perception du followership peuvent expliquer ce résultat entre orientation de la tête et proactivité / passivité perçues.

L’impact de la fonction sur les données récupérées se retrouve également sur le lien négatif retrouvé entre le temps de fixation d’un membre de même statut et la perception de proactivité. En effet, les infirmiers sont les suiveurs perçus comme étant les proactifs. Or, ces derniers n’ont aucun membre de même statut qu’eux, tous les membres de l’équipe médicale-préhospitalière étant d’un statut inférieur, excepté le médecin qui est d’un statut supérieur (cf. figure 18).

149 Ces différents résultats suggèrent donc que la fonction du suiveur (i.e., infirmier vs. chef d’agrès, ambulancier et secouriste) a un effet majeur sur la perception du followership et qu’elle influence nos résultats sur la relation CNV / perception du followership. Néanmoins, cette étude dénote de certains résultats significatifs entre les CNV des suiveurs et la perception de leur followership par les leaders. Il s’agit là de la première étude expérimentant cette relation au travers d’un matériel dynamique et écologique. Si les résultats retrouvés restent faibles, cela est cohérent avec l’impact de la méthode utilisée sur la taille d’effet retrouvée entre CNV et perception de dominance mis en avant par Hall et ses collègues (2005).

10.6.1. Limites et futures recherches

Cette étude comporte plusieurs limites qu’il convient d’évoquer. Le biais majeur de la fonction du suiveur sur la perception de followership met en avant le nombre réduit de vidéos et donc de données récupérables pour étudier la relation CNV / perception de followership (8 vidéos, 35 suiveurs). En effet, il serait nécessaire de collecter et d’étudier un plus grand nombre de suiveurs dans leur fonction respective, afin de pouvoir produire des analyses statistiques sur la relation CNV / perception de followership dans chacune des fonctions de l’équipe médicale (i.e., infirmier, chef d’agrès, ambulancier et secouriste). Cela permettrait d’obtenir des résultats statistiques plus stables, notamment en termes de puissance statistique.

Une autre limite est la focalisation sur la relation perception de dominance / perception de followership que nous avons également mise en exergue dans notre première étude et que nous suivons dans cette thèse. En effet, la distinction entre la proactivité et la passivité se fait principalement sur deux dimensions : la dominance et le support apporté au leader (Carsten et al., 2010 ; Chaleff, 1995 ; Kelley, 1992). Dans cette thèse, nous nous sommes focalisés sur la relation perception de dominance / perception de proactivité / passivité. Toutefois, les résultats de nos deux premières études montrent que la qualité du support apporté au leader peut également permettre d’expliquer certains résultats (e.g., direction du regard, temps d’interaction). Dans de futures recherches, il sera essentiel de prendre cette dimension en compte.

Les plus grandes limites de cette expérimentation se situent au niveau de la méthodologie adoptée. De par la problématique de la méthode à utiliser pour étudier les CNV (cf. section 5), cette étude n’est pas dénuée de certaines limites. Ainsi, la faiblesse des résultats peut se justifier

150 par la méthode utilisée pour étudier le lien entre perception de followership et CNV. Le but de cette étude était d’envisager le lien perception de followership / CNV dans un contexte plus écologique que l’étude perceptive, afin de pallier le manque de dynamisme du matériel précédemment utilisé (i.e., images d’agents virtuels), mais bien aussi d’étudier cette problématique dans un contexte d’équipe médicale pré-hospitalière. Ces deux études ont ainsi été pensées de manières complémentaires. Cependant, l’utilisation des vidéos d’entraînements a amené plusieurs biais pouvant expliquer les faibles résultats. Tout d’abord, le matériel vidéo de qualité d’image limitée et l’angle des caméras (i.e., coins supérieures de la pièce) n’ont pas permis aux formateurs d’observer avec facilité les CNV des suiveurs, comme les comportements de regards par exemple. Il était difficile pour les juges de déterminer la direction du regard du suiveur dans le séquençage de la vidéo sur le logiciel et ce en regardant plusieurs fois la vidéo. Ainsi, pour les formateurs ne voyant la vidéo qu’une seule fois en entier, déterminer cette direction était d’autant plus difficile.

De plus, les vidéos d’entraînement ayant été fournies par le pôle formation de la BSPP et ayant précédemment été utilisées pour la thèse d’Océane Martineau (2015), les participants se souvenaient de certains des suiveurs visionnés durant l’expérimentation. Cela a eu un certain impact sur les résultats de l’étude, malgré le prétraitement des vidéos afin de normaliser le contexte des vidéos et réduire l’impact de la tâche sur la perception de followership. Ces différents biais peuvent en partie expliquer les faibles résultats retrouvés dans cette expérience. Une dernière limite méthodologique est présente dans le questionnaire que nous avons utilisé. En effet, l’étude perceptive a mis en avant la difficulté des participants de remplir le questionnaire d’IFTs, les items étant parfois très complexes à juger en fonction des stimuli proposés (i.e., images statiques d’agents virtuels). Afin de combler cette limite, il nous a semblé plus pertinent de construire un questionnaire de perception de followership, basé sur les dimensions de proactivité et de passivité mises en avant par Carsten et ses collègues (2010). Néanmoins, cela reste un matériel qui étudie un concept différent des IFTs. Si dans notre paradigme théorique, nous faisons l’hypothèse que la catégorisation du leader à partir d’attributs présents en mémoire à long terme (i.e., les IFTs) entraîne la perception du followerhsip, nous ne l’avons pas démontré. Ainsi, la perception du followership et la catégorisation sont deux concepts différents. Dans de futures recherches, il sera nécessaire de faire le lien entre ces deux concepts.

151 Enfin, les études sur la relation entre dominance et comportements non verbaux montrent que les tailles d’effets retrouvées sont clairement moindres dans les études écologiques par rapport aux études de perception en laboratoire (Hall et al., 2005). De ce fait, il est normal de trouver des résultats plus faibles dans notre étude vidéo que dans notre étude perceptive avec les agents virtuels. Cela ne signifie pourtant pas que les CNV dont les résultats ici suivent une simple tendance doivent être écartés de toute recherche. Si nous mettons en place une étude d’interaction, il est possible que nous ne retrouvions pas les mêmes résultats et ces comportements non verbaux seront potentiellement plus remarqués et auront ainsi plus d’impact sur la catégorisation des suiveurs par les leaders. Il est donc nécessaire de vérifier comment les CNV peuvent influencer la catégorisation dans une tâche d’interaction.

10.7.

Conclusion

Cette étude vidéo a permis de combler certaines limites de la première étude perceptive. Ainsi, nous avons ici étudié la relation CNV / perception de followership avec un matériel dynamique et non statique. Cela nous a également servi pour explorer cette relation dans un contexte écologique (i.e., équipe médicale pré-hospitalière). En faisant le cumul de ces deux études, nous avons étudié un certain nombre de comportements pouvant permettre la catégorisation (i.e., direction et temps de regard, expression faciale, orientation de la tête et du buste, distance interpersonnelle, geste de pointage, posture d’attente, temps d’interaction). Toutefois, ces deux études restent des études perceptives. Si ces deux études apportent de précieuses informations, elles ne permettent pas encore d’étudier comment les CNV influencent la catégorisation durant l’interaction leader / suiveur. De plus, les questionnaires utilisés ne permettent pas d’étudier la catégorisation implicite (Ho, 2012 ; Tram Quon, 2013). Ainsi, une dernière étude interactive est nécessaire afin de compléter cette recherche sur la relation CNV / IFTs, que nous allons maintenant présenter.

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11. Étude d’interaction avec des agents virtuels et catégorisation