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L A DÉFORESTATION EN A MAZONIE : C ONSÉQUENCE DE 30 ANS DE COLONISATION

1.2. L’Amazonie des routes : L’époque de la colonisation, de l’industrie et de l’agriculture

1.2.2.5 L A DÉFORESTATION EN A MAZONIE : C ONSÉQUENCE DE 30 ANS DE COLONISATION

Selon la FAO, le Brésil est recouvert à 65% de forêt, soit 5,51 millions km2, dont 90% se trouvent en Amazonie (Lele et al., 2000). La partie la plus visible de trente ans de colonisation et de pression anthropique est la déforestation. La déforestation a explosé avec l’usage de techniques modernes comme la tronçonneuse ou le bulldozer, qui permet de déforester de grandes surfaces en peu de temps. Avec une hache un homme défriche 1 ha en 36 à 48 jours, il met seulement 2 à 3 jours avec une tronçonneuse. Avec un bulldozer une équipe de 5 hommes défriche 40 ha en une journée. Enfin avec un avion qui répand du défoliant on arrive à défricher 200 ha en une journée37 (Droulers, 2004). Aujourd’hui la main- d’œuvre n’est plus un facteur limitant pour l’expansion de l’agriculture.

1.2.2.5.1. Définition et quantification

La déforestation est définie comme la destruction totale et définitive d’un ou plusieurs écosystèmes forestiers pour implanter d’autres modes d’utilisation des terres : agriculture, élevage, infrastructure (Mahar, 1989 ; Myers, 1992 ; Moran, 1993). Selon l’Instituto Nacional de Pesquisas Espaciais (INPE, 2002), en Amazonie brésilienne, la déforestation est passée de 10 millions hectares en 1970 à 60 millions d’hectares en 2000 (INPE, 2002)38. Ceci signifie que près de 15% de la forêt amazonienne brésilienne a été transformée en espace rural en trois décennies. L’Amazonie brésilienne détient le triste record des déforestations avec en moyenne 1,8 millions d’hectares déforestés par an (moyenne effectuée sur la période de 1988 à 2003). Cependant le taux annuel de déforestation de l’Amazonie brésilienne est encore modeste, la FAO l’estimant à 0,5%. Aussi, pour certains auteurs et de très nombreux brésiliens, l’Amazonie est un territoire grand et encore relativement peu affecté (Andersen et al., 2001). Pour d’autres, notamment dans les courants environnementalistes, un tel rythme est au contraire extrêmement alarmant, surtout qu’il ne diminue pas, bien au contraire. Ces questions se trouvent, depuis le milieu des années 1980, au centre de toutes les attentions mondiales (Hecht, 1982 ; Sioli, 1985 ; Fearnside, 1985, 1990, 2001 ; Laurance et al., 2001 ; Geist et Lambin, 2002).

37 Il faut bien reconnaître que cela est très rare.

1.2.2.5.2. Localisation des déforestations

Les données de l’Inpe sont la référence la plus utilisée au niveau national et elles montrent bien la présence d’un arc de déforestation (Pacheco, 2002). Selon Alves, 87% des déforestations se concentrent sur une bande de 25 km autour des fronts pionniers (Alves, 1997 ; 2002) (Carte 1.2 11). Cette frange traverse les états du Pará, du Mato Grosso, du Rondonia et de l’Acre. Depuis plus de 20 ans ce sont ces états qui déforestent le plus avec à leur tête, le Mato Grosso et le Pará qui concentrent plus de 60% des déforestations alors que l’Amazonas le plus grand des états ne représente que 5% des déforestations, mais pour combien de temps, tout laisse penser qu’il sera autant affecté ou plus que les autres États d’ici 5 à 10 ans (Figure 1.2 2). Pacheco montre bien le lien entre le taux de déforestation et la proximité des routes et des infrastructures financées par les politiques de colonisation. De 1997 à 1999, 95% des déforestations se trouvaient dans un périmètre de 0 à 100 km autour des principales routes (Becker, 2004). Ferraz (2001) et Mertens (2002) vont encore plus loin et mettent en relation l’importance de la déforestation avec le type des routes (piste en terre ou route asphaltée), l’état de développement du front pionnier (économie locale, intégration régionale, main d’œuvre, foncier, etc.) et les types de producteurs présents dans la région (agriculteurs familiaux, fazendeiros, éleveurs ou agriculture mécanisée). Nepstad et al. (2001) s’est aussi intéressé à ces phénomènes de voisinage et d’environnement économique sur l’importance des déforestations, pour résumer : plus les routes et les centres urbains sont importants et bien reliés au reste du pays, plus les déforestations sont importantes. Les phénomènes de spéculation et de concentration foncières suivent aussi cette même logique. La valeur d’une parcelle est plutôt liée à la capacité d’attirer des investisseurs privés ou publics plutôt qu’à sa qualité intrinsèque (Imbernon, 2000). Les déforestations se concentrent dans les régions déjà bien développées où le peuplement et l’économie sont stabilisées et bien intégrés au reste du pays. Sur la période 1997-1999, 55% des déforestations ont eu lieu dans des cellules déjà déforestées sur plus de 50% et seulement 15% des déforestations se situaient dans des cellules déforestées à moins de 20% (Becker, 2004).

