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L E VICAIRE DE C AROUGE ET DU S ACRE C ŒUR

D EUXIEME PARTIE : LE MINISTERE GENEVOIS

IV. L E VICAIRE DE C AROUGE ET DU S ACRE C ŒUR

Charles Journet vicaire

Après sa première messe et les vacances d’été, l’abbé Charles Journet fut envoyé à Carouge comme vicaire1. Lucien Méroz explique que Journet alla à cet endroit « parce que c’était un peu la campagne »2. Les autorités avaient-elles souci de ménager la santé fragile du jeune prêtre ? L’évêque parlait sans doute de lui lorsqu’il expliquait au vicaire général de Genève que parmi les nouveaux ordonnés « l’un [était] déjà malade et d[evait] être mis en réserve »3.

Carouge, cité fondée au XVIIIe siècle par le roi de Sardaigne pour concurrencer la Genève calviniste, devait être encore à ce moment, comme elle l’était quelques années auparavant à l’arrivée de son nouveau curé, « la vraie petite ville sarde, serrée autour de la place du Marché et de l’église »4, avec ses maisons contiguës et peu élevées. Seule ville parmi les Communes réunies, elle possédait une forte population catholique dont de nombreux Italiens. Mgr Mermillod y était né. La vie paroissiale était active, les œuvres nombreuses comme on le constate dans les annonces paroissiales (Tiers-Ordre, vestiaire, Conférence Saint-Vincent-de-Paul etc.). Les offices, quatre messes la semaine, cinq le dimanche5, avaient lieu dans une chapelle provisoire car l’église néo-classique de la Sainte-Croix confisquée durant le Kulturkampf n’avait pas encore été restituée. L’église de Carouge sera la dernière à être rendue au culte catholique romain, en 1921 (les catholiques chrétiens possèdent encore l’église de Saint-Germain à Genève et celle du Grand-Lancy). Sise à côté de la cure en retrait du chevet de Sainte-Croix, la « chapelle de la persécution » où Journet exerça le ministère sera ensuite convertie en un local paroissial et abritera avant sa démolition la troupe du Théâtre de Carouge (1958-1967)6. Charles Journet travailla sous la responsabilité du curé Louis Vuachet (1874-1965), le chef dynamique de la paroisse de 1912 à 19467. Il eut comme confrère le vicaire Georges Montant puis le vicaire Charles-Albert Schubel.

1

Louis Ems, vicaire général, à Journet, 23 août 1917 (AEvF, paroisses 11, dossier Carouge, d) ; registre des nominations et décès 1909-1962, 25 août 1917 (AEvF). Les confrères de Journet seront vicaires, à Lausanne, Châtel-Saint-Denis, Montreux et Neuchâtel (SC, 18 août, 1er, 8, 22 septembre, 6 octobre 1917, pp. 513, 545, 561, 593, 625).

2

MEROZ,Le cardinal Journet, op. cit., p. 22. L’information est donnée entre guillemets par l’auteur.

3

Colliard au vicaire général Ruche, 8 août 1917 (AEvF, paroisses 42, d). Les discussions à propos des nominations, auxquelles le vicaire général de Genève était convié, furent orales et se passèrent au Séminaire.

4

Nécrologie de l’abbé Louis Vuachet, Bulletin paroissial, Sainte-Croix – Carouge, mai-juin 1965, 5-7 [par A. B.], p. 6.

5

Annonces à l’église, 30 septembre 1917 (ibid.).

6

Patrick RUDAZ, Carouge, foyer d’art sacré (1920-1945), livre édité par la ville de Carouge, 1998, pp. 59-60.

