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Chapitre II : sources chrétiennes : le paradis et l’eschatologie dans le

IV. L’au-delà et l’eschatologie chrétienne

4.1. Le Christ médiateur du salut dans l’eschatologie chrétienne

Contrairement à l’Ancien Testament centré sur la manifestation ultime de Dieu, l’originalité de l’eschatologie du Nouveau Testament porte sur la présence de la personne même du Christ1. Toutefois, les conceptions eschatologiques du Nouveau Testament ne diffèrent pas essentiellement de celles qui ont cours chez les juifs palestiniens, elles n’en sont que le développement. Dans les descriptions postérieures de la résurrection et du jugement, l’époque en est reportée au deuxième avènement du Messie, désigné par le terme de Parousie2. Le christianisme adopte une doctrine ferme quant au jugement dernier et à la

fin du monde, mais elle est aussi très progressive. La révélation ne précise pas la date de ce retour du Christ mais elle parle des signes avant-coureurs qui résonnent comme un appel à la vigilance. Parmi eux citons la prédication de la Bonne Nouvelle dans le monde entier, les tourments et les tribulations de l’Église ; le chaos de la création et la conversion des juifs comme l’exprime saint Paul, l’apostasie et l’arrivée de l’Antichrist3 qui prend une place prépondérante dans le christianisme. La Parousie parachève la victoire finale du Christ4. L’événement eschatologique a donc un double aspect : un aspect douloureux, redoutable, et un aspect plein d’espérance et de libération5. Mais nous allons le voir de près dans les textes écrits.

1 CASPAR. R., « Eschatologie », Dictionnaire des religions, p. 627.

2 Terme grec, signifie présence ou venue. En théologie, il est employé pour faire allusion au glorieux retour du Christ à la fin de tous les temps. Saint Paul introduit cette expression dans le christianisme en l’empruntant au monde hellénique. Cf. Justo-Luis R. ; Jorge Molinero, L’au-delà : initiation à l’eschatologie, p. 37.

3 Saint Jean dans ses épîtres le définit par son mensonge (cf. 1 Jn, 2, 22). Mais dans l’Apocalypse, pour désigner l’Antichrist, il utilise une imagerie distinguant plusieurs personnages : le Dragon ou Satan et la Bête multiforme. Par contre saint Paul, dans ses lettres aux Thessaloniciens, se sert du terme impie pour nommer l’Antichrist. Cf. DE LAUBIER, P., Quand l’histoire a un sens, Paris, Salvator, 2009, p. 146 -148.

4 JUSTO-LUIS R., MOLINERO, J., L’au-delà : initiation à l’eschatologie, p. 43.

4.1.1. La Parousie dans les textes du Nouveau Testament

Le Nouveau Testament confirme l’enseignement de l’Ancien Testament et assure que lors de l’accomplissement ultime, le Messie revient en gloire pour inaugurer la phase finale de ce royaume et l’achèvement de l’histoire du salut dans un monde renouvelé. C'est alors seulement que prend fin l’ordre des choses actuelles et que commence l’ordre des choses à venir. Ces deux ordres sont séparés par une journée terrible, remplie de prodiges effrayants et inouïs1 : « Il y aura de grands tremblements de terre et, par endroits, des pestes et des famines ; il y aura aussi des phénomènes terribles et, venant du ciel, de grands signes » (Lc 21,11). L’ébranlement du ciel et de la terre annonce la venue dans la gloire du Juge des nations, le Christ : « Aussitôt après les tribulations de ces jours-là, le soleil s’obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors apparaîtra dans le ciel le signe du Fils de l’homme » (Mt 24,29-30). L’Apocalypse de Jean comporte maints éléments eschatologiques. Elle suggère un déroulement des derniers temps en évoquant les étapes et les acteurs qui concrétisent et dramatisent l’eschatologie2. Elle donne une description très imagée de cet instant décisif pour tout homme3 : « Lorsqu’il [Agneau] ouvrit le sixième sceau, alors il se fit un violent tremblement de terre, et le soleil devint noir comme une étoffe de crin, et la lune devint toute entière comme du sang, et les astres du ciel s’abattirent sur la terre comme les figures avortées que projette un figuier tordu par la tempête, et le ciel disparut comme un livre qu’on roule, et les monts et les îles s’arrachèrent de leur place » (Ap 6,12-14). Pour l’apôtre Jean, c’est la dernière heure : « Petits enfants, voici venue la dernière heure. Vous avez ouï dire que l’Antichrist doit venir ; et déjà maintenant beaucoup d’antichrists sont survenus : à quoi nous reconnaissons que la dernière heure est là » (1 Jn 2,18). Cette heure correspond aussi à la manifestation de Dieu ; elle est considérée comme une épreuve et comme une délivrance4. Aux chapitres 19-21 de son évangile, Jean insiste sur l’anéantissement des puissances de ce monde et évoque le rétablissement de la Jérusalem céleste destinée aux élus. Jésus parle de la chute de la ville sainte et des événements eschatologiques (Mt 24 et

