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La spectrométrie de masse appliquée à la protéomique pour l’identification et la validation de biomarqueurs

1. L ES PROGRES TECHNOLOGIQUES RECENTS DANS LE DOMAINE DE LA PROTEOMIQUE QUANTITATIVE

L’essor actuel de la spectrométrie de masse pour l’analyse protéomique est consécutif aux progrès technologiques réalisés dans quatre principaux domaines :

- amélioration des techniques séparatives au niveau protéique ou peptidique,

- progrès instrumentaux avec développement de spectromètres de masse de dernière génération caractérisés par leur haute résolution et une vitesse de séquençage élevée permettant permet d’obtenir un gain important en sensibilité,

- enrichissement des banques de données de séquences protéiques,

- progrès bio-informatiques avec le développement de logiciels dédiés à l’analyse des résultats.

Historiquement, la première grande étape qui a ouvert la voie pour l’analyse des protéines en spectrométrie de masse a été la mise au point de sources d’ionisations douces de type MALDI (Matrix-Assisted Laser Desorption)45 ou électrospray (ESI, Electrospray Ionisation)46

qui permettent

de générer des ions tout en préservant l’intégrité des molécules protéiques ou peptidiques. Les sources ESI permettent d’ioniser des peptides en solution à pression atmosphérique sous l’effet d’un champ électrique.

33 L’approche protéomique par spectrométrie de masse a ensuite longtemps reposé sur un fractionnement extensif de l’échantillon à l’aide de gels bidimensionnels (gels 2D) séparant les protéines selon deux caractéristiques physico-chimiques majeures : le point isoélectrique et le poids moléculaire. Cette étape de fractionnement est suivie par la caractérisation des protéines d’intérêt (longtemps réalisée par détermination de l’empreinte peptidique massique obtenue avec des instruments de type MALDI-TOF).47 Cette approche basée sur la détermination de l’empreinte peptidique massique nécessite d’isoler les protéines d’intérêt de façon très pure pour éviter la présence de protéines contaminantes dans le spot analysé.

Malgré le développement de méthodes quantitatives 2D-DIGE (Difference In-Gel Expression) qui permettent l’analyse simultanée de plusieurs échantillons,48 les approches basées sur les gels 2D ne sont pas applicables à haut débit et ne sont pas adaptées pour l’analyse des protéines hydrophobes (cas notamment des protéines membranaires) ou des échantillons complexes avec une large gamme dynamique.49 Cette notion de gamme dynamique peut être illustrée chez l’Homme par l’exemple du plasma dans lequel un ordre de grandeur de 1010 existe entre la protéine la plus abondante, l’albumine, et les protéines présentes en quantités les plus faibles.50

D’importants progrès technologiques instrumentaux réalisés au cours de ces dernières années ont permis de révolutionner cette approche classique. Les spectromètres de masse de dernière génération ont apporté un gain considérable en termes de résolution, de précision de masse, de vitesse d’acquisition et de sensibilité. L’association de différents types d’analyseurs (quadripôles, temps de vol ou Orbitrap par exemple) dans un même spectromètre (instruments hybrides) a permis de développer des analyses par spectrométrie de masse en tandem (MS/MS). Les analyseurs à trappe ionique permettent également de réaliser des analyses en tandem en permettant des fragmentations multiples au sein d’un analyseur unique.

Dans ces analyses en tandem, une première analyse MS permet de détecter les ions les plus intenses (ions précurseurs) sur la base de leur rapport masse sur charge (m/z) et de leur intensité. Chaque ion peptidique sélectionné est ensuite fragmenté et les différents ions fragments obtenus sont transmis dans un deuxième analyseur pour obtenir un spectre de fragmentation caractéristique de l’ion précurseur. La fragmentation de l’ion peptidique sélectionné est le plus souvent obtenue après collision avec un gaz inerte (hélium, azote ou argon par exemple) dans une cellule de collision (CID,

Collision-Induced Dissociation). La première analyse MS renseigne sur l’intensité et la masse du

précurseur déterminée à partir de son rapport m/z et de son état de charge. La deuxième analyse permet d’obtenir à partir du spectre MS/MS les informations sur la séquence en acides aminés du précurseur sélectionné pour la fragmentation. Cette information supplémentaire sur la séquence des peptides, par rapport à la seule empreinte de masse peptidique, permet d’augmenter considérablement la qualité des identifications.

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La réalisation de ces analyses en tandem par cycles successifs (sélection des précurseurs dans un premier temps puis fragmentation et mesure de la masse des fragments) définit le mode d’acquisition de type DDA (Data-Dependent Acquisition). Le mode DIA (data-Independent

Acquisition), développé plus récemment, se distingue du mode DDA par la fragmentation

systématique de tous les ions observés dans un spectre MS.51,52 Ce mode d’acquisition de type DIA, qui n’a pas été utilisé au cours de ce travail de thèse et qui ne permet encore que difficilement l’identification des protéines, ne sera pas traité davantage dans ce manuscrit.

En amont des progrès instrumentaux portant sur les spectromètres de masse, le développement de techniques de chromatographie liquide à hautes performances (HPLC, High Performance Liquid

Chromatography) a permis d’obtenir une séparation à haute résolution du mélange peptidique

obtenu après digestion. La méthode la plus communément employée est la chromatographie de partage de phases inversées. Elle repose sur une séparation des peptides en fonction de leur affinité entre une phase stationnaire apolaire composée de silice greffée de chaines de carbone C18 et une phase mobile composée d’un mélange eau/acétonitrile. La proportion en acétonitrile augmente progressivement au cours du temps (gradient chromatographique) pour diminuer la polarité de la phase mobile et permettre l’élution des peptides des plus hydrophiles aux moins hydrophiles.

La réduction du diamètre interne des colonnes et du diamètre des particules composant la phase stationnaire a permis de réduire les débits (nanoLC) et donc d’utiliser un volume d’échantillon restreint tout en maintenant un pouvoir résolutif élevé. La taille des particules est habituellement de l’ordre de 5 µm dans les systèmes HPLC. Elle est actuellement inférieure à 2 µm dans les systèmes Ultra Performance LC (UPLC, Waters). Ce système chromatographique permet de travailler à des débits de 0,2 à 0,45 µL/min avec des colonnes ayant une longueur comprise entre 100 et 250 mm et un diamètre interne de 75 µm.

Le couplage en ligne d’un système chromatographique liquide à haute performance avec le spectromètre de masse permet la réalisation d’analyses nanoLC-MS/MS. La mise au point de la méthode d’analyse nécessite de trouver un compromis entre le temps de séparation chromatographique (qui détermine la durée d’une analyse) et la résolution de la séparation obtenue. Ces avancées technologiques peuvent permettre de s’affranchir d’un fractionnement extensif des protéines en amont de l’analyse en spectrométrie de masse. Il est à présent possible d’analyser un protéome complexe au cours d’une même analyse.53 Ces approches sont dites de type « shotgun ». L’application de ces stratégies a été à l’origine d’une publication récente dans laquelle environ 5000 protéines ont été identifiées à partir d’une lignée cellulaire humaine en utilisant des gradients chromatographiques de quelques heures.54

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2. L

ES DIFFERENTES APPROCHES QUANTITATIVES PAR SPECTROMETRIE DE MASSE POUR LA