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Les applications à la céramique du MEN : Jeanne d’Arc et la Royne Berthe

A. Les références médiévales européennes

4. Les applications à la céramique du MEN : Jeanne d’Arc et la Royne Berthe

Parmi les céramiques qui sont conservées au musée de l’École de Nancy, il est deux thèmes traités en céramique qui n’abondent pas pour les dessins. La présence de Jeanne d’Arc n’est relevée que dans un seul dessin ; la reine Berthe n’est pas présente.

A. Jeanne d’Arc.

Deux potiches sont présentes dans les collections de Nancy. Il s’agit de TT79, Potiche ou cache-pot « Jeanne d’Arc et ses voix, Saint Michel et Sainte Catherine », et HV15, Potiche « La Chevauchée de Jeanne d’Arc »129 :

Fig. 33 : GALLÉ Émile, Potiche ou cache-pot « Jeanne d’Arc et ses

voix, Saint Michel et Sainte Catherine », faïence stannifère, Nancy,

musée de l’Ecole de Nancy.

Fig. 34 : GALLÉ Émile, Potiche « La Chevauchée de Jeanne d’Arc », faïence stannifère, Nancy, musée de l’Ecole de Nancy.

129 CARRE Loreleï, La céramique de Charles et d’Émile Gallé au musée de l’École de Nancy, vol. 2, op. cit. pp.130-131.

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Les deux céramiques sont très pansues, terminées par un col très court largement ouvert (presque de la taille de la panse) dont l’ourlet est épais. TT79 possède deux petites anses. Les couleurs des deux céramiques sont très proches, dans des tons plutôt bruns, fauves et dorés, avec une touche de vert supplémentaire pour HV15, fondu dans le fond. Les deux céramiques sont faites de la même glaçure brillante de petit feu.

Pour HV15, l’iconographie représentée fait partie des plus connues, que l’on retrouve dans une équivalence dans les dessins. Il s’agit de Jeanne d’Arc accompagnée d’une troupe partie libérer le roi et la France. La scène prend place sur la totalité de la panse, accompagnée d’une inscrip-tion dans une bannière pour expliciter l’acinscrip-tion. La couleur verte est présente sans doute pour figurer la chevauchée : la troupe traverse la nature pour rejoindre son point d’intérêt.

Quant à la représentation de TT79, l’iconographie choisie fait à son tour partie des plus mémo-rables : il s’agit de Jeanne d’Arc écoutant les voix des saints qui la guident dans sa mission de sauvetage. Cette-fois-ci, les trois personnages sont encadrés par un trait d’une couleur similaire au fond du vase. Jeanne d’Arc est excentrée sur la gauche, la figure féminine n’apparaît pas entièrement. Elle est tournée vers la droite, où se tiennent les deux Saints, sur un dégradé de jaune vers le bleu, pour marquer leur provenance céleste.

Ce sujet n’est pas repris avec grande nouveauté par Gallé et ses dessinateurs. De ce qui nous est parvenu ne subsistent que des iconographies très connues des citoyens depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours. Ces codes figés permettent à l’artiste de faire assimiler ses œuvres par un grand nombre d’acheteurs et de visiteurs d’expositions, qui s’y identifient avec plus ou moins de patriotisme dans le contexte de la défaite de 1870 – et la perte de territoire qu’il fau-drait alors reprendre.

L’industriel peut, en revanche, se concentrer sur le choix des couleurs et de céramiques à orner avec ce motif.

B. La Royne Berthe.

Deux œuvres, à leur tour, représentent la « Royne Berthe », ou « Roine Blanche » : 991.2.1Vase « La Royne Blanche », et 992.15.1 Jardinière « La Roine Berthe » :

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Fig. 35 : GALLÉ Émile, Vase « La Royne Blanche », faïence stannifère, Nancy, musée de l’École de Nancy.

Fig. 36 : GALLÉ Émile, Jardinière « La Roine Berthe », faïence stan-nifère, Nancy, musée de l’École de Nancy.

La jardinière en forme d’étoile à quatre branches ne dessine pas de figure féminine, qui, par contre, est présentée sur une face du vase en forme de lys (rappelant la citation de l’inscription). D’une œuvre à l’autre, les mêmes couleurs sont appliquées pour évoquer leur thématique com-mune. Il y a le rouge, le blanc, le bleu et le doré. Ce sont des couleurs employées dans l’enlu-minure. Si le thème de cette série d’objet est la littérature médiévale, le choix des couleurs n’est pas hasardeux. Les coloris s’accordent comme si les citations étaient enluminées.

Berthade de Laon, dite « Berthe aux grands pieds » est une aristocrate franque épouse de Pépin le Bref et mère des rois des francs Charlemagne et Carloman Ier. Son surnom est attesté à partir du XIIIème siècle, dans un poème (racontant de façon épique la vie de cette femme) en alexan-drins attribué à Adenet le Roi, « Li roumans de Berte aus grands piés ». La littérature retient surtout, pour cette figure féminine, la troisième strophe de la Ballade des dames du temps jadis, de François Villon130 (Annexe 24).

La représentation n’est pas spécifiquement ciblée sur l’histoire ou le rôle politique de cette femme. La référence faite par Gallé est littéraire. Ces deux céramiques mettent en avant les récits de François Villon.

« S'il n'est pas ou guère connu des premiers Romantiques, tels Chateaubriand ou Nodier, il a inspiré, à partir d'environ 1830, tous les auteurs de ce courant. Cependant, certains revendiquèrent particulièrement son in-fluence. C'est notamment le cas de Victor Hugo, Théophile Gautier, (…) Charles Baudelaire, Paul Verlaine, bien sûr Gérard de Nerval, Jean Richepin et sa Chanson des gueux, Marcel Schwob et beaucoup d'autres.131»

Or, Émile Gallé est un lecteur curieux. Les relations multiples qu’il entretient dans la plupart des domaines artistiques – incluant la littérature – lui permettent d’accéder à un grand nombre

130 François de Montcorbier dit Villon (1431- après 1463), poète français. 131

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de références. Il faut alors souligner la proche relation entretenue par les Gallé et les Schwob132. Émile Gallé rend hommage à Marcel Shwob en lui offrant un de ses chats en faïence, décoré d’une sorte de plastron composé de l’agencement des titres des livres de l’auteur, à la peinture dorée.

Le registre décoratif lui permet ici d’ancrer le récit dans sa temporalité d’origine, laissant le loisir aux amateurs d’écrits médiévaux de faire le lien entre le texte et le décor.

5. Qu’en est-il des céramiques et des dessins préservés au musée d’Orsay ?