Carte 1.2-11 : Arc de déforestation

Pourcentage de la surface de la commune défortesté de 2000 à 2002

Données Manquantes 5,3 % 3,3 % 1,7 % 0,7 % 0,2 % 0 % Arc de déforestation 0 500 1000 km

Pourcentage de la surface de la commune défortesté de 2000 à 2002

Données Manquantes 5,3 % 3,3 % 1,7 % 0,7 % 0,2 % 0 % Arc de déforestation 0 500 1000 km 0 500 1000 km

Données : Ibama (http://www2.ibama.gov.br/desmata/), 2004; réalisation Bonaudo

Figure 1.2-2 : Évolution de la déforestation annuelle en hectare par état de 1977 à 2003

0 5000 10000 15000 20000 25000 30000 77/88 88/89 89/90 90/91 91/92 92/94 94/95 95/96 96/97 97/98 98/99 99/00 00/01 01/02 02/03 S u rf a ces dé fo re st ée s (k m 2 )

Mato Grosso Para Rondonia Amazonas Maranhao Tocantins Roraima Acre Amapa

1.2.2.5.3. Les causes de la déforestation

La déforestation en Amazonie est donc dirigée par une demande de nouvelles terres agricoles plutôt que par la demande de bois d’œuvre comme en Asie ou la demande de bois de chauffe en Afrique. L’élevage extensif serait responsable de plus de 50% des surfaces ouvertes, suivi par l’agriculture itinérante responsable de 30 à 35% des ouvertures et enfin l’extraction sélective de bois ne représenterait que 10% des déforestations (Serrão, 1995). Cependant, dans un deuxième temps, la majorité des terres déforestées pour l’agriculture ou pour l’exploitation forestière sont réimplantées en pâturage. En fonction des sources, le pâturage couvrirait de 65 à 85% des terres agricoles, contre seulement 5% occupées par les cultures pérennes (Santana et al., 1997 ; IBGE/SIDRA, 2004). Le reste des surfaces déforestées, soit 10 à 30% seraient improductives. Fearnside et Barbosa (1998) estiment que près de 30% des terres déboisées ne seraient plus productives : 28% seraient recouverts de forêts secondaires issues de pâturages abandonnés après 1970 et 2% correspondraient à des pâturages dégradés. L’élevage bovin apparaît donc comme la principale source de la déforestation et la principale forme d’occupation des sols. L’exploitation forestière, même si elle est une source moindre de déforestation, a cependant un impact considérable sur les ressources ligneuses et est souvent à l’origine de l’ouverture d’axe de pénétration, favorisant l’installation d’agriculteurs.

Durant les deux premières décennies de la colonisation, on considère que les principaux acteurs brésiliens de la déforestation étaient les grands propriétaires, qui implantaient en pâturage leurs vastes ranches en s’appuyant sur des financements publics. Prés de 70% de la déforestation était attribuée aux grands propriétaires et seulement 30% à l’agriculture familiale. A la fin des années 1980 sans ressource financière, les fazendeiros n’ont pas agrandi leurs domaines et les déforestations se sont réduites (Fearnside, 1996). Les proportions se sont alors équilibrées entre agriculture familiale et fazendeiros. Depuis la fin de la décennie 1990, l’agriculture familiale prend de plus en plus de place, par une augmentation significative de la surface agricole moyenne au détriment de la surface forestière (Ferreira, 2001 ; Ludovino, 2002) et par une arrivée toujours soutenue de nouveaux migrants originaires des régions périphériques de l’Amazonie ou d’anciens fronts pionniers en voie de stabilisation. En 2000, le Ministère de l’environnement (MMA, 2001) a montré que les propriétés inférieures à 100 ha sont responsables de 54% des déboisements alors que les propriétés supérieures à 500 ha sont responsables de seulement 20% des déboisements. Ce résultat montre bien une inversion des rôles entre grands et petits propriétaires.

Pour Fearnside (1996), l’arrêt des aides à la déforestation en juin 1991 n’a pas eu d’effet, la baisse de la déforestation serait plus due aux mauvaises conditions économiques. Quand le taux d’investissement et la croissance économique ont été retrouvés, le taux de déforestation a de nouveau augmenté (Young, 1995). La déforestation est le résultat de la croissance économique et des migrations (Achard et al., 1998) avec abattage sélectif et intensif, agriculture itinérante, agriculture périurbaine, agriculture de rente, élevage extensif, expansion d’activité économique non agricole (industrie, tourisme), exploitation de ressources non renouvelables, infrastructures, ou encore la spéculation foncière. Bref, les causes de déforestation sont multiples39, les impacts de chaque acteur varient en fonction des régions et des époques (Walker et al., 2000 ; Pacheco, 2002 ; Piketty, 2003).

39 Piketty (2003) reprend dans son rapport la classification des agents et des causes directes et indirectes de la

déforestation de Kaimowitz et Angelsen (1998). Ce rapport met bien en évidence la multiplicité et la complexité des facteurs influençant la déforestation, on peut citer parmi les plus importants, les conditions de marché agricole, l’accès à ce marché, la densité de population et les migrations, les sauts technologique, etc.

Chapitre 2.

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