7

Dans son roman Le fardeau léger, l’écrivain Léon Savary a proposé non sans verve une description de la vie d’une cure genevoise. On le lira avec profit. Les vicaires étaient assez indépendants dans leurs activités mais restaient étroitement soumis au curé. Au presbytère le curé était le chef du foyer. Il était souvent assisté par une sœur qui faisait office de gouvernante et mettait à disposition des vicaires le gîte et le couvert et leur donnait une (petite) part de leur salaire, après défraiement des frais de pension8. Nous prendrons acte que malgré son humour9 et sa jeunesse, l’évêque du diocèse Placide Colliard était assez sévère envers eux. Il pensait que la vitalité des œuvres paroissiales en pays mixte représentait « pour les prêtres, surtout pour les vicaires, un grand danger de s’extérioriser et de perdre la vie intérieure » et relevait le danger « de prendre des habitudes laïques », estimant que « certaines chambres de jeunes prêtres ressembl[aient] trop à des boudoirs »10.

Le premier acte du ministère quotidien de l’abbé Journet était la messe. Elle avait lieu tôt, à six heures durant la bonne saison. On lui avait aussi confié, avec l’aide de dames catéchistes, l’instruction religieuse des filles11. Sans être capable de déterminer ce que fit Charles Journet, relevons l’ampleur de cette activité pastorale qui consistait en cours pour le primaire, catéchisme de persévérance dont cours supérieur dès 16 ans, cercle d’études, patronage, ouvroir (suite du patronage) et Enfants de Marie12. A une date non déterminée mais sans doute en 1918 suite au départ de l’abbé Montant13, Journet se chargea des jeunes gens. On signale le « Patronage de garçons et Petit Cercle » ainsi que le catéchisme des garçons14. Un ancien de Carouge se rappelle qu’il « [avait été] conquis par le sourire, la gentillesse, la sainteté du nouvel abbé »15.

Charles Journet enseigna le catéchisme au moment où l’Eglise de Genève uniformisera les pratiques des paroisses à propos de l’accès des enfants à la communion. La décision de Pie X d’abaisser l’âge minimal pour la réception du sacrement n’avait pas été accueillie partout avec enthousiasme. Au détour d’une phrase, le vicaire général trahissait le mécontentement devant cet acte, « considéré

8

Rapports de l’Œuvre du clergé pour 1919, p. 7 (AVic). En tant que professeur, dès 1930 du moins, Journet sera rétribué avec un salaire de base et des émoluments supplémentaires en fonction du nombre d’heures d’enseignement (Ems à Marc Dalbard, supérieur du Séminaire, 15 février 1930, AEvF, Sé 21, dossier Séminaire diocésain 1921-1945, d). Charles Journet semble n’avoir jamais manqué de ressources. En 1922, on apprend qu’il était redevable à l’impôt de Fribourg (exercice 1921) « pour une fortune imposable de fr. 18.000.– et pour un produit du travail de fr. 1000.– » (lettre du Bureau de l’impôt à Journet, 14 septembre 1922, FCJ). Il est possible, nous l’avons relevé, que l’expérience professionnelle dans la banque ait aidé Charles Journet à gérer ses finances.

9

SAVARY,Le fonds des ressuscités, op. cit., pp. 160-161.

10

Colliard au père Gardeil, 11 mars 1916 (AEvF, Sé 21, dossier Séminaire diocésain 1921-1945).

11

Annonces à l’église, 30 septembre 1917 (archives paroissiales de Carouge).

12

Rapports annuels de la paroisse (1914-1923), année 1916 (ibid.).

13

En 1917, c’était le vicaire Montant qui était annoncé comme responsable du patronage et des catéchismes des garçons (annonces à l’église, 30 septembre 1917, ibid.). On apprend par ailleurs que Journet fut « obligé » par le vicaire général Petite, entré en fonction en 1918, de se charger de ce ministère (Vuachet à Ems, 27 août 1919, AEvF, paroisses 11, dossier Carouge).

14

Ibid et Léon ROUYET (citant Jean BLANCHE), « Un ancien vicaire… cardinal de la Sainte Eglise ! », Bulletin

paroissial Sainte-Croix – Carouge, février 1965, 6-8, p. 8.

