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L E CONTEXTE LÉGISLATIF

LES MÉCANISMES DE DÉVELOPPEMENT PROPRE

2.3.2.3 L E CONTEXTE LÉGISLATIF

« L’agriculture a fait de la terre un espace privé avec un droit exclusif, cumulatif et individuel. La terre et ses fruits ont un propriétaire qui a le droit de ne pas l’exploiter et de ne pas produire. Ce droit civil du XIX siècle, a été réaffirmé par le code civil brésilien en 1916. Certains comme Fernado Sodero, ont combattu cette vision fermée de la propriété privée et ont argumenté que ce droit était en contradiction avec l’immense majorité des personnes sans travail et sans aliment. Il n’était pas possible que la terre ait uniquement une dimension patrimoniale et individuelle et ne soit représentée que par une valeur économique. La terre a aussi une fonction sociale car elle fournit des aliments à tous et elle permet d’unir les hommes et les femmes en familles, groupes et sociétés et de produire une culture commune » (Marés, 2003). A partir de ces réflexions et contradictions, il a été formulé la théorie de la « fonction sociale de la propriété agricole ».

« Aujourd’hui plus personne ne questionne le rôle social de la propriété agricole mais les divisions se manifestent sur la question environnementale. Le débat public sur la protection de l’environnement a gagné la sphère juridique et les défenseurs de la propriété privée, argumentent que pour satisfaire la fonction sociale de la terre, il faut produire de manière intensive, sans entrave environnementale. Certains vont même plus loin et affirment qu’une plus grande production engendre une amélioration économique pour l’ensemble de la

population et que la non utilisation d’une partie des terres engendre la misère » (Marés, 2003). Le courant environnementaliste pense, au contraire, que la protection est une nécessité vitale dans l’utilisation de la terre. La lutte entre ces deux courants a eu une ampleur très grande lors de l’élaboration de la constitution de 1988. « Finalement, la constitution de 1988 a réduit le droit de la propriété privée, notamment dans le domaine de l’environnement68, des peuples indigènes69 et de la culture70. Cette constitution reconnaît bien la propriété privée mais lui impose des fonctions sociales71» (Marés, 2003). La fonction sociale des propriétés rurales englobe donc l’utilisation rationnelle du sol (le propriétaire doit atteindre une productivité minimum), l’utilisation adéquate des ressources naturelles disponibles, la préservation de l’environnement et le respect de la législation du travail72. Si un propriétaire ne respecte pas un de ces quatre points, il perdra son droit de propriété. Jusqu’à maintenant, la notion environnementale n’a jamais été prise en compte pour exécuter une expropriation. La législation a considéré comme patrimoine national la forêt amazonienne, la forêt atlantique, le Pantanal du Mato Grosso, les zones côtières, qui bénéficient ainsi d’une protection particulière. Des juges spécialisés doivent être nommés pour résoudre les questions agraires (Alvarenga, 1990).

Deux autres réglementations sont importantes : l’obligation de maintenir une réserve légale et une réserve permanente. Chaque propriété doit conserver une certaine proportion d’écosystème naturel : la réserve légale. Cette réserve doit avoir son périmètre délimité et être enregistrée sur l’acte notarié de la propriété. La proportion de chaque propriété dédiée à cette réserve légale varie suivant les régions du Brésil, en Amazonie elle était de 50% avant 1996, elle est aujourd’hui de 80% de la propriété (Rei et Blanco, 1996). C’est une mesure présidentielle provisoire faisant force de loi qui a permis ce changement. Cette mesure provisoire a été reconduite 67 fois avant d’être reconduite pour une durée indéfinie en 2001. Cette mesure reste très contestée à la fois sur le plan pratique et sur le plan juridique du fait de son statut très particulier. Les petits agriculteurs font remarquer qu’en Amazonie, il est impossible, dans l’état actuel des choses, de vivre en ne défrichant que 20% des propriétés.

68 Le chapitre VI, titre VIII, article 225, reconnaît le milieu naturel comme un bien commun du peuple, essentiel

à une vie saine et de qualité. Il impose à tous le devoir de le préserver pour les générations actuelles et futures.