1 PIGARD, E., « Eschatologie », Encyclopédie des sciences religieuses, sous la direction de F. Lichtenberger, t. IV, Paris, Saint-Germain – Imprimerie D. Bardin, 1878, p. 489.

2 DE LAUBIER, P., Quand l’histoire a un sens, p. 48.

3 CASPAR. R., « Eschatologie », Dictionnaire des religions, p. 707-712.

25, Mc13, Lc 21). D’après la deuxième épître de Pierre (2 Pr 3,1-18), il s’agit du dernier jour, car le jugement de Dieu indique la fin des temps.

Comme dans le judaïsme, la résurrection collective est une annonce significative de la venue du Jour du Seigneur. La foi en la résurrection du Christ est la preuve par excellence de la Résurrection finale1. Les épîtres pauliniennes montrent une évolution de la pensée en ce qui concerne l’eschatologie. Saint Paul tend à reporter vers le passé le centre de l’eschatologie qui est la résurrection du Christ, mais il insiste sur l’espérance chrétienne qui n’est pleinement comblée que lors de la résurrection des corps. Par cette évolution de sa pensée, il suit le mouvement qui va de l’eschatologie juive, eschatologie d’attente, à l’eschatologie chrétienne, eschatologie de la réalisation : « Mais Dieu qui est riche en miséricorde, à cause du grand amour dont Il nous a aimés, alors que nous étions morts par suite de nos fautes, nous a fait revivre avec le Christ – c’est par grâce que vous êtes sauvés ! –, avec lui Il nous a ressuscités et fait asseoir aux cieux, dans le Christ Jésus » (Ep 2,4-6). Cette réalisation de l’eschatologie est marquée par une lutte : « Alors l’Impie se révélera et le Seigneur le fera disparaître par le souffle de sa bouche, l’anéantira par la manifestation de sa Venue » (2 Th 2,8), qui aura lieu avant la Parousie : « Puis ce sera la fin lorsqu’Il remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance » (1 Co 15,24)2.

Le rassemblement de tous les hommes lors du jugement se fait au moyen de la trompette. L’Évangile de saint Jean parle de la voix : « N’en soyez pas étonnés, car elle vient, l’heure où tous ceux qui sont dans les tombeaux entendront sa voix et sortiront : ceux qui auront fait le bien pour une résurrection de vie, ceux qui auront fait le mal, pour une résurrection de jugement » (Jn 5,28-29). Mais dans son Apocalypse, il souligne que les six premières trompettes actionnées par les anges laissent entrevoir des catastrophes mais la septième inaugure la vie des bienheureux au ciel. Enfin, saint Paul écrit dans ses épîtres que la trompette sonne et les morts ressuscitent3 : « En un instant, en un clin d’œil, au son de la trompette finale, car elle sonnera, la trompette, et les morts ressusciteront incorruptibles, et nous, nous serons transformés » (1 Cor 15,52 et 1 Th 4,16). Des anges sont présents au jour du jugement en tant que témoins des actions des hommes et comme accusateurs : « Voici : le Seigneur est venu avec des saintes myriades, afin d’exercer le jugement contre tous et de 1 Ibid., p. 713-714.

