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L A MISSION MAÏS AUX É TATS U NIS

Dans le document Le maïs et le Béarn de 1945 à 1960 (Page 77-80)

LE LANCEMENT DES HYBRIDES

C- L A MISSION MAÏS AUX É TATS U NIS

C’est bien l’aspiration au progrès qui anime les organisateurs et les participants de la mission maïs aux États-Unis en 1951.

Un groupe composé de fonctionnaires, de techniciens et de maïsiculteurs s’est envolé depuis Paris vers l’Amérique le 28 août 1951, à destination de la zone du Corn Belt. Il s’agit d’un voyage d’étude géré par l’ECA, organisme inscrivant son action dans le prolongement du Plan Marshall. Les voyages organisés par cette entité ont pour but la prise de connaissance des techniques et pratiques économiques des Nord-Américains, afin que les européens puissent s’en inspirer et les mettre ensuite en application dans leurs pays respectifs.

La mission est dirigée par Louis Saint-Martin, qui en est l’instigateur. Il est accompagné de ses homologues des départements des Landes et du Gers. La mission comprend aussi Monsieur Mennesson, directeur de l’AGPB,

Jacques Etchebarne, directeur de l’AGPM, et plusieurs maïsiculteurs de différentes régions de France, dont deux du Béarn, Messieurs Poutous de Saint-Pée d’Oloron, et Monsieur Xavier Bonnemaizon de Saint-Abit. Celui-ci est un jeune syndicaliste remarqué par Louis Bidau. Il est le plus jeune membre de la mission. Il deviendra plus tard directeur de la coopérative céréalière de Pau38.

Cette équipe, d’une quinzaine de personnes au total, va séjourner Outre-Atlantique durant six semaines afin de ramener un maximum d’enseignements concernant la culture et la commercialisation du maïs. La mission va parcourir sept à huit mille kilomètres à travers les États-Unis, sans que jamais cela ne ressemble à un voyage touristique39.

Au cours des premiers contacts au ministère de l’Agriculture, les Français apprennent que celui-ci emploie dix mille fonctionnaires pour les seuls effectifs basés à Washington. Ils visitent la station agronomique de Beltsville, la plus importante du monde, qui comprend deux mille chercheurs et employés sur un domaine de cinq mille hectares. La mission gagne l’État d’Iowa, qui est le plus grand producteur de maïs des États-Unis. Il affiche un rendement moyen de trente quintaux à l’hectare. Le périple en autobus dure six jours à travers cette région possédant plusieurs millions d’hectares de terres dédiées au maïs.

Le groupe découvre ensuite le Wisconsin, État boisé et vallonné, parsemé de milliers de lacs et doté d’un climat assez semblable à celui des régions françaises productrices. À l’université de Madison, le discours de bienvenue prononcé par le docteur Neal, directeur du stage, est sans ambiguïté : « Si vous n’êtes pas fatigués par le travail accompli durant votre stage, c’est que nous n’aurons pas atteint notre but. ». De fait, les membres de la délégation française redeviennent étudiants pendant les quinze jours durant lesquels ils bénéficient de cours intensifs. Par la suite, ils visitent de nombreuses fermes. Le périple dans la zone à maïs est bouclé par un passage à l’université de La Fayette, dans l’État d’Indiana, et de nouvelles visites d’installations.

Un accueil excellent a été réservé aux Français tout au long de la mission. Les Américains ont joué franchement leur rôle d’instructeurs. La mission a été impressionnée par la place gigantesque occupée par la culture du maïs aux États-Unis, laquelle couvre trente-trois millions d’hectares environ, pour une récolte comprise entre 800 et 900 millions de quintaux. Le Nord-Ouest central du pays est le secteur de prédilection de la céréale. À titre de comparaison, l’emblavure française est alors de 900 000 hectares, pour

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Voir liste complète des membres de la mission en annexe

une production oscillant entre 5 et 7millions de quintaux. L’Amérique est un autre monde.

