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L’intérêt de l’ophioboline A dans le traitement du glioblastome

Dans le document Faculté de Pharmacie (Page 167-170)

L’ophioboline A est un sesterterpénoïde isolé du champignon Drechslera gigantea. Tout d’abord, nous avons montré à l’aide du test colorimétrique MTT que l’activité inhibitrice de croissance in vitro de cette molécule n’était pas dépendante du degré de sensibilité ou de résistance à l’apoptose des cellules gliales tumorales. Nous avons également mis en évidence par ce test que les effets antiprolifératifs in vitro de l’ophioboline A ne dépendaient pas de mécanismes de résistance multi-drogue. Plus précisément, les cellules cancéreuses surexprimant les principaux transporteurs ABC à savoir P-gp, MRP1 et BCRP, se sont comportés en termes de croissance exactement comme les cellules chimiosensibles face à l’ophioboline A. Ensuite, nous avons observé que les changements d’organisation du cytosquelette d’actine et l’augmentation de la concentration intracellulaire en calcium induits par l’ophioboline A étaient corrélés à la diminution de la migration quantifiée par vidéomicroscopie. Cette technique a aussi révélé que l’ophioboline A avait des effets cytotoxiques sur les cellules de glioblastome. Nous avons ensuite démontré que l'ophioboline A induisait la mort de ces cellules par une mort non-apoptotique, la paraptose. Et pour finir, nous avons identifié le canal ionique BKCa comme cible de l’ophioboline A. Par contre, comme pour la fusicoccine A et la kinase FAK, nous n’avons pas étudié précisément les interactions de l’ophioboline A avec BKCa. Weaver et ses collaborateurs ont montré que l’ibériotoxine, qui est une toxine peptidique isolée du venin de scorpion Buthus tamulus

bloquant spécifiquement les canaux BKCa, diminue la prolifération des cellules de gliome en augmentant le pourcentage de cellules en phase S du cycle cellulaire avant d’induire la mort de ces cellules (Candia et coll., 1992 ; Weaver et coll., 2006). L’ibériotoxine se fixe sur la

partie externe du canal et empêche par encombrement stérique le passage des ions potassium (Candia et coll., 1992). Les canaux BKCa sont constitués d’un tétramère d’isoformes de la sous-unité α pouvant être chacune complexée à une sous-unité β. La sous-unité α ubiquitaire, codée par le gène hslo pour human slowpoke, possède les sites régulateurs de l’activité de BKCa et forme le pore ionique. Il existe quatre types de sous-unités β (β1-4) dont la distribution est spécifique à certains types cellulaires. Ces sous-unités β peuvent moduler la fixation de certaines toxines (Kaczorowski et coll., 1996 ; Orio et coll., 2002). Même si les effets de l’ibériotoxine sont similaires à ceux que nous avons obtenus avec l’ophioboline A sur les cellules de gliome, le mode d’action de l’ophioboline A ne semble pas être le même que celui de cette toxine comme l’indique nos résultats préliminaires. En effet, lorsque nous avons testé l’ophioboline A sur des cellules de rein embryonnaire humain HEK293T exprimant seulement la sous-unité α, nous n’avons pas observé une diminution de l’activité du canal BKCa. Ceci suggère qu’une ou plusieurs sous-unités β seraient impliquées dans le mécanisme d’action de l’ophioboline A. Ces sous-unités β pourraient contribuer à stabiliser la liaison de l’ophioboline A au canal BKCa par une interaction directe avec la molécule ou par un effet allostérique sur la sous-unité α. McManus et ses collaborateurs ont déjà montré que l’activité agoniste de la déhydrosoyasaponine I, un triterpène glycosylé, nécessite la présence de la sous-unité β alors que le site de fixation se trouve sur la sous-unité α. Plus précisément, la sous-unité β2 modifie la pharmacologie du canal BKCa en augmentant son affinité par rapport à un canal formé de sous-unités α uniquement (McManus et coll., 1993 et 1995 ; Wallner et coll., 1999). Vu qu’actuellement seule la structure de la sous-unité α du canal BKCa est cristallisée, nous ne pouvons pas utiliser le docking moléculaire afin d’étudier de manière plus approfondie le mécanisme d’action de l’ophioboline A (Wu et coll., 2010 ; Yuan et coll., 2010). Par contre, nous pourrions analyser l’expression des sous-unités α et β dans les différentes lignées de gliome utilisées dans ce travail par RT-PCR. En fonction des résultats obtenus, nous pourrions utiliser des siRNA dirigés contre les sous-unités β exprimées afin de tester les effets anticancéreux de l’ophioboline A dans ces cellules gliales tumorales déficientes pour l’une ou l’autre des sous-unités du canal BKCa.