2 GALOT, J., « Eschatologie », Dictionnaire de spiritualité, col. 1036 -1037.

confondre tous les impies pour toutes les œuvres qu’ils ont commises, pour toutes les paroles dures qu’ont proférées contre lui les pécheurs impies » (Jude14-15 cite Hénoch

l’éthiopien 1,9). Éphrem et Cyrille d’Alexandrie insistent à leur tour sur le rôle attribué aux

anges. Hippolyte affirme qu’au jour du jugement, les hommes, les anges et les démons témoignent tous par ces mots « Juste est ta sentence »1. Quant à la pesée des actes, elle s’effectue par la balance de la justice qui évalue les actions des hommes inscrites dans les livres. L’Apocalypse de Jean cite les différentes sortes de livres où sont consignées les actions humaines : « Et je vis les morts, grands et petits, debout devant le trône ; on ouvrit les livres, puis un autre livre, celui de la vie ; alors, les morts furent jugés d’après le contenu des livres, chacun selon ses œuvres » (Ap 20,12). Saint Augustin, commentant ce passage de l’Apocalypse dans les chapitres XIV et XX du livre X de la Cité de Dieu, explique qu’il n’y a pas un livre pour tous, mais un livre pour chacun. Dans la liturgie latine, la séquence de la Messe des Morts dit qu’un livre contenant toute chose est présenté au jour du jugement2. Des tableaux identiques se trouvent chez certains Pères de l’Église et dans les écrits apocryphes. Plus sobrement, du IIIe au Ve siècle, les Pères de l’Église élaborent avec hésitation les grandes lignes de l’eschatologie3.

4.1.2. La Parousie dans les textes des écrivains et des théologiens chrétiens

Le début du IIe siècle de l’ère chrétienne est marqué par l’attente d’une Parousie imminente, mais le retard de celle-ci entraîne une déception et crée des problèmes. Pour y remédier, les premiers chrétiens remplacent la croyance dans cette venue toute proche par la théorie millénariste4. Jean Delumeau retrace les développements du millénarisme au cours des siècles. Il montre comment, sur la base de l’Apocalypse de saint Jean, chapitre 20 1-15, va naître le millénarisme avec toutes ses nuances chez plusieurs auteurs chrétiens tels le Pseudo-Barnabé, un auteur inconnu, et Papias5. Leurs écrits sont conservés par saint Irénée et Eusèbe de Césarée. Au Pseudo-Barnabé et à Papias, succède Justin vers 165. Tous

1 Ibid., p. 720.

2 MASSON, D., Le Coran et la révélation judéo-chrétienne. Études comparées, p. 733-743.

3 Ibid., p. 698.

4 GALOT, J., « Eschatologie », Dictionnaire de spiritualité, col. 1036 -1037.

ces auteurs croient à l’existence d’un itinéraire qui consiste d’abord en un séjour de mille ans dans un lieu d’attente sur une terre rénovée, puis au passage à une vie angélique définitive dans la Jérusalem céleste. Justin et Irénée jugent hérétiques ceux qui n’admettent pas cette série d’étapes dans l’acheminement des justes vers la cité céleste1. Tertullien, influencé par Irénée, affirme dans le Contre Marcion qu’« Un royaume nous a été promis sur terre, mais avant le ciel, mais dans un autre état, parce que venant après la résurrection, pour mille ans, dans une cité produite par l’œuvre divine, la Jérusalem descendue du ciel »2. Malgré la condamnation du millénarisme par Origène au IIIe siècle, il se maintient chez certains penseurs chrétiens dont saint Hippolyte (†235) et surtout Lactance vers 260-325. Ce denier considère que le denier jour est proche et que le terme de dix mille ans utilisé dans l’Apocalypse de Jean au chapitre 20 va se réaliser. Mais, à partir de saint Augustin, le millénarisme va être marginalisé dans l’Église. À la fin du Ve siècle, le décret de Gélase conserve l’Apocalypse parmi les écrits canoniques, tout en refusant la lecture littérale du chapitre 20 et ses interprétations millénaristes par Tertullien et Lactance. L’Église officielle rejette l’annonce de ce règne de mille ans. Toutefois, l’idée d’un royaume millénariste continue de survivre de façon latente jusqu’au Xe siècle pour réapparaître ensuite plus ouvertement3.

