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Définition

L’approche CGV considère la question des implications de la gouvernance dans le processus d’amélioration des compétences – la mise à niveau ou « upgrading ». Le concept d’upgrading – faire de meilleurs produits, les transformer plus efficacement ou se mouvoir vers des activités à meilleure valeur ajoutée – a été introduit dans les discussions sur la Chaîne Globale de Valeur à la fin des années 1990 (Dolan et al, 1999; Gereffi, 1999b; Kaplinsky, 1998; Schmitz et Knorringa, 1999 ; Humphrey et Schmitz, 2000). Ce concept trouve ses origines dans la littérature sur la compétitivité (Porter, 1990) et il considère que les fournisseurs des PVD intégrés à des CGV, sont confrontés à des niveaux d’exigence bien supérieurs à ceux en vigueur sur leurs marchés domestiques. Leurs compétences se retrouvent alors en fort décalage avec celles requises pour l´accès aux marchés internationaux (Gereffi et al, 2005 ; Humphrey, 2004 ; Keesing et Lall, 1992). Pour se positionner sur les maillons les plus rémunérateurs de la chaîne, il leur importe alors d’acquérir, de créer et de développer des compétences spécifiques. L’upgrading n’est autre que le processus d’apprentissage

permettant la création ou l’amélioration de compétences spécifiques par des acteurs qui se trouvent en position de dépendance par rapport à la firme leader.

N’Dyaie (2008) démontre le cadre pertinent du concept d’upgrading, non seulement pour l’analyse des stratégies des firmes participant à la production globale, mais également pour la compréhension des voies et des modalités de développement adaptables aux pays qui essaient d’accéder à des niches et des positions plus favorables au sein de l’économie mondialisée. Selon Giuliani et al (2004), les entreprises peuvent augmenter la valeur ajoutée de diverses manières, notamment en améliorant la qualité du produit, en pénétrant des niches de marché à plus fort niveau de valeur unitaire, en intégrant de nouveaux secteurs ou encore en créant de nouvelles fonctions productives (ou services).

Ce contrôle exercé par les firmes leader, limite cependant la capacité des agents périphériques à accéder aux niveaux plus rémunérateurs de la CGV. Les compétences acquises par ces derniers restent en effet le plus souvent au niveau de la production, migrant très rarement dans les activités les plus rémunératrices comme le design ou le marketing. Dans ce contexte, Kaplinsky (2000) considère que les agents-clé ont l´exclusivité sur les compétences immatérielles, caractérisées par de fortes barrières à l´entrée.

Typologie des processus d’upgrading

L’upgrading est un processus qui peut aller de l’innovation dans les procédés productifs jusqu’au repositionnement stratégique par le développement de nouveaux produits et de nouvelles fonctions organisationnelles (Walter et Ruffier, 2007). Gereffi et al (2001) ainsi que Humphrey et Schmitz (2002), ont classifié quatre types basiques d´upgranding pouvant être mis en oeuvre par les acteurs périphériques tout au long de la CGV :

- Amélioration du produit (Product upgrading) : les firmes peuvent améliorer leurs positions à travers la production de produits plus sophistiqués et donc à plus forte valeur unitaire. L´exemple de l’industrie de la chaussure dans la Vallée dos Sinos au Brésil, montre que l’augmentation substantielle des accords bilatéraux de coopération entre producteurs locaux et acheteurs aux États-Unis et en Europe, a contribué à l´amélioration de la qualité des produits (Schmitz, 1999);

- Amélioration de processus (Process upgrading): les firmes peuvent améliorer leurs processus de production en transformant plus efficacement des entrées en sorties. Elles

peuvent le faire soit à travers une technologie supérieure, soit en réorganisant les systèmes productifs en place, comme dans le cas de la filière habillement en Asie passée de la fabrication individualisée à la production en série (Gereffi, 1999). Les producteurs de cette région sont en effet passés d’une simple activité d’assemblage d'intrants importés, à la fabrication de produits à plus grande valeur ajoutée (appelé aussi full-package supply ou OEM: original equipment manufacturing), par une intégration verticale et une coopération multilatérale avec des fournisseurs locaux;

- Amélioration intra-chaîne (Intra-chain upgrading) : elle implique pour les firmes d´acquérir de nouvelles fonctions au sein d´une chaîne particulière, en déplaçant par exemple la production vers la conception ou le marketing (amélioration fonctionnelle ou

functional upgrading). Les firmes peuvent alors se déplacer vers l’amont ou vers l’aval

dans différents niveaux de la chaîne de valeur. Elles peuvent en outre diversifier leurs acheteurs ou leurs fournisseurs dans la chaîne de valeur (network upgrading), comme dans le cas de l´industrie du jeans de Torréon au Mexique (Bair et Gereffi, 2001). Les firmes mexicaines concernées sont passées de la simple fonction de « maquiladoras » (assemblage du jeans) à l´acquisition de compétences dans des domaines tels que l’approvisionnement en matière première ou la coordination de toutes les étapes de la production;