15

comme ruineux pour l’instruction religieuse »16. On craignait en effet que cette nouvelle première communion ne marquât, aux yeux des parents non-pratiquants, la fin du catéchisme. Comme en France, les autorités genevoises entérinèrent une pratique qui distinguait la première communion simple de la communion solennelle célébrée le jour festif de la consécration (appelée fête du Renouvellement à Carouge), à la fin du catéchisme primaire17. On espérait que les parents allaient attendre au moins jusque-là pour retirer leurs enfants du catéchisme. Le vicaire général souhaitait même repousser ultérieurement la consécration à quinze ans18. A ce propos, il est intéressant de lire la présentation du nouveau règlement écrite dans le Courrier de Genève par E. D. (Emile Dusseiller, ancien curé de Notre-Dame et ancien professeur de Journet à Saint-Michel ?) qui, tout en défendant la nouvelle formule, cherchait à ménager l’ancienne pratique19.

Un cahier de 1913-1915 des archives paroissiales de Carouge indique que des jeunes gens, au nombre de dix-sept le 26 mai 1914, se réunissaient sous la houlette d’un vicaire pour aborder diverses questions, notamment historiques et apologétiques. Journet intervint ou même anima le groupe. Un cahier (hiver 1917-1918) donne le résumé d’une conférence que Journet avait prononcée sur Boutroux et Bergson, où il rendait hommage au spiritualisme de Bergson tout en attaquant sa philosophie du devenir. En outre, le cardinal Georges Cottier se souvient que le jeune vicaire avait aidé son père Louis à présenter au groupe Le voyage du centurion d’Ernest Psichari20.

Nous ne savons pas si l’abbé Journet célébra des baptêmes et des funérailles car les registres ne donnent pas le nom du ministre. En ce qui concerne les mariages, où cela est indiqué, jamais le nom de Journet n’y figure. Le vicaire prêcha en revanche lors des dimanches et exerça le ministère dans la localité de Troinex, qui dépendait de Carouge. Il eut à cœur de visiter les personnes éprouvées et les malades21 et consacra une grande partie de son temps au ministère du pardon. A la rentrée de 1917, le curé Vuachet annonçait l’emplacement du confessionnal dévolu au nouveau prêtre et les temps de présence, assez nombreux22, du clergé pour l’accueil des pénitents. Le sacrement du pardon était essentiel pour l’abbé Journet. Il le défendra plus tard avec véhémence contre une brochure protestante :

« Je déclare, devant Dieu et devant les hommes, que je regarde le confessionnal comme la seule institution capable de maintenir et de restaurer la pureté dans des milliers d’âmes, de purifier la terre de ses souillures, et de faire germer, jusque dans les pires taudis de nos grandes villes, les plus admirables et les plus saintes délicatesses de cœur »23.

16

Circulaire de l’abbé Petite, 11 janvier 1919 (AVic).

17

« Règlement diocésain pour l’instruction religieuse et la communion des enfants », CG, 26 janvier 1919.

18

Circulaire de l’abbé Petite, 11 janvier 1919 (AVic).

19

E. D., « Instruction religieuse et première communion », CG, 19 janvier 1919.

20

Georges COTTIER,« Comme un chartreux dans le monde », dans : Colloque de Genève (1991), 111-115, p. 111.

21

ROUYET (citant Jean BLANCHE), « Un ancien vicaire… cardinal de la Sainte Eglise ! », art. cit., p. 8.

22

Tous les matins pendant les messes et le soir de 18 h à 19 h sauf le mardi et le samedi de 15 h 30 à 21 h avec une pause pour le repas du soir (annonces à l’église, 30 septembre 1917, archives paroissiales de Carouge).

23

Charles JOURNET, « A propos de mariages mixtes », L’Echo, 21 novembre 1925 (réponse à une brochure de deux pasteurs). Egalement dans : CG, 13 et 14 décembre 1925.

