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Le secteur financier est un mixage complexe de marchés d’actifs et de services financiers. Son industrie est composée d’un double système monétaire et réglementaire dans lequel une large panoplie de règles légales et d’instruments de contrôle sont utilisés. La monnaie constitue le principal bien échangé sur ce marché. Cette dernière n’est acquise que par le biais du taux d’intérêt qui représente le prix relatif dominant. Le taux d’intérêt est considéré comme la clef motrice de ce secteur. Plus le mouvement des taux est libre, plus la motivation des acteurs financiers permet le libre échange des titres financiers et par conséquent le développement du système.

Dans les économies réprimées, la libre fixation des taux d’intérêt par les intermédiaires financiers n’est pas toujours possible. L’intervention de l’Etat dans ce système entrave la liberté d’action des intermédiaires et les oblige à respecter les exigences des priorités économiques de l’Etat. Un tel fonctionnement crée une sorte d’illettrisme financier qui freine l’initiative privée et retarde le développement du système financier. Cette idée a été longuement développée par McKinnon (1973) et Shaw (1973) qui ont mis l’accent sur le faible approfondissement financier des économies réprimées. Ce dernier se manifeste souvent par la faiblesse de l’épargne financière et le faible niveau des crédits au secteur privé. Afin de mesurer le niveau du développement financier au MMA, un certain nombre d’indicateurs sera choisi.

2.2.1

L

ES DIFFERENTES MESURES DE L

APPROFONDISSEMENT FINANCIER

.

Bien qu’il existe plusieurs méthodes pour mesurer le degré

d’approfondissement financier, le choix d’indicateurs appropriés est généralement difficile. Le choix de ces indicateurs est resté, dans la plus part des mesures, monétaire. L’initiateur de ces indicateurs a été Goldsmith (1969) qui a commencé à mesurer les actifs financiers en pourcentage du capital. Des auteurs plus récents tels que King et Levine (1993b), Fry (1995b), Levine et Zervos (1997) ont utilisé plusieurs indicateurs monétaires. Parmi ces indicateurs nous pouvons citer : les crédits de la Banque Centrale en pourcentage du produit, les crédits au secteur privé sur l’ensemble des crédits intérieurs, le ratio de la masse monétaire ou de la quasi monnaie en pourcentage du produit ou encore le suivi de l’évolution des taux d’intérêts réels.

Bien qu’ils fournissent une représentation très rapprochée du niveau du développement financier, certains auteurs tels que Pill et Pradhan (1995) trouvent que certains indicateurs donnent une idée erronée de l’effet du système financier sur l’économie globale. Ils ajoutent que l’utilisation de ces indicateurs ne permet pas, à titre d’exemple, de capter le degré d’ouverture d’un pays vers l’extérieur ou de mesurer le niveau de développement du secteur financier non bancaire. La dernière lacune associée à ces indicateurs est celle de négliger l’environnement légal qui dans certains pays permet à quelques secteurs de bénéficier de services privilégiés de la part des intermédiaires financiers comme c’est le cas dans certaines économies financièrement réprimées.

Il faut souligner cependant, que l’analyse économique dans les pays en développement se heurte souvent au manque de données. Les chercheurs se trouvent souvent obligés d’utiliser des indicateurs approximatifs. C’est d’ailleurs le même problème auquel nous avons à faire face dans notre analyse. Le manque de données sur le secteur financier au Maghreb et au Machrek nous contraint d’utiliser des indicateurs monétaires. Le choix de ces indicateurs découle d’un double objectif. Le premier est celui de mesurer l’effet de la répression sur l’approfondissement financier et le second est celui de chercher à quel niveau se situe la répression. Est-ce au niveau des crédits, des dépôts ou les deux à la fois? Le tableau 7 ci-dessous résume l’ensemble des indicateurs monétaires qui ont été utilisés par la théorie.

Tableau 7 : Les indicateurs de l’approfondissement financier.

Définition de l’indicateur Objectif spécifique

Rapport de la masse monétaire M2 en pourcentage du produit (M2/PIB).

Rapport de la quasi monnaie en pourcentage de la masse monétaire M2 (QM/M2).

- Mesure du niveau global du développement financier.

Rapport billet en pourcentage de la masse monétaire (C/M1 et C/M2).

- Mesure de la diversification des actifs financiers liquides.

Rapport des crédits au secteur privé en pourcentage du PIB (CP/PIB).