69 Le chapitre VII, titre VIII, article 231 et 232, traite des droits des peuples indiens retirant tout droit de

propriété sur les terres qu’ils occupent.

70 La session II, chapitre III, titre VIII, article 215 et 216, détermine qu’il est du devoir de tous de protéger le

patrimoine culturel brésilien et que la propriété privée est subordonnée à cette règle.

71 Article 5, appendice XXII et XXIII et titre VII, article 170, appendice I et II.

Les aires de protection permanente, définies par le code forestier, sont des aires où le déboisement est interdit sauf en cas d’utilité publique ou d’intérêt social. Les aires de protection permanente sont par exemple les rives des fleuves ou des lacs, les sources d’eau et les terrains en fortes pentes. Il est important de savoir aussi que tout déboisement doit faire l’objet d’une demande auprès de l’Ibama qui a 60 jours pour l’autoriser ou non. En 1998, les infractions environnementales sont passées du statut de délit passible d’amendes à celui de crime passible de prison73. Si un colon ne respecte pas ces lois ou décrets en plus des peines encourues, l’Ibama ne lui délivre pas de « licence environnementale », papier qui devient indispensable pour obtenir des financements publics et pour vendre ou acheter une propriété. Pour la faune, aussi, le Brésil a une législation très protectionniste qui interdit pratiquement toute chasse et tout commerce (Ojasti, 1993). Selon la réglementation de l’Ibama, la chasse commerciale est formellement interdite. La chasse sportive est très sévèrement réglementée. La chasse de subsistance est tolérée : « un colon peut chasser sur ses terres pour nourrir sa famille, s’il est affamé et s’il n’a pas d’autres possibilités pour obtenir de la viande ». L’élevage, la détention ou le transport d’animaux sauvages doit faire l’objet d’une demande auprès de l’Ibama.

L’exploitation forestière est aussi soumise à une réglementation très stricte. Le bois doit provenir d’exploitations certifiées par l’Ibama. Les normes d’exploitation sont très restrictives avec un inventaire et un marquage des arbres à abattre, un diamètre minimum d’exploitation, des pratiques d’abattage et de collecte des fûts à faible impact, la conservation d’arbres matrices, le reboisement et la conservation de zones réserves. Enfin, tout produit forestier doit avoir une autorisation d’exploitation, de transport et de commercialisation avec l’identification de sa provenance. Tout ceci afin d’obtenir, au moins en théorie une traçabilité du bois et éviter les abattages illégaux.

Ce cadre législatif devrait permettre aux gouvernements de gérer et limiter les impacts négatifs de toute activité. Cependant, en pratique, il y a un manque cruel de moyens de contrôle et de répression (Andersen et al., 2001). On ne compterait en Amazonie que 150 fonctionnaires. Alors que les pays développés dépense 20 US$/ha d’aire protégée, le brésil en dépense 2 US$, ce qui correspond à 1 fonctionnaire pour 27.000 ha d’aires protégées (Dourojeanni et Padoua, 2001 In Droulers, 2004). Sur la transamazonienne, par exemple,

73 Loi 9605/98, cette loi a été complétée en 1999 par une définition et une réglementation précise des crimes

l’Ibama d’Altamira comptait, en 2004, douze agents et un véhicule pour surveiller et gérer plus de 21 millions d’hectares. L’impossibilité de contrôler un espace si vaste et des conditions socio-économiques très difficiles ont conduit à une généralisation des fraudes et des corruptions.