- Amélioration inter-chaîne (Inter-chain upgrading): elle se produit quand les firmes appliquent les compétences acquises dans une chaîne (par exemple, dans le marketing à l'export), à un nouveau secteur. C´est le cas par exemple des entreprises de la province chinoise de Taiwan qui, à partir de l’expérience dans la fabrication de transistors, ont pénétré d’autres CGV plus sophistiquées telles que celles des calculatrices, des téléviseurs, des écrans d’ordinateur, des ordinateurs portables et plus récemment, des téléphones WAP (Humphrey et Schmitz, 2002b; CNUCED, 2007).

Ces divers types d'amélioration de compétences, offrent un cadre approprié non seulement à l'analyse des firmes, mais également à la compréhension de la façon dont les pays ou les

clusters peuvent mettre en oeuvre des stratégies de développement pour pénétrer les marchés

Le rôle des institutions locales dans l’upgrading des producteurs des PVD

Les relations producteur-acheteur ne constituent pas le seul facteur déterminant du processus d’upgrading. Les interactions avec les institutions locales et régionales y occupent aussi une place en tant qu´élément d’appui à l’émergence des compétences des acteurs périphériques. Du fait que l’analyse CGV se focalise sur les relations inter-entreprises au sein de la chaîne, il y a un risque de minimiser le rôle des acteurs locaux dans le processus d’upgrading. Il est pourtant souvent décisif si l´on se réfère aux quatre voies énoncées par Humphrey et Schmitz (2000) par lesquelles les acteurs locaux jouent un rôle important :

 les politiques nationales de commerce extérieur;

 les innovations organisationnelles se produisant au sein de firmes locales;  les organisations publiques ou collectives de soutien aux entreprises;

 les systèmes nationaux d'innovation et de développement des ressources humaines. Ces acteurs locaux comprennent en particulier des associations d'entreprise, des centres de technologie, des groupes de chefs d'entreprise et aussi des agences gouvernementales.

Dans son étude sur la CGV mangue au Brésil, Damiani (1999) montre justement que la recherche d´informations sur les exigences du marché d'exportation, a été menée en partie par des agences chargées de la promotion de la production agricole dans les zones de projets d’irrigation. Celui-ci souligne qu´une gouvernance au niveau local a facilité l'acquisition de connaissances sur les exigences du marché, le développement et le maintien d'une réputation de qualité ainsi que la mise en place de procédures de contrôle des ravageurs conforme aux exigences de l’USDA (notamment la mouche des fruits). Ce résultat a été obtenu par la collaboration entre institutions fédérales, organismes de développement économique, interprofession et entreprises privées. Dans le cas analysé par Gomes (1999) dans une autre région au Nord-Est du Brésil, le développement de l'industrie d'exportation de fruits a été conduit par un petit nombre de grandes entreprises privées. Ces firmes ont prospecté les marchés d'exportation, développé des procédés de production adaptés à l'environnement local et investi dans le marketing international. Dans les deux cas cependant, la gouvernance locale (public, privé et public-privé) semble agir comme un substitut à certains modes de gouvernance tels que ceux de type « modulaire » ou « quasi-hiérarchique ».

À partir du cas de la CGV mangue en Côté d’Ivoire, Humphrey et Schmitz (2000) démontrent l’importance des acteurs locaux dans le processus d’upgrading. Dans ce pays

grand producteur de mangue, une association de producteurs locaux (OACB) a mis en place, en partenariat avec des importateurs européens, une campagne de marketing destinée à promouvoir une nouvelle variété de mangue (Amélie) jusque-là peu connue des consommateurs européens. Cette campagne a permis aux producteurs ivoiriens de se positionner sur le marché de la mangue en Europe et d’accroître ainsi leurs exportations vers d’autres marchés.

Le rôle des institutions est cependant relativisé par plusieurs chercheurs comme Walter et Ruffier (2007) qui indiquent que les producteurs de la CGV orange de contre-saison en Argentine et en Uruguay n’ont pas réussi à s´appuyer sur une cohésion de groupe. La plupart d´entre-eux ont des fonctionnements très individualistes, mais surtout les politiques publiques ne sont pas venues en aide aux exportateurs nationaux les plus sérieux. Malgré ce contexte défavorable, les petits et moyens producteurs ont non seulement survécu, mais ils ont amélioré la qualité de leurs produits et leur capacité à répondre à une demande de plus en plus sophistiquée. De leur côté, Schmitz et Knorringa (2000) montrent que l’impact des dynamiques locales varie en fonction du type de gouvernance existant. Ces auteurs remarquent par ailleurs que les producteurs ayant d’étroites relations avec les acheteurs, sont les moins concernés par les initiatives locales collectives.