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Chapitre 1. Les enjeux associés à l’utilisation de matières premières dans

1.3. Les risques économiques associés à l’insertion de matières premières dans

1.3.3. La gestion du risque matières premières

1.3.3.2. La gestion du risque prix matières premières dans l’industrie

Les outils de gestion du risque de prix matières premières utilisés par le secteur automobile sont essentiellement des outils contractuels. Cette faible implication du secteur dans la couverture sur les marchés financiers peut s’expliquer par la nature des matières consommées. L’acier et surtout les plastiques ne disposent pas pour l’instant de marchés à terme fiables et établis. Il a donc fallu trouver d’autres moyens de gérer le risque prix. Cependant face à la récente augmentation de la volatilité des matières premières et à l’apparition de nouveaux produits dérivés, les constructeurs automobiles plaident de plus en plus pour une utilisation de produits dérivés par leurs fournisseurs.

« Nous voyons que le développement de la liquidité du marché (des dérivés) du minerai de fer pourrait permettre aux aciéristes de donner au client final des prix à plus long terme », Nicolas Fourrier, Renault RNPO Materials, Supplier Account Officer. Reuters, 16/06/2011

i. Les produits dérivés

Au niveau des entreprises il est difficile d’évaluer le degré d’utilisation des outils de couverture contre le risque de prix de commodité. Les entreprises qui sont fortement exposées au risque de variation des prix des matières premières (industrie minière, pétrolière et pétrochimique…) connaissent ce risque et mettent en place des stratégies de couverture sur les marchés financiers (Bartram, 2005). Par exemple, la couverture contre le risque de volatilité des prix des matières premières est fréquente dans l’industrie aurifère (Tufano, 1996 ; Chidambaran, Fernando & Spindt (2001) ; Petersen & Thiagarajan, 2000) dans le secteur pétrolier, gazier et chimique (Haushalter, 2000 ; Culp & Miller, 1994 ; Edwards & Canter, 1995 ; Mello & Parsons, 1995).

Bartram, Brown et Fehle (2009) étudient les stratégies de couverture de 7319 entreprises non financières réparties sur 50 pays pour les années 2000-2001 (voir Annexe 1 – Table 1). Une large majorité d’entre elles (60,3%) utilisent des outils de couverture en premier lieu pour les taux de change (45,2%), puis les taux d’intérêt (33,1%) et dans une moindre mesure pour les matières premières (10%). Dans l’industrie automobile, Bartram et al. (2009) calculent que 72,3% des 159 entreprises

étudiées utilisent des produits dérivés. Comme pour les autres secteurs, l’automobile se couvre essentiellement contre le risque de change (61,6%) et le risque de taux d’intérêt (42,1%). Seulement 5% des entreprises automobiles se couvrent effectivement contre le risque de matières premières.

L’analyse des rapports financiers que nous avons effectuée (Tableaux 11 et 12) révèle que les constructeurs automobiles se couvrent essentiellement contre le risque de variation des prix des métaux qui sont cotés dans des bourses de matières premières : aluminium, cuivre, métaux précieux (palladium, platine, rhodium), énergie (gaz naturel et électricité). Le recours aux marchés dérivés de matières premières n’est pas automatique et certains constructeurs et équipementiers ne se couvrent pas sur les marchés à terme. C’est le cas des groupes japonais Toyota, Hyundai et Honda. À l’inverse les groupes européens et américains utilisent les marchés à terme mais jamais à de fins spéculatives.

Tableau 11: Synthèse des positions des couvertures financières pour matières premières des principaux constructeurs en 2011

Juste Valeur24 au bilan des produits dérivés de matières premières au 31 décembre 2011

en millions Constructeur Types de Matières

couvertes Types d’outils

Actif Passif Monnaie

Toyota Pas de couverture - - -

General Motors Métaux précieux non

ferreux ; énergies Swaps, options 84 11 $

Volkswagen

Aluminium, cuivre, platine, rhodium, palladium, charbon, plomb Contrats futures, swaps n.d n.d $ Ford n.d Contrats forwards et options 2 372 $

Hyundai –Kia Pas de couverture - - -

Honda Pas de couverture - - -

Nissan Aluminium, cuivre, platine, palladium

Contrats

Forwards n.d n.d ¥

PSA Peugeot Citroen

Aluminium, cuivre, plomb,

platine, palladium, rhodium Swaps 2 60 €

Fiat n.d Swaps 1 42 €

Renault Aluminium, cuivre, plomb, palladium, platine

Contrats Forwards

Pas de couverture au

31 décembre 2011 €

n.d = non disponible ; Pour les constructeur asiatiques les rapports financiers sont publié au 31 mars 2011 Source : Rapports annuels financiers des constructeurs 2011

24 La Juste Valeur est une norme comptable fondée sur la valorisation des actifs et des passifs aux prix de marché. L’estimation de juste valeur pour des titres non cotés ou des dérivés peu échangés pose problème. Pour les valeurs liquides, la juste valeur sera la valeur cotée. Pour les valeurs illiquides, elle sera estimée à partir de modèles de valorisation des instruments financiers reconnus sur le marché.