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Le canal ionique BKCa est une cible d’intérêt pour le traitement des

glioblastomes.

Le canal ionique BKCa est le principal canal potassique exprimé dans les cellules gliales tumorales (Weaver et coll., 2006). De plus, l’évaluation des tissus prélevés par biopsie chez des patients atteints de gliome de haut grade a révélé une surexpression de ce canal dans ces tumeurs (Weaver et coll., 2006). Il a été démontré que ce canal BKCa avait un rôle dans la prolifération et la migration des gliomes diffus mais également qu’il pouvait être impliqué dans la paraptose (Weaver et coll., 2006 ; Hoa et coll., 2007 ; Sontheimer, 2008). En intervenant dans ces différents processus cellulaires, il constitue une cible d’intérêt pour le traitement des glioblastomes.

Le rôle du canal BKCa dans la migration des cellules gliales tumorales a été mis en avant par Sontheimer : suite à une augmentation de calcium, les canaux potassiques BKCa et les canaux chlorures ClC-3 seraient activés (Sontheimer, 2008). Les efflux de K+ et de Cl -conduiraient à la sortie de molécules d’eau par osmose. Le volume ainsi diminué de la cellule faciliterait ensuite la migration des cellules dans le parenchyme cérébral (Sontheimer, 2008). La chlorotoxine, qui est une toxine peptidique extraite du venin de scorpion Leiurus quinquestriatus, est capable de diminuer la migration des gliomes en bloquant les canaux ClC-3 (Yin et coll., 2007). Les effets de cette molécule ont été testés en essais cliniques de phase I sur des patients atteints de gliomes récurrents. Les résultats ont montré que la chlorotoxine était spécifique au tissu glial tumoral, bien tolérée et pouvait avoir un effet anti-tumoral (Mamelak et coll., 2006 ; Yin et coll., 2007). Le fait que cette molécule soit actuellement en phase II clinique est encourageant et montre le potentiel des inhibiteurs des canaux ioniques dans le traitement des glioblastomes.

Hoa et ses collaborateurs ont démontré que la paraptose pouvait être liée aux modifications de l’activité du canal BKCa (Hoa et coll., 2007). En effet, ces auteurs ont émis l’hypothèse selon laquelle lorsque les canaux BKCa étaient activés, ils entraineraient un efflux d’ions potassium hors de la cellule et des organites comme les mitochondries et le réticulum endoplasmique. Afin de maintenir l’électroneutralité, des ions sodium entreraient dans les différents compartiments. Ces mouvements ioniques s’accompagneraient d’une entrée d’eau, entrainant la dilatation des cellules et la formation de vacuoles cytoplasmiques dérivées des

organelles, spécifiques de la paraptose (Hoa et coll., 2007). Dans notre travail, le mécanisme proposé par lequel l’ophioboline A induirait la mort des cellules de glioblastome par paraptose est différent. Nous avons suggéré que la fermeture des canaux BKCa au niveau de la membrane, du réticulum endoplasmique et des mitochondries induite par l’ophioboline A empêcherait l’expulsion des ions potassium. La rétention de ces ions conduirait rapidement à une augmentation de l’eau dans les différents compartiments afin de maintenir l’homéostasie cellulaire, entrainant la dilatation des cellules et la formation de vacuoles cytoplasmiques. Dans un premier temps, les cellules expulseraient ces vacuoles par exocytose. Ensuite, la dépolarisation consécutive de la membrane entrainerait probablement l’activation des canaux calciques dépendants du voltage de type L qui vont augmenter progressivement la concentration intracellulaire en calcium. Le co-assemblage de ces canaux avec BKCa a été démontré dans le cerveau de rat (Grunnet et Kaufmann, 2004). L’augmentation de la concentration intracellulaire en calcium pourrait également s’expliquer par le fait que les organelles pour maintenir leur propre homéostasie activeraient les récepteurs de la ryanodine ou de l’IP3 (inositol 1,4,5-triphosphate) (Calenda et coll., 2011). Une augmentation à long-terme de la concentration du calcium et des électrolytes pourrait être la cause de la mort par paraptose des cellules de glioblastome observée dans ce travail.

III. Perspectives de développement de la fusicoccine A et de

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