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L’ornementation végétale

B. Égypte

2. L’ornementation végétale

La nature est peu présente dans ce corpus. Ici, Gallé l’utilise à la fois comme motif décoratif (pour les dessins MOD 12, MOD 14, MOD 141) tout comme forme de l’objet, en stylisant la représentation du disque solaire ailé. C’est le cas des dessins MOD 12, MOD 136, MOD 384 et peut-être MOD 137 si l’on considère que la partie basse plutôt sphérique du dessin ressemble aux racines très fournies d’une plante non identifiable.

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Dans tous les cas, ces six dessins s’inspirent de différents modèles de lotus et de papy-rus : en bouton, en fleur, en bouquet.

A. Le lotus.

Ces trois dessins reprennent le lotus sous une forme de bouquet, couron-nant le disque solaire ailé stylisé.

Fig. 105 : Atelier Gallé, Étude pour une

jardi-nière, crayon et gouache sur papier fort. pour une jardinière, crayon, gouache et re-Fig. 106 : Atelier Gallé, Étude de décor

hauts d’or sur papier.

Fig. 107 : Atelier Gallé, Étude de motif

égyptien, crayon et gouache sur papier

ser-pente.

L’effet de couronne accentue l’axe symétrique du dessin (MOD 136 et MOD 384), ou bien son extrémité (MOD 12). L’œil tourne autour de cette partie centrale avant de s’étirer vers la gauche ou la droite ; dans tous les cas, le regard suit les formes fines formées par les lignes, et s’apaise avec les nuances de couleurs (cela est plus difficile pour MOD 384, ayant été très abîmé par l’humidité).

Il s’agit d’une représentation typiquement égyptienne du lotus, et ainsi de la nature, avec la figuration très géométrique de chaque partie de la plante : les pétales, les feuilles, la base des pétales, la partie supérieur de la tige, avec chaque rayon précisément tracé pour chaque partie dessinée. Dans La Grammaire de l’ornement, Owen Jones relève justement les multiples repré-sentations du lotus qui existent dans l’art égyptien, durant tous ses états de croissance.

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Fig. 108 : JONES Owen, « Egyptian n°1 », La Grammaire de l’ornement, Day & Son, Limited-Cagnon, Londres, 1865, p.41

« Le lotus et le papyrus (…), symboles de la nourriture du corps et de l’esprit212»

sont associés avec le disque solaire ailé, symbole d’élévation et de résurrection dans l’éternité (signifié par la forme du cercle). Il s’agit surtout, plutôt que de former une œuvre avec un fort symbolisme égyptien, de représenter des éléments emblématiques de l’art égyptien, tout en jouant avec des coloris contemporains, qui suivent ici une idée décorative de Gallé :

« Les couleurs dont les Egyptiens se servaient principalement, étaient : le rouge, le bleu, et le jaune, avec du noir et du blanc, pour définir les couleurs nettement et distinctement ; le vert s’employait généralement, mais point universellement, comme une couleur locale, pour les feuilles vertes du lotus par exemple. Ces feuilles cependant se coloriaient, sans distinction soit en vert soit en bleu ; le bleu s’employait dans les temps les plus anciens et le vert pendant la période ptoléméenne (…)213».

Les bleus que Gallé utilisent sont plus nuancés que ceux égyptiens. Il se sert de ses connais-sances dans la cuisson des céramiques pour créer un important panel de couleurs qu’il assemble et superpose, pour apporter une touche d’originalité supplémentaire à ses modèles. L’applica-tion des coloris joue avec la symétrie et l’alternance pour apporter du relief à la contemplaL’applica-tion.

212 JONES Owen, The Grammar of Ornament, Day & Son, Limited-Cagnon, Londres, 1865, p.36. 213 Op. cit., p.40.

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B. Le papyrus.

Cette seconde plante est peinte sur deux dessins seulement :

Fig. 109 : Atelier Gallé, Étude pour une jardinière, crayon et

gouache sur papier fort. Fig. 110 : Atelier Gallé, Étude de décor égyptien, crayon et gouache sur papier fort.

Systématiquement, le papyrus est dessiné dans les médaillons centraux, accompagnant un sca-rabée, et un oiseau. Pour les deux applications, la plante est dessinée avec plus de réalisme que le lotus ; l’interprétation par Gallé est plus authentique, abandonnant tout l’aspect codifié et rigide de l’iconographie égyptienne. Les animaux, nous le verrons, sont eux-mêmes traités avec un certain réalisme.

Les végétaux permettent de situer les animaux en action dans la nature, au cœur de leur envi-ronnement naturel. Tandis que pour le lotus, il ne sert que de décor permettant d’entourer, comme un cartouche, le sujet cerclé.

Le papyrus est davantage traité de façon poétique et symbolique, comme Gallé l’exécute pour ces autres œuvres présentant la flore et la faune. Il sait extraire deux représenta-tions différentes d’une même inspiration, pour en détourner l’intérêt et ajouter une marque d’au-thenticité dans ces réalisations, parce qu’il ne se contente pas de recopier ce qu’il découvre de l’art égyptien.

La représentation naturelle du papyrus accentue cette hypothèse parce que l’art égyptien repro-duit les plantes dans leur entier : des racines aux fleurs. Or, le cadre légèrement décalé des médaillons ne cible pas l’oiseau ou le scarabée, ni la végétation qui les entoure, en entier. Il crée un effet de mouvement, pour capturer l’idée d’un instant de vie de ces créatures. Ce pré-cepte est utilisé par Gallé dans nombre de ses productions verrières et céramiques, pour les plantes et les animaux, les insectes. Il s’en sert aussi pour habiller la nature humaine d’une action.

L’idée est de porter une attention sur le sujet central du dessin, ou de l’objet, à savoir ce qui se déroule dans le médaillon.

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