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LES MÉCANISMES DE DÉVELOPPEMENT PROPRE

3.3. Cadre théorique et posture scientifique pour la gestion de l’environnement

3.3.2.1 A NALYSE DU SYSTÈME DE GESTION EFFECTIVE

3.3.2.1.2. Les enquêtes

Deux types d’entretiens semi directifs ont été menés : le premier, appliqué à tous les acteurs, a pour but de connaître leur vision sur le développement économique, social et environnemental de la commune, leur rôle et leur action théorique ou réelle sur l’environnement et enfin la vision qu’ils ont des autres acteurs. Le second type d’enquêtes concerne exclusivement les acteurs ayant une action directe sur l’environnement (agriculteurs, caboclos et forestiers), a pour but de caractériser les systèmes de production et les pratiques de gestion de l’environnement qu’ils ont développés jusqu'à aujourd’hui.

Pour caractériser les systèmes de production des agriculteurs, une entrée classique, celle de l’orientation productive des exploitations, est utilisée. Le questionnaire a été élaboré à partir des premières enquêtes, effectuées en 1994 et 1997, sur les structures des systèmes de production (Veiga et al., 1996 ; Ferreira, 2001). Nous avons reconstitué l’évolution structurelle de chaque exploitation et l’évolution des pratiques, de protection et d’utilisation des ressources forestières de chaque agriculteur. L’entretien, semi directif, est réalisé en une visite pour les cas les plus simples et a requis jusqu’à quatre passages pour les cas plus complexes (propriétés comprenant plusieurs lots et une grande diversité de systèmes de productions). Les cas les plus simples sont représentés par les colons très récemment installés, ayant un système de production simple. Les cas les plus complexes concernent des colons arrivés au début de la colonisation étant passés par tous les cycles agricoles, ayant un système de production très diversifié sur plusieurs lots. L’entretien avec l’agriculteur et sa famille a

généralement été suivi d’une visite de l’exploitation qui permet de confirmer et de préciser les informations du questionnaire. Les thèmes abordés par les questionnaires sont :

ƒ L’agriculteur et sa famille (lieu d’origine, date d’installation, disponibilité de main d’œuvre, données socioéconomiques générales) ;

ƒ Les caractéristiques de la propriété (nombre de lots, date achat et de vente, distance de la Transamazonienne, etc.) ;

ƒ La production agricole (surfaces en cultures vivrières, en cultures pérennes, en pâturage, les pratiques d’implantation et d’entretien, les pratiques d’élevage avec la formation et la conduite du troupeau, etc.) ;

ƒ Les ressources forestières utilisées (pratique de conservation, pratique d’utilisation, espèce, volume, vente, autoconsommation, pratique de chasse, etc.).

Nous avons fait un questionnaire rétrospectif centré sur l’évolution des critères reflétant la diversité agricole de la commune identifiés au cours de la thèse de Ferreira (2001) (surface totale, main-d’œuvre, nombre de bovins, nombre de pieds cultures pérennes, cultures vivrières). Nous avons porté une attention particulière à l’apparition, l’évolution et la disparition éventuelle de ces critères au sein des systèmes de production. Par exemple, pour le cheptel bovin, quand est-ce que la ou les premières vaches ont été achetées, pourquoi ? Comment le cheptel a été constitué (achat, échange, croissance naturelle, gardiennage) ? A quel rythme annuel le troupeau s’est accru (quel a été le plus gros achat de bétail) ? Y a-t-il eu un événement qui a fait chuter le troupeau de manière importante (vente de bétail pour besoin financier, problème sanitaire du troupeau, etc.). Les agriculteurs se rappellent bien des événements qui ont marqué fortement leur système de production.