Les premiers chrétiens affirment que la résurrection du Christ est la réponse décisive à tous les doutes que peut faire naître le retard de la Parousie. Clément de Rome et davantage encore Ignace d’Antioche, tout comme saint Paul, situent la résurrection du Christ au centre de l’histoire. Elle devient la véritable eschatologie inaugurée déjà mais en marche vers l’avenir. L’accomplissement de l’eschatologie par le Christ suscite des opinions diversifiées tant chez les théologiens protestants que chez les catholiques. Jean Galot, dans son article sur l’eschatologie4, présente d’une manière résumée les conceptions protestantes et catholiques concernant ce sujet. Il traite d’abord les thèses eschatologiques présentées par Albert Schweitzer dont les vues se trouvent chez Alfred Loisy, une des grandes figures du modernisme, et chez Maurice Goguel, un théologien protestant, selon lesquels le discours du Christ sur l’eschatologie est influencé par son milieu. De ce fait, ils critiquent son enseignement comme erroné car le Christ partage l’attente de l’apocalypse juive, qui place 1 DELUMEAU, J., Une histoire de paradis, Mille ans de bonheur, t. II, Fayard, Paris, 1995, p. 24-26

2 TERTULIEN, Contre Marcion, t. III, « Sources chrétiennes », N° 399, Paris, Éd. du Cerf, 1994, p. 205.

3 DELUMEAU, J., Une histoire de paradis, Mille ans de bonheur, p. 26-32.

la fin des temps dans un avenir très proche. Albert Schweitzer distingue entre la foi qui pense et qui se demande si l’on n’est pas déjà entré dans l’ère surnaturelle, et la foi naïve qui vit dans l’attente du royaume messianique. Jésus lui-même est supposé appartenir à cette dernière catégorie, et son attente de la fin imminente semble démentie par l’histoire. Pour Schweitzer, l’événement de la croix est déjà une catastrophe eschatologique qui met fin à toute attente apocalyptique. Le seul regard que l’on puisse porter sur l’avenir repose sur ce qu’il nomme « l’eschatologie conséquente ».

Par contre, d’autres théologiens, surtout les théologiens de langue allemande, donnent à l’eschatologie son importance et sa valeur en la concevant d’une manière intemporelle ou supratemporelle. Pour Karl Barth, théologien réformé, l’eschatologie n’est pas encore entrée dans l’histoire humaine. La possession de la vie éternelle est renvoyée dans un futur qui dépend entièrement de la décision du Christ. Plus radicale est la pensée de Rudolf Bultmann qui considère les représentations eschatologiques du Nouveau Testament, comme commandées par la mythologie de l’apocalypse juive et combinée avec le mythe gnostique de la rédemption. Selon lui, l’eschatologie se réduit à la présence actuelle du Christ et de sa parole dans l’histoire. Moins guidé par des préjugés métaphysiques et plus proche des textes évangéliques est le théologien anglican Charles Harold Dodd, le premier à employer le terme de « l’eschatologie réalisée » pour signifier que l’eschatologie est entrée dans l’histoire grâce à la venue du Christ et qu’elle se réalise à travers sa mission. Il critique le système de l’« eschatologie conséquente » et il affirme que ses déclarations sont propres à Jésus et qu’elles n’ont rien de commun avec la doctrine et les prières juives de l’époque. Ces mêmes idées se retrouvent chez d’autres théologiens protestants tel que Werner Georg Kümmel qui donne plus de valeur à la période post-évangélique. En s’appuyant sur les synoptiques il explique comment l’avenir s’accomplit déjà en Jésus, tout en demeurant l’objet d’une attente. Dans la même ligne, Oscar Cullmann, théologien et exégète luthérien, considère que le centre du temps ne se situe plus dans l’avenir, comme il l’est dans la perspective juive, mais dans le passé. La théorie de Cullmann est beaucoup plus satisfaisante que les systèmes précédents : elle reconnaît dans la venue du Christ un accomplissement de l’eschatologie, lui accorde une place centrale, décisive, dans l’histoire du salut, et cependant maintient l’attente de la Parousie. Du côté catholique, les textes eschatologiques font l’objet d’interprétations diverses et des tendances divergentes y existent également. La position catholique peut être désignée sous le nom d’« eschatologie

commencée », autrement dit ni « réalisée » ni « conséquente », mais entre les deux : « déjà-là et pas encore ». Mollat souligne que le Christ n’annonce pas seulement le jugement et le règne, mais qu’il les inaugure, ce qui implique un commencement des derniers temps. Donc, par le Christ, l’eschatologie entre dans l’histoire et commence de se réaliser1.