L’étape carougeoise de l’abbé Journet fut importante pour l’éclosion de son ministère et les amitiés qu’il y noua. Il sera proche de Louis Cottier (1894-1966) que nous avons déjà rencontré, ainsi que de ses beaux-frères, l’abbé Etienne Bouchardy et son frère François (1889-1974), spécialiste de littérature et collaborateur de Nova et vetera24. Par leur sœur qui prit l’habit sous le nom de sœur Marie- Catherine25, Journet entrera en contact avec le monastère des dominicaines d’Estavayer-le-Lac (Fribourg). Le jeune vicaire fut également lié à la famille Deshusses, celle de l’imprimeur Jules Deshusses dont le fils Jean, devenu moine à l’abbaye bénédictine de Hautecombe en Savoie, entretiendra une correspondance avec Journet. C’est vraisemblablement par une Mme Deshusses (la mère de Jean ?) que Journet entra dans l’orbite du groupe des Travailleuses catholiques, grâce auquel il put déployer ses talents d’enseignant26. En outre, Charles Journet souhaita la bienvenue à Pierre Carraz, le nouveau maître de chapelle spécialiste du chant grégorien qui allait restaurer la musique liturgique à Sainte-Croix27.

Une étape difficile

Alors qu’il savait être amusant durant son collège et que plus tard il gardera, comme Maritain, une plume enjouée28, la question du mal et de la misère affleure d’une manière particulière dans les premières années du ministère de l’abbé Journet. On le voit par ses notes et ses premiers sermons (peut-être cet état d’esprit continuera-t-il) : « Nous savons qu’un seul mot exprime ce que vraiment nous sommes : la misère »29. Plusieurs lignes frappent par leur tristesse, leur aspect doloriste même30, en tout cas par leur sérieux :

« Chaque vie humaine est sombre puisqu’elle fait une si large part au mal ; elle est tragique, puisqu’il s’y mêle du sang, le sang de Jésus-Christ, versé pour chaque homme. A certaines heures, les meilleures, les heures de sincérité et de vie profonde, nous le sentons bien »31.

24

Rendant hommage au cardinal Journet, il parlait en 1965 d’« une précieuse amitié, nouée depuis tantôt un demi-siècle » (François BOUCHARDY,« Voix genevoise », La Liberté, 27-28 février 1965).

25

Témoignage du cardinal Cottier, 22 août 2001.

26

Nous nous appuyons sur une lettre de Marie Giovanna qui, lors du retrait de Journet de Genève, rappelle à son évêque une missive de 1917 qu’elle avait envoyée à Mgr Colliard avec « Mme Deshusses », mentionnant certains besoins pour Genève (Marie Giovanna à Besson, 11 octobre 1924, AEvF, carton Journet).

27

Charles JOURNET, « Nous étions déjà devenus des amis », dans : Hommage à Pierre Carraz, 1964, pp. 11-12.

28

Nous ne pensons pas, en l’occurrence, à sa verve contre les protestants, mais à un échange de correspondance entre son curé et lui, au sujet de l’installation d’un carillon artificiel dans l’église du Sacré-Cœur (L’Echo de

Saint-Germain, bulletin paroissial du Sacré-Cœur, Genève, mai 1948, pp. 4-6).

29

Sermon sur « les commandements », 18 octobre 1919 (FCJ).

30

« Souffrir pour être glorifié, voilà la loi inéluctable » (sermon sur « la souffrance et la joie des corps », Vernier, Assomption 1917, FCJ). « La souffrance est le lien le plus étroit qui nous attache au Christ et nous façonne à sa ressemblance » (sermon sur « la réponse divine », 26 mai 1918). « Chaque jour sans sacrifice est perdu, ce qui fait le prix d’une vie, c’est la souffrance et la mortification. (…) Seul l’amour peut être assez violent (?) pour transformer la douleur » (sermon de l’Exaltation de la Sainte Croix, 14 septembre 1919).

31

Il serait faux de dresser un portrait idyllique du jeune vicaire en pensant que tout lui avait réussi. Il paraît avoir été inapte à la pastorale de type « scout », aux activités de patronage comme les promenades, le sport, les jeux et peut-être était-il chahuté dans les catéchismes. Son curé écrivait :

« Il n’est que trop vrai que l’abbé Journet n’a pas réussi avec les garçons, il ne les comprend pas et on le sent malheureux dans ce milieu, tandis qu’il réussit parfaitement dans un cercle d’Etudes, au confessionnal, en chaire ou auprès des malades »32.

