• Aucun résultat trouvé

1. L ES INSTRUMENTS DE LA REPRESSION FINANCIERE

1.1 L A POLITIQUE DES RESERVES OBLIGATOIRES

D’un point de vue technique la politique des réserves obligatoires, dont l’objectif consiste à moduler le besoin de refinancement des banques, réside dans l’obligation de ces dernières de déposer une partie de leurs dépôts (ou de la variation de leurs dépôts) en compte courant à la Banque Centrale. Le canal de transmission de la réserve obligatoire dans un système financier endetté tel que le système du Maghreb et du Machrek passe par le contrôle du taux de la réserve. Celui-ci peut être nul ou fixé à un taux élevé lorsque la croissance de la liquidité de l’économie nécessite le gèle d’une partie de celle des banques. La modulation du taux de la réserve peut aussi être fonction des éléments qui constituent la liquidité des banques. Les dépôts à vue peuvent par exemple être frappés par un taux différent de celui des dépôts à terme. Cette imposition discriminatoire se justifie par le fait que la constitution des dépôts à vue n’est pas aussi onéreuse que celle des dépôts à terme qui nécessitent le versement d’une rémunération de la part des banques à leurs clients. Les dépôts à vue ne coûtent en général que les frais de gestion à la banque.

La réserve obligatoire n’est pas considérée comme un instrument de la répression en tant que telle. Cet instrument est souvent utilisé dans les pays industrialisés lorsque les autorités décident d’agir sur la demande de monnaie centrale. La variation du taux de la réserve permet ainsi de réduire ou de développer la capacité de distribution de crédit du système bancaire. Mais lorsque la réserve est non rémunérée, elle constitue un coût sur le système d’exploitation des banques qui ne peuvent plus faire face à la demande de crédit. Cette situation se retrouve souvent dans les pays en développement où l’Etat utilise les réserves comme une alternative au seigneuriage.

L’analyse de la situation des réserves au Maghreb et au Machrek est dans ce cas très révélatrice. En effet, dans un système financier réprimé, le ratio des réserves obligatoires est généralement plus élevé que la monnaie détenue par le public. Le tableau 1 ci-dessous montre que les réserves obligatoires mesurées en pourcentage des dépôts dépassent les 10% au Machrek sur la période 1970-1989 ce qui montre que la politique des réserves obligatoires au Machrek était un outil important dans la collecte des ressources financières pour l’Etat. Au Maghreb, la réserve obligatoire ne semble pas

constitué un élément important de la politique de répression. Le taux de la réserve est en effet, comparable à celui des pays industrialisés

Tableau 1 : réserves légales en pourcentage des dépôts bancaires.15

1970-1974 1975-1979 1980-1984 1985-1989 Pays développés 5.921 4.579 3.367 2.719 Australie 10.45 7.66 5.18 3.95 Etats Unis 4.69 3.54 2.43 2.22 Japon 2.63 2.53 2.50 1.99 Maghreb 6.29 4.96 3.12 3.62 Algérie 2.19 3.73 1.43 1.94 Maroc 7.41 6.07 3.27 5.83 Tunisie 9.28 5.09 4.68 3.08 Machrek 29.92 20.30 23.46 17.98 Egypte 31.54 18.14 32.35 26.10 Jordanie 28.30 22.47 14.58 9.87

Source: Statistiques Financières Internationales.

Tableau 2 : revenu monétaire en pourcentage du PNB.

Variation de la base monétaire16. Variation de la composante

fiduciaire17 Variation de la composante de réserves obligatoires18 Pays développés 1970-1979 1980-1989 1970-1979 1980-1989 1970-1979 1980-1989 Australie 0.675 0.481 0.450 0.378 0.225 0.103 Etats Unis 0.484 0.363 0.366 0.310 0.119 0.053 Japon 1.265 0.690 0.991 0.581 0.274 0.109 Maghreb 1970-1979 1980-1989 1970-1979 1980-1989 1970-1979 1980-1989 Algérie 4.763 3.372 4.585 3.215 0.179 0.158 Maroc 2.008 1.600 1.784 1.302 0.225 0.298 Tunisie 1.490 1.196 1.270 1.036 0.219 0.160 Machrek 1970-1979 1980-1989 1970-1979 1980-1989 1970-1979 1980-1989 Egypte 4.066 7.115 3.271 3.240 0.796 3.875 Jordanie 5.134 4.052 3.650 3.241 1.484 0.811

Source : calculs effectués à partir des Statistiques financières Internationales.

15 Ce ratio est calculé de la façon suite: (14-14a)/(34+35-14a), où les lignes 14, 14a, 34 et 35 sont extrait des statistiques financières internationales. Les lignes 14, 14a, 34 et 35 représentent respectivement : la base monétaire, la circulation fiduciaire, la masse monétaire M1 et la quasi-monnaie.

16 La variation de la base monétaire a été calculée comme suit : (baset-baset-1)/PNB. La base monétaire correspond à la ligne 14 dans les IFS.

17 La composante fiduciaire a été calculée comme suit: (fiducet-fiduce t-1)/PNB. La monnaie fiduciaire correspond à la ligne 14a dans les IFS.

La répression financière peut apparaître aussi à travers l’importance de la base monétaire qui constitue l’assiette du seigneuriage. Le tableau 2 ci-dessus, montre que la base monétaire constitue une forte proportion du produit national brut dans les deux régions. Les réserves obligatoires constituent une part non négligeable de la base au Machrek alors qu’au Maghreb la composante fiduciaire est plus importante.

L’analyse ci-dessus nous a donné une idée de l’importance de la technique des réserves obligatoires et de la base monétaire dans les deux groupes de pays. La variation de la base monétaire était plutôt fiduciaire au Maghreb alors qu’au Machrek cette variation dépendait aussi des réserves obligatoires. L’importance des réserves au Machrek n’était pas sans conséquence sur la distribution des crédits au secteur privé (tableau 3). En effet, la proportion des crédits distribués à ce secteur en pourcentage du produit était beaucoup plus faible qu’au Maghreb et aux pays à revenu intermédiaire. L’importance des réserves en Jordanie ne semble pas affecter la politique de crédit au secteur privé. L’importance des crédits privés peut trouver son explication dans l’importance de la participation de ce secteur dans les grands projets d’investissement étatiques ce qui facilitait son accès aux crédits.

Tableau 3: Evolution des crédits au secteur privé en pourcentage du PIB.

1971-1974 1975-1979 1980-1984 1985-1989

pays à revenu élevé 78.44 79.72 83.89 102.46

pays à revenu intermédiaire 27.36 33.49 36.94 44.40

Afrique subsaharienne 31.31 28.53 34.75 38.51 Maghreb 32.65 40.64 45.64 44.50 Algérie 40.57 47.89 51.75 56.52 Maroc 21.49 27.56 29.84 16.88 Tunisie 35.87 46.47 55.34 60.12 Machrek 15.77 21.77 30.48 37.69 Egypte 16.55 20.09 28.03 35.30 Jordanie 24.66 40.20 56.52 70.37 Syrie 6.10 5.03 6.88 7.40

La technique de la réserve obligatoire n’était pas le seul instrument utilisé par les Etats du Maghreb et du Machrek, la technique du réescompte était aussi un autre instrument qui permettait aux autorités d’appliquer une pratique discriminatoire en faveur des secteurs prioritaires.