Rapport des crédits au secteur privé en pourcentage des crédits intérieurs (CP/CI).

- Mesure de la pénétration du système bancaire dans l’économie.

Monnaie en circulation en pourcentage du PIB (C/PIB). Dépôts à vue en pourcentage de la base monétaire (DV/B).

- Mesure du degré de la monétisation (C/PIB) et de la dynamique bancaire (DV/M2).

2.2.2

A

NALYSE DE L

APPROFONDISSEMENT FINANCIER AU

MMA.

Les ratios du tableau 7 ci-dessus représentent (M2/PIB, QM/M2, C/M1, C/M2,

CP/PIB, CP/CI, C/PIB, DV/B) des évaluations approximatives du niveau global du

développement du marché monétaire et financier organisé au MMA. Nous entendons par marchés organisés, les marchés dans lesquelles interviennent les intermédiaires financiers tels que les banques commerciales, la Banque Centrale et les intermédiaires financiers non bancaires comme la poste et les sociétés d’assurance.

Les tableaux 8, 9 et 10 reproduisent quelques indicateurs utilisés par la théorie de la libéralisation comme ceux qui estiment le niveau global du développement financier. Nous avons ajouté à ceux là, d’autres indicateurs utilisés par des auteurs plus récents tels que Thornton (1991) et King et Levine (1993b).

Le choix de ces indicateurs vient du fait que la faible maturité financière au MMA fait des banques les seuls acteurs sur le marché financier. L’évaluation de la dynamique bancaire devient un choix approprié de la mesure du degré du développement financier. De plus, l’étroitesse du marché des capitaux à long terme dans ces pays fait des crédits bancaires la principale source des crédits intérieurs de telle sorte que le rapport des crédits en pourcentage du produit interprète assez bien le niveau du développement de ces marchés. L’analyse se limitera à la période durant laquelle la répression était encore appliquée. A titre de comparaison nous avons indiqué la valeur de ces indicateurs pour quelques pays développés.

Tableau 8 : Le niveau global du développement financier.

M2 en % PIB QM en % PIB QM en % M2 Pays développés 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Australie 46.9 52.2 30.6 40.5 65.15 77.57 Etats Unis 63.9 68.3 39.9 51.5 62.47 75.47 Japon 74.6 114.4 45.2 85.8 60.60 74.99 Canada 37.4 46.7 19.0 31.9 50.83 68.42 Maghreb 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Algérie 56.60 78.64 5.41 14.84 9.55 18.87 Maroc 30.44 48.73 2.32 14.67 7.62 30.11 Tunisie 33.94 53.95 7.14 27.63 21.04 51.22 Machreck 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Egypte 37.04 83.46 9.37 54.20 25.30 64.94 Jordanie 53.34 136.49 10.15 81.59 19.03 59.78

Tableau 9 : diversification des actifs financiers en %. C/M2 C/M1 CP/PIB Pays développés 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Australie 8.00 6.71 22.96 29.93 25.56 60.83 Etats Unis 7.61 6.37 20.31 28.93 55.72 76.38 Japon 9.31 8.02 23.62 32.04 77.77 120.04 Canada 67.75 8.99 63.82 26.56 24.69 47.13 Maghreb 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Algérie 35.77 38.90 39.55 47.95 31.03 50.09 Maroc 38.74 26.26 41.94 37.57 14.01 13.62 Tunisie 28.08 16.90 35.56 34.65 34.67 58.94 Machreck 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Egypte 49.65 17.06 66.47 48.66 14.03 31.87 Jordanie 59.99 26.91 74.09 66.89 17.42 74.99

Source : Calculs effectués à partir des données des statistiques financières du Fonds Monétaire International

Le tableau 9 semble indiquer que l’importance de la masse monétaire dans l’économie n’est pas liée au niveau du développement étant donnée que le rapport de la masse monétaire M2 en pourcentage du produit est dans les mêmes proportions dans tous les pays. Par contre, l’épargne liquide évolue visiblement avec le niveau de développement. Le ratio de la quasi monnaie (QM) en pourcentage de la masse monétaire M2 reste en effet, très faible par rapport aux pays développés, et ce malgré sa nette amélioration au Machrek.