Pour les exploitants forestiers l’entretien a porté sur l’approvisionnement en matière première (espèces, lieu d’approvisionnement, quantité, transport, etc.), la transformation, la capacité de production (nombre d’ouvriers, investissement matériel, nombre de scies, type de produit final, etc.) et la commercialisation (quantité, où et comment). Dans un deuxième temps, nous nous sommes appliqués à comprendre les logiques d’acteurs et le fonctionnement de la filière. Plusieurs facteurs, d’ordre pratique, ont permis d’établir une relation de confiance fondamentale avec les acteurs enquêtés : le travail journalier avec les fonctionnaires de l’Embrapa vivant depuis plus de 25 ans dans la région, les passages répétés dans les exploitations, la visite de ces dernières. Le fait de vivre sur place pendant plus de trois ans

(1ère étude faite en 1997) m’a permis d’acquérir une connaissance fine du terrain et d’un grand nombre d’acteurs. La confiance et l’ouverture au dialogue des acteurs sont indispensables quand on s’intéresse aux pratiques paysannes, surtout touchant une problématique aussi diabolisée que la déforestation dans une région aussi médiatisée que l’Amazonie. L’ensemble de ces caractéristiques garantit une bonne qualité des données et des informations fournies par les agriculteurs. Au départ, plus de 140 enquêtes ont été faites sur les exploitations agricoles et nous n’avons retenu que les 100 plus détaillées, plus exhaustives. Sur ces 100 exploitations, une trentaine avait déjà été suivie depuis 1994, ce qui a permis de recouper les informations.

3.3.2.1.3. La typologie

Comme nous l’avons déjà mentionné, les agriculteurs forment un groupe d’acteurs clés, très diversifié dont les actions ont des conséquences très contrastées sur le milieu naturel. Il est donc nécessaire de détailler les grands types qui composent cet ensemble et avoir une typologie qui représente et caractérise la diversité des exploitations agricoles. « L’objectif des typologies est d’identifier des groupes d’exploitations présentant les mêmes caractéristiques de fonctionnement pour comparer entre elles des exploitations effectivement comparables et, par conséquent, de juger de leur fonctionnement » (Perrot et Landais, 1993). Dans ce groupe de méthodes, les typologies de fonctionnement tiennent une place privilégiée (Capillon, 1985 ; Perrot, 1990). Ces typologies reposent sur la notion d’approche globale de l’exploitation agricole considérée comme « un système complexe piloté » (Osty, 1978). Les critères choisis pour construire les types d’exploitations se basent sur des éléments structurels et les grandes orientations de production. Nous avons suivi la démarche proposée par Ferreira (2001) qui a mis au point une typologie à dires d’experts (Veiga et al., 1996 ; Ferreira, 2001) et de méthodologies développées par l’Institut de l’Élevage et l’INRA (Perrot, 1991 ; Perrot et al., 1995). La partie méthodologique qui suit sur la définition d’une typologie à dires d’experts et sa réalisation est tirée de la thèse de Ferreira (2001) (description des critères de choix, des méthodes de calcul et de classification, du Soft utilisé).

Typologie à dires d’experts

Une typologie à dires d’experts synthétise et résume le fonctionnement et la diversité des exploitations, tels que les experts se les représentent. Pour ce faire, les experts définissent des « pôles d’agrégation » censés prendre en compte toute la diversité des exploitations agricoles.

Chaque pôle est défini par une série de caractères discriminants. Ces pôles d’agrégation et leurs caractères discriminants résultent de « l’extraction et de la mise en forme » des connaissances d’un ensemble d’experts (Ferreira, 2001).

Une fois définis les « pôles d’agrégation » et identifiées les variantes qui les caractérisent, les « spécialistes » définissent les valeurs seuils associées à chacune de ces variantes. L’ensemble des variantes discriminantes et de leurs valeurs seuils, associé à un pôle d’agrégation constitue un fragment de la clé de détermination qui permettra d’évaluer la ressemblance de toute exploitation avec le pôle considéré. La réunion de ces fragments forme la « clé typologique ».

Clé typologique

« La définition d’un pôle d’agrégation est constituée de deux parties : l’une de forme littéraire, l’autre de forme mathématique. La partie littéraire est un texte de quelques lignes qui décrit le fonctionnement de l’exploitation, les grands choix de production et d’équipement. Elle définit la logique de fonctionnement décrite par les experts. La seconde partie traduit cette logique de fonctionnement en termes mathématiques. Elle est constituée de la liste des variables discriminantes retenues pour caractériser chaque pôle, avec leurs valeurs seuil et leurs coefficients de pondération fonction de l’importance relative que lui accordent les experts dans la définition du pôle », Ferreira, (2001). La clé typologique est insérée dans un outil informatique, baptisé « GENETYP », qui sera utilisé pour calculer les coefficients de ressemblance des exploitations pour tous les pôles d’agrégation. L’ensemble des exploitations qui sont alors rattachées à un même pôle d’agrégation constitue le « type » correspondant. Chaque exploitation est positionnée précisément par rapport à chaque pôle d’agrégation mais aussi les unes par rapport aux autres. Ceci permet de contrôler la qualité du classement rattachant une exploitation à un type donné (Perrot, 1991 ; Ferreira, 2001).