4.2. La définition des demeures de l’au-delà par les Pères de l’Église et les

penseurs chrétiens

4.2.1. Le paradis

Malgré toutes les études et tant de recherches effectuées à travers les siècles, les mêmes interrogations demeurent : qu’est ce que le paradis ? Comment s’en approcher ? Peut-on le situer avec précision ? Ce sont ces questions qui ont préoccupé les écrivains chrétiens et que nous allons à notre tour creuser.

4.2.1.1. La notion de paradis

Les premières générations chrétiennes maintiennent au paradis la même signification que les juifs. Certains auteurs chrétiens sont persuadés de la réalité actuelle du paradis terrestre. Telle est la conviction de Théophile d’Antioche : l’homme est rappelé dans ce même paradis d’où il est chassé, après la résurrection et le jugement1. Lactance est de ceux qui prennent au sens littéral le texte de la Genèse sur le paradis terrestre et y voient l’évocation d’un lieu réel. Selon lui, « le Paradis fut entouré d’un mur de feu, afin que l’homme ne pût y accéder, jusqu’au jour où il Dieu! organiserait un jugement sur la terre, et où, une fois la mort détruite, il appellerait en ce même lieu les hommes justes qui lui auraient rendu un culte comme l’enseignent les paroles sacrées »2. D’après saint Hippolyte de Rome, le jugement dernier s’accomplit dans l’enceinte de ce paradis3. Isidore de Séville se demande si le paradis n’est pas simplement la vie immortelle, ou si la terre entière n’est pas l’Éden dont la faute de l’homme a amoindri la splendeur4.

D’autres auteurs sont d’avis qu’on doit entendre au sens figuré la description du jardin d’Éden offerte par la Genèse. Tel Philon d’Alexandrie, qui donne une signification allégorique de l’Éden. « Croire qu’il s’agit de vignes, d’oliviers, de pommiers, de grenadiers ou d’arbres de ce genre, c’est une grande naïveté, difficilement curable »5. Ou 1 THEOPHILE, Trois livres à Autolycus, Liv., II, ch. XXVI, Paris, « Sources chrétiennes », N° 20, Éd. du Cerf, 1948, p. 165.

2 LACTANCE, Institutions divines, II, « Sources chrétiennes », N° 337, Paris, Éd. du Cerf, 1987, p. 175-177.

3 HIPPOLYTE DE ROME, De Christo et Antichristo, n. LIV, P. G., t. X, col. 783.

4 ISIDORE DE SEVILLE, De ordine creationis, c. X, P. L., t. LXXXIII, col. 938.

encore : « au sens littéral, le Paradis n’a nullement besoin d’explication, en effet, c’est un endroit touffu, rempli de toute espèce d’arbres. Mais au sens symbolique, il est la sagesse, science du divin et de l’humain et de leurs causes »1. Origène suit en cela Philon dans ses explications allégoriques. Il rapporte dans son Traité des principes : « Qui sera assez sot pour penser que, comme un homme qui est agriculteur, Dieu a planté un jardin en Éden du côté de l’orient et a fait dans ce jardin un arbre de vie visible et sensible, de sorte que celui qui a goûté de son fruit avec des dents corporelles reçoive la vie ? »2. Mais ceux qui, comme Philon ou Origène préconisent une lecture allégorique de la Genèse sont peu nombreux face aux inconditionnels de la lecture littérale. Prenons l’exemple d’Épiphane de Salamine3, il demande de prendre au pied de la lettre le récit de la Genèse et dénonce tous ceux qui, en la commentant, parlent d’allégorie. Il attaque surtout les interprétations d’Origène. Partisans d’une lecture littérale ou d’une lecture allégorique alternent au fil des siècles4.

À partir du Vesiècle, semble-t-il, on commence à donner une autre signification au