2.3.3 Conclusion

Dans les années 1980, le mot d’ordre en Amazonie a évolué, on est passé du « comment remplir le vide amazonien » à « comment protéger ce vide », sans pour autant entraver le développement économique de la région et du pays (Becker, 2004). Une fois l’Amazonie « occupée et intégrée » comment « organiser et consolider » son développement (Becker, 2004). Le Brésil a su réformer son appareil administratif et législatif mais malgré une réelle ouverture environnementale, n’a jamais eu une politique environnementale efficace, cohérente et intégrée aux autres politiques sectorielles (réforme agraire, politique industrielle, politique d’infrastructure)74. Il existe aussi un grand nombre de conflits entre les niveaux administratifs de gouvernance (Fédération, états et communes) et les subdivisions territoriales économique, écologique, politique. Comment vont être utilisés les zonages industriels, agricoles, côtiers, écologiques et économiques ? Comment vont être faits les Plans Directeurs municipaux75 ? Enfin comment vont s’organiser les différents niveaux de planification et d’intervention ? Pour le moment personne ne sait y répondre. Le PAS (Plan Amazonie Durable) ne déroge pas à la règle, malgré ses bonnes intentions de mener une politique environnementale transversale, coordonnant l’action de tous les ministères. Les gouvernements successifs n’ont fait que répondre aux situations les plus conflictuelles et ont désamorcé les crises en nommant des commissions d’étude, en montant des projets ponctuels, en créant des réserves (sur le papier) ou en déléguant ses responsabilités sans donner aux états et aux communes les moyens de les exercer. Le dernier épisode en date est bien révélateur de cette politique : après l’assassinat de plusieurs personnes dénonçant l’exploitation illégale de bois et l’invasion de la « terra do meio » dans le Pará, le gouvernement a annoncée la création dans l’urgence de plus de 3,7 millions d’hectares de réserve (station écologique et resex) dans la zone. Les tensions

74 Sur cette thématique politique environnementale versus politique de développement se référer à la thèse

« Políticas públicas territoriais na Amazônia brasileira : Conflitos entre conservação ambiental e desenvolvimento 1970 – 2000 » de Aparecida de Mello, 2002.

75 Chaque commune devra disposer en 2006 d’un « plan directeur municipal » avec la planification des

investissements et actions prioritaires. Le PDM est à l’origine orienté sur la ville mais devra évidemment prendre en compte la zone rurale pour les communes rurales. Il doit planifier les actions en terme de développement urbain concernant l’habitation, le transport, l’assainissement, l’utilisation et de l’occupation du sol.

entre utilisateurs de la forêt se sont renforcées : les colons veulent exploiter les richesses naturelles et développer des activités agricoles sans contrainte ; les indiens veulent préserver leur mode de vie et conserver la forêt tout en l’exploitant ; les seringueiros et les caboclos, revendiquent l’accès à la propriété et à la société de consommation moderne ; l’état veut protéger et exploiter les richesses de cette région ; les environnementalistes veulent une protection totale de cette réserve biologique, enfin certains organismes internationaux veulent fixer du carbone. Chaque utilisateur a des objectifs et des niveaux d’intervention distincts. La politique des états et des communes est fonction des groupes de pression les plus forts et de fait, on assiste à la division de l’Amazonie en deux zones ; d’une part, le Nord Ouest composé de populations traditionnelles où se focalisent les aides sociales et les unités de conservation et d’autre part, l’Amazonie du Sud Est peuplée de colons, où se concentrent les aides à la production et les infrastructures. Les modèles de développement prônés par les uns et les autres sont opposés et conflictuels aussi bien au niveau local, étatique que national. Bref, les conflits d’intérêts entre le développement économique et la conservation ne font que s’accroître (Kaimowitz, 2002).

Tableau 2.3-1 : Résumé des politiques publiques Amazoniennes

Politiques visent le marché mondial Î conflit avec le secteur environnementaliste Couloirs multimodaux de transport, énergie et communication PPA 2000-03 et « Avança Brasil » (2000-07)

Axes nationaux d’intégration et de développement Système de suivi du déboisement et campagnes de sensibilisation Politique de contrôle des pollutions et du déboisement 2000 – 07

1ers résultats des accords entre les

secteurs de l’environnement, de la réforme agraire et de l’économie, critères environnementaux pour les projets et le financements et projet vert incluent des activités productives