Par convention, on décide ensuite de rattacher l’exploitation au pôle auquel elle ressemble le plus. Ce regroupement d’exploitations définit des types d’exploitations. On considère, en pratique, qu’une exploitation est correctement « classée » dans un type, quand son coefficient de ressemblance globale au pôle considéré est supérieur à 60%. Lorsque ce coefficient prend une valeur supérieure à 80, l’exploitation appartient au « noyau » du type, et ses caractéristiques seront intégrées au fichier qui permettra de décrire en détail toutes les caractéristiques des exploitations appartenant à ce type (valeurs moyennes et variabilité)

(Ferreira, 2001). Les facteurs discriminants identifiés par les experts sont la distance de la transamazonienne, la taille des propriétés, la quantité des cultures pérennes, l’importance du cheptel bovin, la destination des cultures vivrières (vente ou autoconsommation), la vente de main-d’œuvre. C’est la proportion et la combinaison de ces éléments de base de l’agriculture de la commune qui vont différencier les différents types de système de production.

La typologie différencie six grands types : Survie, Subsistance, Début d’accumulation, Planteur, Diversifié, Éleveur (Ferreira, 2001). Les types Survie et Subsistance regroupent les colons arrivés récemment dont le lot est encore peu défriché et principalement orienté sur les cultures alimentaires d’autosubsistance. Par ailleurs la vente de main-d’œuvre en dehors de l’exploitation est une source essentielle de revenus. Le type Début d’accumulation correspond à des colons qui ont réussi à accumuler progressivement un petit cheptel bovin et à implanter quelques hectares de cultures pérennes. Ils investissent toute leur main-d’œuvre disponible dans leur lot et n’ont plus besoin de la vendre à l’extérieur. Le type Planteur regroupe essentiellement les colons arrivés dès le début de la colonisation qui disposent de bonnes terres et y ont implanté principalement du cacao, même si dans les périodes de crise les revenus ont été réinvestis en partie dans l’élevage bovin. Le type Diversifié est constitué d’exploitations déjà bien stabilisées dont la stratégie dominante est la diminution des risques avec l’implantation d’au moins trois types de cultures pérennes et l’acquisition d’un petit cheptel bovin. Le type Éleveur a pour stratégie dominante la spécialisation dans l’élevage bovin avec un accroissement progressif du troupeau et du foncier (Veiga et al., 1996 ; Ferreira, 2001).

Pour que la typologie puisse vraiment être utilisable, il faut qu’elle conserve sa pertinence au cours du temps, face aux évolutions que connaissent les exploitations agricoles. Cette condition est d’autant plus importante que le milieu est dynamique et ces évolutions rapides. Ceci soulève le problème de l’actualisation de la typologie. Nous avons donc testé de deux manières différentes la validité de la typologie établie en 1998-1999. Avec nos données recueillies en 2002 et 2003 nous avons fait une ACP et l’avons comparée à celle faite en 1998-1999. Nous avons retrouvé les mêmes groupes d’exploitations fonction des mêmes valeurs discriminantes. Puis, nous avons appliqué la clé typologique de 1998-1999 à la situation des exploitations actuelles et seulement 13% des exploitations ont été classées avec un coefficient de ressemblance inférieur à 60%. Les concepteurs de la méthode estiment qu’une typologie est valide si au moins 80% des propriétés sont rattachées à un pôle avec un

taux de ressemblance supérieur ou égal à 60%. On peut donc affirmer qu’en quatre ans il n’est pas apparu de nouveaux types, ni disparu d’anciens, ceci a été confirmé par les experts qui avaient participé de la mise au point de la typologie. Nous avons donc traité nos données avec les critères discriminants et repris la typologie de 1998-1999.