Tableau 12: Synthèse des positions de couvertures financières des principaux équipementiers en 2011

Juste Valeur au bilan des produits dérivés de matières premières au 31 décembre 2011

en millions Equipementier Types de matières

couvertes Types d’outils

Actif Pasif Monnaie

Bosch n.d Contrats forwards 6 16 €

Delphi Corp Cuivre, aluminium Argent

et or Contrats forwards 48 27 $

Denso Corp Pas de couverture - - -

Magna Gaz naturel, propylène, cuivre et argent

Swaps, contrats

forwards n.d n.d $

Aisin Seiki

Co.Ltd Pas de couverture - - - -

Faurecia Pas de couverture - - - -

Valéo Aluminium, cuivre, Zinc Swaps et options 1 8 €

Siemens Aluminium, nickel,

chrome

Contrats forwards,

swaps, option - 27 €

n.d = non disponible ; Pour les équipementiers asiatiques les rapports financiers sont publié au 31 mars 2011 Source : Rapports annuels des équipementiers 2011

ii. Les outils contractuels

Lorsque le risque de prix matières porte sur des matières premières qui sont négociées de gré à gré et ne disposent pas de marchés dérivés, les constructeurs doivent utiliser d’autres moyens de gérer le risque. Il est courant d’employer dans l’industrie automobile des outils contractuels c’est-à-dire de lier des contrats d’approvisionnement en matières premières de long terme qui prennent en compte le risque de prix. Les types de contrats choisis dépendent des matières consommées. Pour certaines matières comme l’acier, les constructeurs ont lié des contrats de long terme avec les sidérurgistes qui fixent les prix de l’acier pour plusieurs mois afin de supprimer le risque de prix sur la période. En 2010, suivant le mouvement opéré sur le marché du minerai de fer25, les aciéristes ont voulu passer en contrat trimestriel avec les constructeurs automobiles. Mais les constructeurs ont négocié des contrats biannuels (échéance de six mois contre un an auparavant) afin de limiter la volatilité des prix de l’acier. C’est le système de prix producteurs. Ces contrats à long terme

25 Les miniers ont modifié l’échéance des contrats passés avec les aciéristes en 2010. Les contrats annuels sont devenus des contrats trimestriels à la suite d’un contrat signé entre Vale et les sidérurgistes japonais Nippon Steel et Sumitiomo mettant terme à un système vieux de 40 ans. Le changement dans le mode de fixation des prix s'explique par les fortes variations de l'offre et de la demande de minerai de fer et d'acier, et de ses cours. Les fortes baisses de prix constatées en 2009 ont coûté cher aux groupes miniers. Selon les calculs de Goldman Sachs, ils auraient perdu près de 20 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2009, alors qu'ils vendaient leurs minerais au plus bas, et que les cours au comptant ne cessaient de grimper.

couvrent les besoins d’acier des constructeurs de 80 à 100% pour l’année à venir. Ils garantissent un prix « stable » de l’acier aux deux parties.

D’autres matières comme les plastiques sont achetées avec des contrats de plus court terme (3 à 6 mois) qui contiennent des clauses de révisons automatiques des prix. Les matières plastiques sont un exemple particulier de risque de volatilité des prix indirect : les constructeurs automobiles sont exposés aux variations du prix des matières plastiques par l’impact de ces variations sur les coûts de leurs fournisseurs équipementiers.

iii.Le schéma d’approvisionnement des matières

plastiques

La problématique de la gestion du risque de prix des matières plastiques est plus particulière. En effet, les constructeurs automobiles achètent une partie des matières plastiques indirectement à travers les achats de pièces en plastique à des équipementiers. L’autre partie est achetée directement par les constructeurs auprès des fournisseurs de matières plastiques. Pour faire face à la volatilité des prix des matières plastiques les entreprises automobiles ont mis en place des mécanismes qui font intervenir trois acteurs principaux (Figure 1) :