Les stagiaires ont étudié le climat, ils ont relevé beaucoup de points communs avec celui de l’extrême Sud-Ouest de la France, en dépit d’une position plus continentale de la ville américaine qui l’expose aux gelées précoces automnales. Cette comparaison a permis d’expliquer l’adaptation presque parfaite des hybrides du Wisconsin au contexte des Basses-Pyrénées.

La taille des exploitations américaines ressort entre 60 et 80 hectares, et 30 à 50 % de la superficie sont consacrés au maïs. Ces exploitations sont qualifiées ici de familiales et, de fait, compte tenu du niveau de mécanisation, deux personnes, qui sont souvent le père et le fils, suffisent à les faire fonctionner. C’est le degré atteint par la mécanisation qui explique la performance américaine. L’homme ne touche ni un grain ni un épi ni une tige de maïs. Les capitaux engagés sont de l’ordre de 150 000 à 175 000 francs par hectare. De gros efforts sont accomplis pour apprendre aux agriculteurs les meilleurs assolements susceptibles de maintenir l’humus et l’emploi des engrais. De 1940 à 1950, la consommation d’engrais sur maïs a été multipliée par dix. Mais les ingrédients ne diffèrent guère de ceux mis en œuvre en France.

Les Américains effectuent les semis selon les mêmes techniques, en ligne ou en poquet, mais leurs semences sont parfaitement calibrées et les disques des semoirs correspondent exactement à ces calibrages. Les maisons de semences indiquent souvent sur les sacs à la fois le calibrage et les numéros des disques des semoirs qui correspondent.

Les américains ne font pas un usage abusif des « hormones » pour le désherbage. Ils accordent un grand soin aux opérations de binage pour lutter contre les mauvaises herbes. Ils emploient depuis peu, pour cette opération, un instrument formé de disques de pointes recourbées, remorqué par un tracteur, qui retourne la terre sur deux centimètres environ, faisant sauter les racines des mauvaises herbes en voie de germination, sans atteindre les maïs qui sont enterrés plus profonds. La récolte a toujours lieu au corn picker à un ou deux rangs. Toutes les fermes sont équipées de séchoirs à clairevoie dans lesquels on souffle parfois de l’air froid grâce à un ventilateur électrique, et plus rarement de l’air chaud.

La production des semences est l’œuvre des compagnies privées et de producteurs groupés en de puissantes associations aux règles très strictes, travaillant sous le contrôle des stations agronomiques d’État. À la récolte, toutes les semences sont séchées artificiellement dans des séchoirs comparables à celui en activité à la station de génétique de Saint-Martin-de- Hinx. Ce séchage artificiel généralisé est la plus grande révélation du voyage. Les séchoirs sont en bois ou en tôle mince. Les opérations de triage, calibrage

et traitement contre les champignons conduisent à des prix de revient élevés, entre 140 et 180 francs le kilo pour les bonnes qualités. C’est le prix de départ à payer pour parvenir, en retour, à des bénéfices substantiels.

Un travail énorme est accompli en matière de recherche et de sélection. Dans chaque État de la zone maïs, il existe une station agronomique dépendant souvent de l’université. Il s’y ajoute les actions des sélectionneurs privés. Tous possèdent une collection de maïs à pollinisation libre en provenance du monde entier. Les sélectionneurs puisent leurs lignées dans un matériel végétal considérable, allant jusqu’à 4 000 variétés. Les lignées autofécondées les plus intéressantes permettent de produire les hybrides simples puis les hybrides doubles. Ceux-ci subissent de sévères essais en culture avant d’être commercialisés. Ainsi, les chercheurs disposent de moyens puissants en laboratoires, matériels, personnel et fermes expérimentales.

Après toutes ces découvertes, la question qui se pose aux cadres de la mission est de sélectionner ce qui est transposable en France. Beaucoup de choses peuvent être reproduites en matière de production et de conditionnement des semences. De précieux enseignements ont été également collectés pour ce qui concerne l’utilisation du maïs dans l’alimentation animale40.

Dans le document Le maïs et le Béarn de 1945 à 1960 (Page 77-80)