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U N CADRE MÉTHODOLOGIQUE POUR DÉPASSER CE CONSTAT D ’ ÉCHEC

LES MÉCANISMES DE DÉVELOPPEMENT PROPRE

3.3. Cadre théorique et posture scientifique pour la gestion de l’environnement

3.3.1.2 U N CADRE MÉTHODOLOGIQUE POUR DÉPASSER CE CONSTAT D ’ ÉCHEC

Nous allons chercher à comprendre la question d’environnement dans ses multiples aspects, sans pour autant nous perdre, d’une part dans les discours sectoriels des différentes filières et disciplines scientifiques (approche administrative, économique, écologique) et d’autre part, dans les discours des acteurs locaux qui défendent leurs propres logiques et n’ont qu’une vision partielle de la réalité. Il faut aussi garder à l’esprit que, sur le terrain, la question environnementale reste principalement le fait « d’acteurs d’environnement » isolés et/ou venant de l’extérieur. Le conflit environnemental souvent entretenu par l’extérieur, ne signifie pas grand-chose localement par rapport aux conflits fonciers, aux conflits sociaux ou économiques qui ont souvent des conséquences dramatiques. Le Pará est un des états le plus violent du Brésil, entre 1985 et 2001, on a recensé près de 500 assassinats de travailleurs ruraux, principalement liés à des problèmes d’invasion de terre, d’esclavage ou d’exploitation illégale de bois. Uruará n’échappe pas à la règle, les histoires de corruptions, de menaces, d’accidents ou d’assassinats ne manquent pas. Périodiquement, les forces spéciales de l’Ibama et la police fédérale débarquent dans la municipalité pour enquêter sur des crimes de droit pénal ou civil. Tout ceci dans un climat d’impunité générale.

Nous allons nous appuyer sur le concept de « gestion effective » de l’environnement développé par Mermet (1992). Mermet part du constat que l’état d’un milieu est la résultante de ses propriétés naturelles d’une part et de l’ensemble des actions humaines qui l’affecte d’autre part. Toute action qui a un effet sur le terrain, qu’elle soit consciente ou non, voulue ou non, doit être prise en compte et considérée comme un acte de gestion du point de vue de ses conséquences concrètes. La « gestion effective » est la résultante de l’ensemble des actions anthropiques sur le milieu. Celle-ci se caractérise notamment :

ƒ Par la multiplicité des acteurs ayant une action directe ou indirecte sur le milieu ; ƒ Par le fait que leurs actions sont guidées par des contraintes et des objectifs

généralement indépendants de l’environnement. Le principe de « rationalité » des acteurs, qui veut que « le comportement d’un acteur, aussi déconcertant, irrationnel qu’il puisse paraître au premier abord, a toujours un sens rapporté à son contexte : s’il n’est pas rationnel par rapport à des objectifs, l’acteur est rationnel par rapport à des contraintes et des opportunités d’une part et par rapport aux comportements des autres acteurs d’autre part » (Crozier et Friedberg, 1977). Ceci veut dire que si un acteur parait incohérent c’est peut-être qu’il nous manque des informations ou que

nous n’avons pas compris le fonctionnement du système. Dans la même logique : « quelle que soit leur rationalité apparente, une politique, un projet ou un modèle technique sont condamnés à rester vides, tant qu’ils ne peuvent s’articuler sur les stratégies concrètes des divers groupes en présence » (Yung et Zaslavsky, 1992). Il est important de remarquer que, dans cette conception, les acteurs ne prennent pas toujours les décisions les meilleures pour eux, en effet une cohérence n’est pas une optimisation. Enfin, cette idée de logique d’acteur évite de se positionner en tant que détenteur de la vérité, cela favorise donc le dialogue ;

ƒ Enfin, il ne faut pas oublier « qu’en ce qui concerne la gestion environnementale, il n’existe pas de consensus, de ligne directrice qui aille de soi. Les objectifs de gestion de l’environnement sont multiples et parfois même contradictoires. Les qualités requises, voulues ou souhaitables pour l’environnement sont différentes pour chaque acteur » Mermet 1992. La qualité d’une forêt par exemple va être le nombre d’arbres commercialisables pour un forestier, ce sera le nombre d’arbres utilisables pour faire des clôtures pour un éleveur, la densité de la faune pour un chasseur et le nombre de castanheiras pour un caboclo et enfin un maximum de biodiversité pour un écologiste

Mermet (1992) désigne comme « gestion intentionnelle » l’ensemble des actions ayant pour but de résoudre les problèmes environnementaux. Les « acteurs environnementaux » quant à eux, ont pour but de mettre en place cette « gestion intentionnelle ». Ces acteurs agissent souvent de manière indirecte, en tentant d’influencer les pratiques des autres acteurs.

En résumé, Nous avons à faire à un système complexe où des acteurs multiples interagissent et développent des actions pouvant être favorables à l’environnement ou non. Il en résulte une « gestion effective » de l’environnement, qui s’exerce sans maîtrise totale de son objet voire même sans conscience de celui-ci (Figure 3.3-1 ; Mermet, 1992).

Figure 3.3-1 : Schématisation du concept de « gestion effective »

Réalisation à partir de Mermet, 1992

3.3.2 Démarche méthodologique de notre étude

L’objectif principal de cette thèse est d’identifier des pistes d’interventions qui permettraient une meilleure gestion environnementale sur les fronts pionniers amazoniens. Les deux points d’ancrages complémentaires sont la déforestation et la mauvaise valorisation des ressources forestières. Pour changer une situation ou résoudre un problème, il faut analyser le système dont ils sont la résultante. Nous proposons donc d'identifier et d’analyser le système de « gestion effective » pour avoir une image d’ensemble du jeu d’environnement dans lequel les acteurs sont pris, avec leurs règles, leurs enjeux et leurs dynamiques dominantes. Nous avons ensuite synthétisé et représenté une partie de cette analyse sous forme d’un modèle SMA, centré sur les colons et leurs stratégies d’utilisation des sols.

Dans un premier temps nous avons fait un tour exhaustif de la littérature, très abondante, existante sur cette région. Nous nous sommes appuyés notamment sur les études réalisées sur

Acteur X

Acteur Z

Acteur Y d’EnvironnementActeur

Gestion effective

NATURE

NATURE

NATURE

NATURE

Actions anthropiques affectant plus ou moins

le milieu naturel

SOCI

SOCIÉÉTTÉÉ

Gestion intentionnelle Interactions plus ou moins fortes entre les acteurs

les systèmes de production familiaux en 1994 et 1997 (ayant donné lieu à une thèse : Ferreira, 2001). Nous avons utilisé les résultats disponibles mais aussi les outils et méthodes validés au cours de ces recherches (méthodes d’entretien, construction de typologies et l’analyse de trajectoires d’évolution des systèmes de production). Ensuite, nous sommes passés à la phase d’enquêtes et d’observations de terrain.