Par ailleurs, Charles Journet commença son ministère dans le contexte difficile de la fin de la guerre. Si la grève générale du 12 au 14 novembre 1918, « premier grand conflit national depuis 1847 »33, fut peu suivie en Suisse romande34, l’épidémie de grippe espagnole qui sévissait à la même époque fit des ravages parmi la population. Le clergé de Genève déplora plusieurs décès, l’abbé Paul Romand, qui venait de célébrer sa première messe au Sacré-Cœur35, l’abbé Francis Jacquet, curé de la nouvelle paroisse de Saint-Paul36 et un vicaire à Notre-Dame37. L’épidémie avait entraîné comme autre conséquence la suppression momentanée des offices puis des catéchismes38. A la suite des visites de famille, Journet écrivait :

« Toutes les formes de la maladie : avec la misère, la mère qui criait et qu’on a conduite à l’hôpital, la fillette poitrinaire qui “va mieux” et qui parle du jour où elle se lèvera (depuis l’âge de 5 ans prise) ; ailleurs les entassements dans 2 chambres, avec la fièvre, la respiration difficile par ce soir de 31 juillet, les yeux brillants et la toux, un fils déjà mort de l’épidémie, 2 autres enfants qui sont partis ce matin pour l’hôpital, et les 3 malades qui restent ici, le père seul valide et sans travail ; ailleurs le petit de 4 ans qui hier allait mieux, (…) emporté par la maladie que lui a passé sa mère (…) ; ailleurs une pauvre vieille sans personne pour tenir la maison et faire les chambres des pensionnaires, la solitude de la maladie qui tombe sur la vieillesse sans enfants »39.

L’abbé Journet avait aussi pris conscience du « mal de faute » comme disent les théologiens, de la réalité du péché. Il notait : « Les mystères d’amour de l’Incarnation et de la Rédemption, répondent à des mystères de haine qui dorment en chacun de nous. Toute la vie est violente et extrême »40. Charles Journet jugeait le péché « fatalement attaché à l’humanité », la « ronge[ant] d’une façon si universelle et si décourageante »41. Pour lui, « l’enfer seul » était « proportionné à la Justice infinie »42, et la

32

Vuachet à Ems, 27 août 1919 (AEvF, paroisses 11, dossier Carouge).

33

JOST,« Menace et repliement (1914-1945) », dans : Nouvelle histoire de la Suisse et des Suisses, art. cit., p. 702.

34

Pierre BARRAS, Novembre 18. Sur les pas du régiment 7, Ed. Saint-Paul, Fribourg, 1969, p. 98.

35

Nécrologie de l’abbé Paul Romand, SC, 24 août 1918, pp. 531-532, et aussi : Maurice ZUNDEL, « Assomption. A la chère mémoire de M. l’abbé Paul Romand », SC, 31 août 1918, pp. 550-551.

36

Charles COMTE, L’abbé Francis Jacquet (1882-1919), Genève, 1920.

37

Petite à Colliard, 12 novembre 1918 (AVic, correspondance Petite-Evêché, d).

38

Annonces à l’église, archives paroissiales de Carouge (offices supprimés les 21 juillet, 28 juillet et 4 août 1918) ; Eugène PETITE, « Genève », SC, 30 novembre 1918, pp. 753-754. Voir aussi : Charles CHENEVIERE,

L’Eglise de Genève de 1909 à 1959. Esquisse historique de son organisation suivie des diverses modifications de

sa constitution, de la liste de ses pasteurs et professeurs et d’une table biographique, Labor et Fides, Genève, 1959, pp. 56-57.

39

Notes spirituelles, doc. cit., 31 juillet 1918 – 24 décembre 1918, col. 5-6 (FCJ).

40

Ibid., mars 1920, col. 15.