- Le service achat du constructeur

- Les producteurs de matières : les chimistes

- Les équipementiers : les transformateurs de plastiques

Figure 1: Relation équipementier – constructeur- chimiste

Négociation des prix d’achat et des prix directeurs + mécanisme de compensation

Contrat d’achat de pièces plastiques avec ou sans clause matières premières

Constructeur

Chimistes Équipementiers

Négociation des prix d’achat + mécanisme de

• La relation constructeur-chimiste :

En cas d’achat indirect de la matière plastique, la négociation entre le constructeur et les chimistes a pour objectif de définir annuellement des « prix directeurs » c’est-à- dire des prix plafonds que les chimistes peuvent appliquer aux équipementiers pour chaque grade de matières utilisé. Ces prix sont un engagement de la part des producteurs de matières mais restent non contractuels. Ils sont secrets et ne sont pas diffusés aux équipementiers.

Les prix directeurs sont complétés par des mécanismes d’ajustement automatiques basés sur des indices de prix des produits intermédiaires « référence » (par exemple le propylène pour les plastiques polypropylènes). Ces prix références sont publiés par des organismes spécialisés dans le « price reporting » comme ICIS et Platt’s. Les mécanismes sont discutés avec les plus gros chimistes puis utilisés ensuite avec tous les autres fournisseurs matières. Ils définissent une bande de stabilité dans laquelle aucun ajustement prix matière n’est autorisé. Si le prix du produit référence sort de la bande de fluctuation, une compensation est appliquée sur le prix directeur de chaque référence commerciale.

Dans le cas de l’achat direct de matières plastiques par les constructeurs automobiles, les contrats avec les chimistes intègrent en général des clauses d’indexation automatique des prix basées sur les mêmes mécanismes que ceux utilisés pour les prix directeurs. Les prix des matières plastiques sont ainsi révisés tous les trois mois. Ce type de mécanisme d’indexation des prix est utilisé essentiellement en Europe. Pour les autres régions du monde le manque d’indice de prix des produits intermédiaires « référence » rend la création de tel mécanisme très difficile. En Asie par exemple, chaque producteur a sa propre formule. Les prix des contrats des matières plastiques sont souvent basés sur une formule qui utilise les prix au comptant ou les prix d’autres produits intermédiaires comme le naphta, le pétrole brut plus un alpha.

• La relation constructeur-équipementier :

Les relations d’achat entre constructeur et équipementier concernent essentiellement des pièces automobiles. Les contrats d’achat sont faits en général au cas par cas pour chaque projet de véhicule. Deux types de contrat existent :

- Les contrats d’achat pièces qui ne contiennent pas des clauses d’ajustement automatiques des prix matières plastiques. Dans ces contrats les variations des prix matières sont négociées librement entre l’équipementier et les acheteurs pièces. Les performances de la négociation entre les parties doivent permettre de gérer ou non le risque matières encourue.

- Les contrats d’achat pièces avec clause d’indexation de prix matière. Dans le cas des pièces en matières plastiques les prix de transaction sont fixés par référence à un indice de prix de produit référence publié par un organisme spécialisé (Platt’s, ICIS). Dans la pratique la clause d’indexation est souvent la même que celle des prix directeurs.

• La relation équipementier – chimiste :

La relation d’achat entre l’équipementier et le chimiste est extérieure au constructeur. Les équipementiers négocient librement les prix matières avec les chimistes en fonction de leur volume de consommation. Ils fabriquent des pièces pour plusieurs constructeurs et peuvent donc bénéficier d’effets volumes plus importants. De manière générale les équipementiers automobiles lient des relations de moyen et long termes avec les chimistes et se fournissent peu sur les marchés au comptant. Dans la plupart des cas, ils signent des contrats à 6 mois d’approvisionnement en matières plastiques. Ces contrats contiennent une clause de révision des prix matières à la moitié du contrat (3ième mois). La révision du prix du contrat peut être conditionnée à un mécanisme d’indexation automatique à un indice semestriel de prix matières premières publié par des organismes spécialisés. Ces mécanismes ressemblent aux mécanismes mentionnés précédemment pour les prix directeurs. Certains équipementiers et certains constructeurs qui achètent directement des matières plastiques aux chimistes, peuvent signer des contrats de plus long terme ; contrat d’un an à prix fixe et contrat jusqu’à 3 ans, contenant des clauses semestrielles de révision automatique des prix.

Finalement, dans cette chaîne de valeur il semble que le risque de prix matières plastiques soit transféré depuis le producteur chimiste vers le consommateur de matières plastiques (l’équipementier ou le constructeur). Les chimistes ne supportent qu’une faible partie du risque prix et essayent de transférer au maximum leur risque vers l’aval.