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Chapitre 5. G ESTION PAYSANNE DES RESSOURCES FORESTIÈRES SUR UN FRONT PIONNIER

5.2. Pratiques d’utilisation des ressources forestières

5.2.2.3 L E MARCHÉ LOCAL

Le marché local des produits forestiers non ligneux (fruits, huiles, graines) est très réduit dans la commune. Ceci pour trois raisons principales :

ƒ La faible culture extractiviste des colons issus de la migration ; ƒ La faible valeur marchande des produits

ƒ Le difficile accès des zones de production. Les zones de forêt dense favorables au développement de ce type d’activité sont éloignées des routes et il y a peu de voies fluviales praticables dans la commune.

Quatre produits sont tout de même collectés et commercialisés de manière ponctuelle dans la commune : la noix du Pará, l’açaí (fruit d’un palmier), le cœur de palmier et l’huile de copaíba.

La production de noix du Pará114 est variable et réduite à Uruará. Au cours de la décennie 1990, la production annuelle varie de 7 à 350 tonnes alors que celle d’Altamira, commune voisine varie de 100 à 1.200 tonnes. On ne compte qu’un seul acheteur de noix du Pará dans la commune et une trentaine de petits collecteurs réguliers qui lui livrent annuellement de 600 à 900 kg chacun. La collecte de la châtaigne est une activité d’appoint qui fluctue beaucoup en fonction des prix de vente et de la production naturelle des arbres. Par exemple, en 1999, le prix de 12 US$ les 60 kg, très attractif, a été à l’origine d’une collecte importante de 183 tonnes. En 2000, avec un prix de 4 US$ les 60 kg, la quantité récoltée a chuté à 55 tonnes puis 3 tonnes depuis 2001. Les principales zones de production sont : le fleuve Iriri à plus de 100 km au sud de la ville de Uruará et les vicinales 155 Sud, 160 Sud et 165 Sud à plus de 60 km de la Transamazonienne. Ces deux zones bien conservées sont dans la réserve indienne. Il est clair que l’éloignement rend difficile la collecte et l’acheminement des noix jusqu’à la ville où a lieu la commercialisation.

La collecte des fruits de l’açaí est presque insignifiante. Elle sert uniquement à approvisionner le marché local très réduit. Il est très difficile, voire impossible, de trouver de l’açaí dans les commerces à Uruará. La population locale, d’origine du Nordeste ou du Sud, ne consomme pas d’açaí.

La collecte du cœur de palmier n’a duré que 2 ans (1997-1998). Un marché s’est créé quand des entreprises des communes voisines d’Altamira et de Medicilandia ont commencé à acheter la production locale. A cette époque, on comptait une dizaine d’équipes de trois à cinq personnes collectant les cœurs de palmiers dans toute la commune. Les cœurs de palmier étaient vendus 8 centimes de dollar pièce, 40% reviennent aux propriétaires des palmiers, 40% à l’ouvrier qui collecte et 20% au chef d’équipe. En deux ans, la ressource a été épuisée et l’activité a cessé.

La production d’huile de copaíba est aussi une activité d’appoint pratiquée par quelques colons de la commune qui fournissent le marché local.

Figure 5.2-8 : Production de noix du Pará, açaí, huile de copaíba et Palmito entre 1990 et 2000 5 350 50 26 8 55 3 3 6 9 9 7 6 6 6 5 5 5 3 3 183 7 28 32 35 40 2 2 2 2 2 2 1 1 10 100 1000 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Açaí (fruit, tonne) Noix du brésil (tonne) Cœur de palmier (tonne) Copaíba (huile, tonne)

Source : IBGE/SIDRA, 2004

L’exploitation des PFNL d’origine végétale engendre une pression très réduite (voire inexistante) ou très forte selon les époques et les espèces. Les productions varient énormément d’une année à l’autre, cessent et reprennent. Là encore, ce sont des activités

occasionnelles, opportunistes qui ne font pas l’objet d’une gestion planifiée. Le développement de la production ne peut pas s’appuyer sur un marché local inexistant. Du fait d’une importance économique et culturelle négligeable, il n’y a pas de demande locale pour une meilleure gestion. C’est le cas dans la plupart des régions où les colons sont, avant tout, des agriculteurs. Dans les conditions actuelles, ce type d’exploitation ne constitue pas une alternative viable face aux activités agricoles plus sûres et plus rentables.

Pour palier les faibles densités naturelles de ces produits, depuis le milieu des années 1990, on assiste à la multiplication des plantations de palmiers, açaí et pupunha. Il s’agit de produire des cœurs de palmiers pour les conserveries des centres urbains. En 2003, une usine s’est installée dans la commune pour reprendre l’exploitation des sites naturels et des plantations. Cependant seule une demi-douzaine de fazendas se sont lancées dans ces plantations et la production reste très faible. C’était pour les fazendeiros surtout une manière de capter des financements publics et financer en même temps un volet élevage.

5.2.2.4 CONCLUSION

Si l’exploitation des produits forestiers non ligneux ne peut en aucun cas être une alternative qui garantisse des revenus aux agriculteurs, elle pourrait éventuellement constituer un revenu d’appoint fixe, notamment venant de l’extrativisme dans les réserves forestières. Les prérequis sont nombreux : l’existence d’une entreprise privée ou coopérative susceptible d’investir sur le long terme dans la transformation et la commercialisation d’un certain nombre de ces produits, l’identification plus précise des ressources exploitables et du taux de collecte permettant un renouvellement de la ressource, la formation des acteurs, la mise en place d’une gestion communautaire avec un certain nombre de règles qui évitent les comportements opportunistes (Bonaudo et al., 2005a).

5.2.3 L’exploitation de la faune

Comme nous l’avons vu dans le contexte général, la chasse bien qu’interdite, est largement pratiquée. A Uruará, il n’y a pas de chasse commerciale et l’essentiel de cette activité se développe à des fins de subsistance. Malgré son importance écologique, économique et alimentaire, l’exploitation de la faune n’est soumise à aucune gestion et peu d’études ont été

menées sur les fronts pionniers (cf. 1.2.2.1.2 La chasse). Le but de cette partie est de mieux connaître l’activité cynégétique (techniques utilisées, tableaux de chasse) et montrer l’importance de cette ressource pour les différents acteurs ruraux. Nous allons aussi déterminer s’il existe un lien entre l’activité cynégétique et la dégradation du milieu.

Pour ce faire, nous nous sommes servis des enquêtes faites en 2003 auprès de notre échantillon de 100 colons mais aussi de deux autres études spécifiquement dédiées à ce sujet réunissant le suivi de 227 chasses (Bonaudo et al., 2001 ; Bonaudo et al., 2003 ; Bonaudo et al., 2005b).