41

Ibid., col. 2.

42

miséricorde de Dieu révélait toute sa grandeur en raison même des nécessités de la justice divine qu’elle transcendait :

« Prêcher une miséricorde qui tolère tout, c’est méconnaître la Miséricorde. Celui qui comprendra le plus profondément le péché et les exigences infinies de la Justice sera seul à pénétrer les profondeurs et les libéralités de la Miséricorde »43.

Le 18 juin 1919, Charles Journet perdait sa mère, décédée du cœur44 dans sa cinquante-deuxième année45. Il pensait peut-être à sa disparition prochaine lorsqu’il écrivait en mai 1919 dans ses notes spirituelles : « Sait-il ce qu’est la vie celui qui n’a pas éprouvé qu’elle cherche à lier nos cœurs aux personnes et aux choses afin d’atteindre son but : les séparations »46. Son fils l’enterra à Choully, entre la tombe de son père et de sa sœur Marie. Ayant perdu ses parents, sans frère et sœur, à la différence de son ami François Charrière attaché au foyer de sa mère et de ses deux sœurs47, Journet était seul désormais48. Avec ses difficultés dans le ministère, les misères physiques et morales qu’il avait rencontrées, la mort de sa mère contribua sans doute à renforcer la morosité du jeune prêtre, de même que la perspective de sa propre mort qu’il croyait proche en raison de la tuberculose. Relevons ce passage qui ne manque pas de grandeur :

« Un jour… et la fièvre bénie [il avait tracé un mot, celui de “redoutée”, apparemment] aura rongé mon corps, et mes poumons se seront consumés, et le regard de mon intelligence si souvent souillé, se sera voilé, obscurci aux heures d’agonie, avant le grand réveil dans la Lumière Ardente que j’ai tant aimée ici-bas ô mon Dieu contre qui j’ai péché et je pèche encore, mais qui me reconnaîtra pour son Enfant, pour l’Enfant qui cherche, qui se repent et qui attend, et quelquefois qui souffre pour vous ô Vérité »49.

Ernest-Bernard Allo, conseiller exégétique et confident spirituel

Le temps du vicariat à Carouge fut aussi pour Journet l’occasion de rencontrer une personne qui joua un grand rôle auprès de lui, le dominicain Ernest-Bernard Allo (1873-1945). Cet homme s’était spécialisé en exégèse et avait séjourné plusieurs années en Orient, comme professeur de théologie dogmatique au séminaire syro-chaldéen de Mossoul et à l’Ecole biblique de Jérusalem. Depuis 1905, il enseignait l’exégèse du Nouveau Testament à Fribourg. A sa mort en 1945, Journet publiait les trois premières lettres que le professeur lui avait adressées, en les faisant précéder d’un commentaire qui en montrait toute l’importance :

43

Ibid., 31 juillet – 24 décembre 1918, col. 8.

44

Communication de Mme Anne-Marie Hagger-Bondat, petite nièce de Jenny Journet, 19 septembre 2005.

45

Registre des décès (archives paroissiales de Vernier).

46

Notes spirituelles, doc. cit., mai 1919, col. 13 (FCJ).

47

Jean-Bernard REPOND, Le siècle de Madeleine. Secrétaire de l’abbé Bovet, Ed. La Sarine, Fribourg, 2000, p. 67.

48

Par ce décès, Journet se retrouva propriétaire de quelques arpents à Choully. Mais en 1920, son oncle Jean Bondat est inscrit à sa place au registre foncier pour une parcelle (Cadastre genevois, parcelle n° 5785 des plans de Choully). Charles Journet lui a sans doute cédé la totalité de ses « terres » à Choully.

49

« Ces lettres, qui, à l’époque où elles nous parvinrent, nous indiquèrent une orientation qui fut pour nous décisive, marquèrent le début d’une amitié que nous regardons comme une des grâces de notre vie »50.

Journet écrivit au professeur d’exégèse dès le 29 décembre 1918. Il lui demandait des conseils pour