Tableau 10 : Monétisation et dynamique bancaire

CP/CI DV/B C/PIB Pays développés 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Australie 54.89 87.27 147.81 173.57 3.75 3.50 Etats Unis 74.65 86.60 240.57 188.18 4.86 4.35 Japon 90.79 86.16 262.76 174.55 6.94 9.17 Canada 75.70 90.93 238.32 286.76 25.33 4.19 Maghreb 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Algérie 62.85 10.95 43.44 83.72 20.25 30.59 Maroc 48.25 60.71 79.25 69.32 11.79 12.80 Tunisie 73.08 92.02 99.66 127.24 9.53 9.12 Machreck 1969 1989 1969 1989 1969 1989 Egypte 28.52 57.54 30.33 26.59 18.39 14.24 Jordanie 120.35 82.47 24.24 27.16 32.00 36.72

Les deux premières colonnes du tableau 9 nous indiquent la faible diversification des actifs financiers au MMA. Le niveau de la monnaie en circulation par rapport à la masse monétaire M2 semble être lié au niveau du développement. Celui-ci est plus faible dans les pays développés dans le temps (celui de 1989 par rapport à 1969) et dans l’espace (les pays développés par rapport aux pays du MMA). De plus, l’importance de l’épargne liquide indicateur de la diversification financière (comme le montre le tableau 8) explique pourquoi la monnaie liquide (billets) en pourcentage de

M2 (C/M2) baisse plus vite que le ratio billets en pourcentage de M1 (C/M1).

Les rapports crédits privés en pourcentage du produit (CP/PIB) et crédits privés en pourcentage des crédits intérieurs (CP/CI) montrent que le système bancaire au MMA est un système bien actif. Ceci n’est pas surprenant si nous savons que dans ces pays seuls les banques pouvaient jouer le rôle d’intermédiaire et octroyer, par conséquent, du crédit aux secteurs public et privé. L’importance des crédits privés par rapport aux crédits intérieurs est bien visible dans tous les pays du MMA. Seule l’Algérie semble faire l’exception dans la mesure ou la part du secteur privé dans l’ensemble des crédits intérieurs est de huit fois plus faible que celle des pays développés.

La monétisation représentée par le ratio monnaie en circulation en pourcentage du produit (C/PIB) semble aussi être liée au niveau d’approfondissement financier. Nous appelons monétisation, le développement des moyens de paiement scripturaux tels que l’utilisation de la carte bancaire et du chèque. Le développement de cette technique nécessite une politique de dépôts rigoureuse. Plus le niveau des dépôts est important, plus le degré de monétisation se développe. Un système financier peu développé se caractérise par un faible degré de monétisation et donc par une circulation fiduciaire plus importante. Cette caractéristique est bien évidente en Algérie et en Jordanie et dans une moindre mesure au Maroc et en Egypte. Il faut noter cependant, que le processus de monétisation est un long processus qui s’appui sur une réglementation bancaire rigoureuse, un libre mouvement des taux et une politique marketing adéquate. Or, le marketing bancaire, la diffusion de l’information ainsi que la formation du personnel constituent les principaux freins au développement de la monétisation dans ces deux régions.

Le ratio dépôts à vue en pourcentage de la base monétaire (DV/B), nous donne aussi une idée de la faible dynamique bancaire au MMA. La dynamique bancaire est la capacité des banques à créer des services bancaires et de nouveaux moyens de paiement. Le choix de cet indicateur vient du fait que dans une économie réprimée, la base monétaire est souvent très élevée. Cette dernière constitue, souvent, l’assiette du seigneuriage qui est une des principales sources de financement du déficit budgétaire. Vers la fin des années quatre-vingt, les banques du Maghreb semblent rattraper progressivement le niveau des pays développés, notamment la Tunisie. Cela étant, les indicateurs du développement financiers convergent pour montrer l’aspect encore peu développé du système financier au MMA. La répression financière se situe plus au niveau des dépôts. En effet, la fixation des taux d’intérêts au-dessous du niveau d’équilibre n’a pas facilité le développement d’une politique de dépôts rigoureuse ce qui a limité l’évolution de la dynamique bancaire. L’Algérie présente une double répression caractérisée aussi par le faible niveau des crédits au secteur privé.

Bien que la répression financière se caractérise essentiellement par le contrôle direct de l’Etat sur le système financier, les analyses économiques ont souvent rappelé l’effet indirect de la politique interventionniste de l’Etat sur l’activité financière. Cet effet apparaît notamment à travers une mauvaise gestion budgétaire qui repose le plus souvent sur des ressources bancaires. Une telle pratique conduit à la croissance de la masse monétaire et à l’apparition des pressions inflationnistes.