Agenda environnemental de l’Incra Couloirs d’exportation I et II PPA (plans pluriannuels, 1991-95 et 1996-99) Programme « Brasil em ação » (1996-00) ; Agenda 21, PPG7, Proecotur, Pronabio, loi sur les crimes environnementaux (1998-99) Développement durable, couloirs écologiques, biomes et biorégions, nouveaux thèmes environnementaux 1992 – 99

Les projets de préservation se heurtent aux incitations fiscales ; Petits projets thématiques financés par le FNMA ; les grands financements comme Prodeagro, Planafloro, PNMA, même s’ils sont considérés comme verts sont en fait sectoriels Programmation budgétaire et financière Plan de développement de la Nova Republica (1985-90), I plan pluriannuel (1991-95) avec plans nationaux, régionaux, sectoriels et d’aménagement du territoire Art. 225 de la constitution

fédérale ;

Lois organiques des états et communes ;

Loi 7804/89 ;

Zonage écologico- économique ; fond national pour l’environnement ; Prodeagro, Planafloro, PNMA Conservation et

préservation des écosystèmes

1985 – 92

Mouvement écologiste et création de normes environnementales, en conflit avec les politiques sectorielles, d’infrastructure qui restent autonomes

Colonisation agraire ; Programme d’intégration ; Poloamazonia

Polonoroeste ;

Avantages fiscaux pour l’Amazonie (jusqu’en 1991) I, II et III plans nationaux de

développement (1970-72), (1975-79), (1980-85)

Système national d’unités de conservation (SNUC) ; Système de licence pour les activités polluantes (SLAP) ; Principe pollueur payeur ; Normes environnementales Conservation,

préservation compatible avec le développement

1973 – 85

Opposition ou accord entre les politiques Mécanismes et instruments Politiques de développement Mécanismes et instruments Politiques environnementales Période

Politiques visent le marché mondial Î conflit avec le secteur environnementaliste Couloirs multimodaux de transport, énergie et communication PPA 2000-03 et « Avança Brasil » (2000-07)

Axes nationaux d’intégration et de développement Système de suivi du déboisement et campagnes de sensibilisation Politique de contrôle des pollutions et du déboisement 2000 – 07

1ers résultats des accords entre les

secteurs de l’environnement, de la réforme agraire et de l’économie, critères environnementaux pour les projets et le financements et projet vert incluent des activités productives

Agenda environnemental de l’Incra Couloirs d’exportation I et II PPA (plans pluriannuels, 1991-95 et 1996-99) Programme « Brasil em ação » (1996-00) ; Agenda 21, PPG7, Proecotur, Pronabio, loi sur les crimes environnementaux (1998-99) Développement durable, couloirs écologiques, biomes et biorégions, nouveaux thèmes environnementaux 1992 – 99

Les projets de préservation se heurtent aux incitations fiscales ; Petits projets thématiques financés par le FNMA ; les grands financements comme Prodeagro, Planafloro, PNMA, même s’ils sont considérés comme verts sont en fait sectoriels Programmation budgétaire et financière Plan de développement de la Nova Republica (1985-90), I plan pluriannuel (1991-95) avec plans nationaux, régionaux, sectoriels et d’aménagement du territoire Art. 225 de la constitution

fédérale ;

Lois organiques des états et communes ;

Loi 7804/89 ;

Zonage écologico- économique ; fond national pour l’environnement ; Prodeagro, Planafloro, PNMA Conservation et

préservation des écosystèmes

1985 – 92

Mouvement écologiste et création de normes environnementales, en conflit avec les politiques sectorielles, d’infrastructure qui restent autonomes

Colonisation agraire ; Programme d’intégration ; Poloamazonia

Polonoroeste ;

Avantages fiscaux pour l’Amazonie (jusqu’en 1991) I, II et III plans nationaux de

développement (1970-72), (1975-79), (1980-85)

Système national d’unités de conservation (SNUC) ; Système de licence pour les activités polluantes (SLAP) ; Principe pollueur payeur ; Normes environnementales Conservation,

préservation compatible avec le développement

1973 – 85

Opposition ou accord entre les politiques Mécanismes et instruments Politiques de développement Mécanismes et instruments Politiques environnementales Période