• Aucun résultat trouvé

Chapitre 1. Les enjeux associés à l’utilisation de matières premières dans

2.2. Les spécificités de l’industrie pétrochimique mondiale

2.2.2. Le système de prix sur les marchés pétrochimiques

2.2.2.2. La commoditisation des produits pétrochimiques

Il y a eu une série de changements structurels sur les marchés de matières premières chimiques et pétrochimiques au cours des dernières années qui a abouti à une modification des comportements des prix des produits pétrochimiques. Depuis plusieurs années les prix de certaines matières pétrochimiques ne semblent plus être maitrisés par les producteurs. Nous assistons à un phénomène de « commoditisation » des produits pétrochimiques.

i. Définition de la notion de commoditisation

La « commoditisation » est une étape du cycle de vie de presque toutes les matières pétrochimiques. Choksi (1991) étudie ce phénomène qui se retrouve sur les marchés

44 Source : NCDEX Ltd

http://articles.economictimes.indiatimes.com/2011-04-03/news/29377286_1_futures-trading-contract- specification-futures-contracts

d’autres matières premières comme l’aluminium. Le graphique suivant décrit le cycle de vie d’un produit pétrochimique. Il est directement inspiré de la théorie initiée par Vernon (1966).

Graphique 9: Le cycle de vie d'une matière pétrochimique

R&D Pre-marketing Commercialisation Commoditisation Maturation Innovation grâce à de nouvelle application Déclin de la demande Année Demande de marché

Source : Tecnon Orbichem

Au début de leur commercialisation les nouvelles matières pétrochimiques sont des produits spécifiques fabriqués par peu voire même un seul producteur. Le prix est souvent élevé et les marges importantes afin de supporter les coûts de Recherche et Développement. Au bout d’un certain temps les marges fortes et l’essor de la demande pour ce nouveau produit attirent de nouveaux producteurs. La compétition entre les producteurs se développe avec une réduction des prix et des coûts de productions.

Le produit devient alors une commodité : c’est un produit standardisé aux qualités parfaitement définies et connues des acheteurs ; la compétition entre producteurs ne passe que par les prix ; il n’y a pas de différenciation possible du produit ; il est disponible auprès de nombreux producteurs dans le monde à un prix de référence unique et parfois mondial.

Le processus de « commoditisation » fait partie du cycle de vie d’une matière pétrochimique mais nous remarquons depuis une dizaine d’année un déplacement du phénomène vers des matières situées plus bas dans la chaîne de valeur. La commoditisation en cours des produits situés en aval (downstream) concerne essentiellement les matières plastiques de grande consommation comme le

Polypropylène et le Polyéthylène. Cette évolution pose des problèmes nouveaux aux intervenants du secteur : hausse de la volatilité des prix, hausse du risque de variation des prix, besoin croissant de marchés à terme de produits dérivés...

ii. Les facteurs à l’origine de la commoditisation des produits pétrochimiques

Schumpeter (1942) a décrit comment les barrières à l’entrée qui procurent un pouvoir de monopole aux producteurs d’un produit peuvent tomber sous l’effet de l’émergence de nouveaux produits substituables, du développement de sources d’offres nouvelles ou de la diminution de la dépendance des utilisateurs à ses produits. Le développement de la production à un niveau international et l’essor du commerce international ont renforcé la concurrence entre les producteurs et ont réduit fortement le pouvoir de discrimination par les prix des producteurs des matières premières de base.

Pour simplifier nous pouvons distinguer trois facteurs à l’origine de la commoditisation des produits pétrochimiques :

- L’augmentation du nombre d’acheteurs : La forte croissance économique dans les pays en développement au cours des dernières années a favorisé une augmentation soutenue de la consommation de matières pétrochimiques. Nous traiterons plus précisément ce sujet dans la section suivante

- L’augmentation du nombre de producteurs : La production de produits pétrochimiques a également fortement augmenté au cours des dernières années, tirée par l’essor de nouveaux producteurs dans les pays en développement.

- L’augmentation de la volatilité des prix du produit : Le profil de volatilité des prix pétrochimiques a été mis en évidence dans le chapitre 1. Les prix pétrochimiques sont au moins aussi volatiles que les produits pétroliers et les fluctuations des prix se sont amplifiées aux cours des dernières années surtout sur la période 2008- 2011.

La transmission de la volatilité des prix du pétrole sur les prix des produits pétrochimiques peut être également considérée comme un facteur indirect. À notre connaissance aucune étude ne traite de ce sujet mais plusieurs papiers ont étudié les

effets de transmission de la volatilité des prix du pétrole sur les marchés d’autres matières premières.

Erwing, Malik et Ozfidan (2002) étudient la volatilité sur les marchés financiers du pétrole brut et du gaz naturel. À l’aide de modèle GARCH ils mettent en évidence la transmission de la volatilité entre les marchés du pétrole et gaz.

Chen, Finney et Lai (2005) s’intéressent plus spécifiquement à la transmission asymétrique entre les prix du pétrole brut et les prix de détail de l’essence sur les marchés au comptant et à terme américains. Ils identifient une transmission asymétrique de la volatilité sur le marché au comptant mais également sur les marchés à terme.

Baffes (2007) examine le mécanisme de transmission des variations des prix du pétrole brut sur 35 matières premières entre 1960 et 2005. Pour y parvenir, il calcule à l’aide d’une méthode de moindres carrés ordinaires une élasticité prix qui mesure le degré de sensibilité du prix d’une commodité aux variations du prix du pétrole. D’après ses calculs, l’élasticité de l’ensemble des matières premières non énergétiques est égale à 0,16. La valeur de l’élasticité est comparée aux résultats antérieurs de Gilbert (1989) et Borensztein et Reinhart (1994) qui trouvaient respectivement 0,12 et 0,11. Cependant, à un niveau d’analyse plus fin, Baffes identifie des écarts de sensibilité importants entre les différentes familles de matières premières. Par exemple, les prix des fertilisants sont particulièrement sensibles au prix du pétrole avec une élasticité de 0,33. Les prix agricoles sont également impactés par les prix du pétrole (0,17) suivi des métaux (0,11). Les prix des métaux sont très vulnérables sur la période la plus récente entre 1985 et 2005 avec une élasticité de 0,43. Au sein de la famille des métaux, les métaux précieux réagissent particulièrement au prix du pétrole (0,34 pour l’or et 0,58 pour l’argent). Enfin, le gaz naturel est la commodité dont le degré de sensibilité est le plus élevé (0,64).

Du, Yu et Hayes (2011) analysent les facteurs qui influencent la volatilité des prix du pétrole brut et l’influence de cette volatilité sur les marchés des matières premières agricoles. À partir de 2006, il existe un effet de transmission de la volatilité des prix sur les marchés du pétrole brut, du blé et du maïs. L’effet de déversement de la volatilité des prix s’explique par le renforcement des interdépendances entres ces marchés induites par la production d’éthanol.

Enfin, Ji et Fan (2012) s’intéressent à l’influence de la volatilité des prix du pétrole sur les marchés de matières premières non énergétiques : les métaux, les produits agricoles et les produits non énergétiques. Ils démontrent que la volatilité des prix du pétrole brut a un effet significatif sur les marchés des matières premières non énergétiques. Le niveau de corrélation se renforce après la crise de 2008.