• Aucun résultat trouvé

L’intégration sociale et professionnelle du personnel enseignant de migration récente

2.1 L’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

2.1.2 L’intégration sociale et professionnelle du personnel enseignant de migration récente

Les EMR s’insèrent dans des contextes scolaires et culturels nouveaux. En effet, ils viennent de pays qui ont des cultures et des systèmes d’enseignement différents de ceux de la société québécoise. Ils sont comme des débutants dans le système scolaire québécois d’autant plus qu’ils ne maîtrisent ni la culture québécoise, ni le système scolaire, ni les modèles d’enseignement en usage au Québec. Comme l’indique Vallerand et Martineau (2006), «ils doivent passer par tout un processus d’adaptation, afin de parvenir à devenir des enseignants efficaces dans le contexte québécois» (p. 1).

Au plan professionnel, ils doivent non seulement appliquer l’approche d’enseignement en usage au Québec, mais aussi préparer leur enseignement en fonction des finalités de l’école québécoise. Or, comme l’indiquent Vallerand et Martineau (2006), passer d’un système d’enseignement à un autre demande une grande capacité d’adaptation. En effet, les enseignantes et enseignants immigrants peuvent être influencés par les approches d’enseignement de leurs pays d’origine alors qu’elles peuvent ne pas être compatibles avec celles de la société d’accueil. C’est ce qu’observent les auteurs:

Au Canada et au Québec où l’approche socioconstructiviste de l’éducation est très répandue, l’enseignement est davantage centré sur l’enfant et l’on privilégie une construction conjointe du savoir par l’enseignant et les élèves à travers l’interaction avec les pairs. D’autres pays ont une approche plus traditionnelle, où l’enseignement magistral dirigé par l’enseignant occupe une large part et où la mémorisation et le savoir livresque sont très importants. (p. 2)

Ce passage d’un modèle d’enseignement traditionnel vers un modèle centré sur l’apprenant modifie les rapports au savoir des enseignants (Maury et Caillot, 2003). Les EMR doivent non seulement modifier leurs rapports à la matière et aux outils d’enseignement, mais aussi leurs rapports aux apprenants. Ayant déjà développé des automatismes vis-à-vis de leurs anciennes pratiques, la transition entre les deux approches peut comporter d’énormes défis d’adaptation. Malgré leur longue expérience, «la réalité de l’école québécoise exige de leur part de nouveaux apprentissages» (Lépine, 2009, p.2). Ils doivent apprendre la signification des choses dans le nouvel espace professionnel, changer leurs anciennes pratiques pour adopter les nouvelles. Cela peut s’avérer difficile pour un nouvel arrivant qui ne maîtrise pas encore le système scolaire québécois et le nouveau milieu dans lequel il doit s’intégrer. Selon Bridges (2006), l’individu peut se sentir désorienté face aux nouvelles façons de faire d’autant plus que les anciennes habitudes qui lui servaient de guide sont bien ancrées. Selon cet auteur, une personne en situation de transition peut se retrouver dans un état de «confusion» et avoir un sentiment de «perte de repères». Devant les nouvelles exigences du métier, ces EMR peuvent aussi vivre un état de confusion et un sentiment de perte de repères qui, en conséquence, peuvent générer un sentiment d’incompétence pédagogique. Ainsi, ces EMR «auront besoin d’un soutien continu et personnalisé afin de développer rapidement les connaissances et les compétences nécessaires pour bien ‘lire les situations’» (Martineau et Ndoreraho, 2006, p.6).

Au plan institutionnel, les EMR intègrent un nouveau milieu scolaire ayant une culture et une organisation autres que ce à quoi elles ou ils étaient habitués. Les

EMR doivent s’imprégner de cette culture non seulement pour une bonne intégration dans le milieu, mais aussi pour travailler en harmonie avec les règles régissant le fonctionnement de l’école. Elles ou ils intègrent ainsi une communauté. Comme, dans leur quotidien, les EMR doivent interagir avec les élèves, les collègues, le personnel de direction et les parents d’élèves et qu’elles ou ils sont porteurs d’une culture différente de celles des autres membres de la communauté, la communication peut comporter des défis. En effet, certains auteurs comme Bidou-Houbaine (2005); Camilleri et Cohen Émerique (1989) et Muhammad (2005) posent que la rencontre entre deux personnes de cultures différentes est souvent source de malentendus, d’incompréhension et de coupure de communication. Cela peut affecter leurs relations. Or, pour réussir leur intégration tant au plan professionnel que social, les EMR ont besoin de collègues qui les aident non seulement dans la préparation des cours, mais aussi qui leur apprennent la culture québécoise et celle de l’école en particulier. Ils ont aussi besoin de collaborer avec la direction et les parents pour le suivi des élèves. Il appert que les difficultés de communication entre l’enseignante ou l’enseignant de migration récente et le reste de la communauté peuvent nuire à son intégration sociale et professionnelle.

Qui plus est, au Québec, les enseignantes et enseignants sont appelés à jouer un rôle de passeur culturel (Gouvernement du Québec, 2001). De ce fait, ils doivent avoir des compétences culturelles et linguistiques pour être capables d’orienter «les apprentissages et le rapport au savoir des élèves dans une certaine direction» (Desaulniers et Jutras, 2007, p.137). On peut alors penser que, dans certains cas, des lacunes dans la maîtrise de la culture québécoise et de la langue d’enseignement peuvent nuire à l’intégration socioprofessionnelle des enseignantes EMR.

Afin de faciliter l’intégration sociale et professionnelle du personnel enseignant immigré depuis moins de trois ans au Québec, la commission scolaire (CS) de Laval leur offre trois formations d’une demi-journée chacune (CNIP, 2008). Ces enseignantes et enseignants reçoivent d’abord une formation sur l’interculturel

dans le but de favoriser leur transition socioculturelle. Ensuite, elles ou ils sont informés de la réalité de l’école (les caractéristiques de la culture de l’école, le contexte multiculturel de l’enseignement) et de la jeunesse québécoise. Enfin, ils ou elles reçoivent une formation pratique sur les compétences à développer en matière de discipline des élèves, de gestion de la classe et d’apprentissage centré sur l’apprenant. En plus de ces formations, ces enseignantes et enseignants bénéficient, comme tous les autres enseignants et enseignantes débutants de cette CS, d’une trousse d’accueil et de l’accompagnement par un mentor. Toutefois, aucune recherche n’a été faite auprès de ces enseignantes et enseignants pour évaluer la portée des formations et des services offerts quant à la réussite de leur IP. Soulignons qu’on ne retrace pas d’écrits sur ce qui se fait à l’égard de personnel enseignant de migration récente dans les autres commissions scolaires.

Nous venons de montrer qu’un nombre assez important d’enseignantes et enseignants de migration récente accèdent à l’emploi dans les commissions scolaires au Québec et qu’ils peuvent faire face à de multiples défis d’insertion au niveau institutionnel et professionnel. Mais, il n’existe pas de connaissances sur la situation de leur insertion dans le milieu scolaire. Que nous apprennent les écrits sur la situation de l’IP du personnel enseignant immigrant dans les autres provinces canadiennes et ailleurs en Occident?

2.2 La recension des écrits sur l’IP du personnel enseignant immigrant au