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L’accès à l’emploi des enseignantes et enseignants de migration récente

2.1 L’insertion professionnelle des enseignantes et enseignants de migration

2.1.1 L’accès à l’emploi des enseignantes et enseignants de migration récente

Pour combler la pénurie de personnel enseignant, le gouvernement du Québec a assoupli les conditions de qualification et d’accès à la profession enseignante. Cette mesure donne l’occasion au personnel enseignant immigrant formé à l’étranger d’accéder à la profession enseignante s’ils remplissent les conditions énumérées précédemment. Cependant, bien que le besoin de main-d’œuvre en personnel enseignant se fasse sentir et malgré cette mesure visant à faciliter l’accès à la profession, les enseignantes et enseignants immigrants obtiennent difficilement l’autorisation d’enseigner au Québec (Allard, 2007). Par exemple, cette journaliste souligne que sur 900 enseignantes et enseignants qui ont soumis la demande en 2006,

moins de la moitié (45%) ont obtenu leur autorisation d’enseigner. Selon elle, la situation au Québec est loin d’être comparable à la situation de l’Ontario où plus de 90% des demandeurs ont obtenu leur autorisation. Par ailleurs, elle avance que, malgré le manque d’enseignants qualifiés au Québec, «un parcours de combattant attend les immigrés qui veulent enseigner ici» (p.2). En effet, écrit-elle, on exige d’eux beaucoup de documents à fournir, ce qui complique l’accès à la profession pour ceux et celles qui n’arrivent pas à collecter tous les documents requis. Cependant, cette journaliste ne manque pas de souligner que les choses vont en s’améliorant quand elle écrit que «le taux de demandes non admissibles était plus élevé auparavant, se chiffrant à 57% en 2001-2002». Cela va d’ailleurs dans le même sens que les données de productions internes du MELS (Martel, 2010) comme on peut le remarquer au tableau 1:

Tableau 1

Nature de la dernière autorisation émise au personnel enseignant de migration récente formé à l’extérieur du Canada depuis 1998-19992

Cohorte Brevet d’enseignement Permis d’enseigner Autre autorisation Total 1998-1999 55 74 129 1999-2000 59 82 141 2000-2001 53 97 1 151 2001-2002 49 57 106 2002-2003 88 98 1 187 2003-2004 117 156 6 279 2004-2005 117 215 1 333 2005-2006 120 275 4 399 2006-2007 21 329 5 355 2007-2008 4 332 12 348 2008-2009 2 264 266 2009-2010 96 207 303

2 Selon Martel (2010), une cohorte se rapporte à l’année scolaire (du 1er juillet au 30 juin), période où

l’autorisation a été délivrée. Il note aussi que pour 2009-2010, les données dans le tableau ne comptent pas l’effectif des enseignants qui ont obtenu les autorisations après le 22 juin 2009.

Source : Martel (2010). Données de production interne du ministère de l’Éducation,

du Loisir et du Sport.

L’analyse des données de ce tableau permet de constater que les enseignantes et enseignants immigrants formés à l’extérieur du Canada obtiennent une autorisation d’enseigner (le brevet d’enseignement, le permis provisoire ou une autre autorisation provisoire). Dans la colonne indiquant le total, on remarque que le nombre de personnes ayant obtenu l’autorisation d’enseigner n’a cessé d’augmenter depuis 2002-2003. Cependant, on ne trouve pas dans le tableau, pour chaque cohorte, le total des personnes qui ont fait la demande. Cela aurait permis de mieux évaluer le pourcentage des refus. Par exemple, la journaliste Allard (2007) rapporte 900 dossiers de demande d’autorisation d’enseigner déposés en 2006, mais on voit que, dans la colonne qui rapporte le total pour la cohorte 2006-2007, seulement 355 personnes ont obtenu une autorisation d’enseigner (21 brevets, 329 permis et cinq autres autorisations). Si ce chiffre de 900 dossiers est véridique, on peut penser que bon nombre d’enseignants n’obtiennent pas l’autorisation d’enseigner comme le souligne Allard (2007). Soulignons aussi que l’examen de français peut constituer un obstacle à l’accès à l’emploi pour beaucoup d’enseignantes et enseignants immigrants (Lefèvre et al., 2002). Il est à remarquer que les enseignantes et enseignants immigrants n’ont pas tous le même parcours migratoire. Certains, qui ont choisi d’immigrer au Québec, connaissaient déjà les conditions pour accéder à un emploi en enseignement alors que d’autres comme des réfugiés se retrouvent au Québec sans connaître le français ou l’anglais.

Dans la colonne des brevets, nous remarquons des périodes où moins de brevets ont été émis (de 1998-1999 à 2002-2003), des périodes où le nombre de brevets émis était élevé (de 2002-2003 à 2005-2006) et des périodes où le nombre de brevets émis a chuté de façon drastique (de 2006-2007 à 2008-2009). Eu égard à ce constat, on peut penser que certains enseignants ou enseignantes n’arrivent pas à remplir les conditions requises pour obtenir le brevet d’enseignement.

Dans la colonne portant sur les autres autorisations d’enseigner, on remarque que depuis dix ans (de 1998-1999 à 2007-2008), seulement 30 autorisations provisoires ont été émises. On peut s’interroger à savoir si cela signifie que moins de demandes avaient été faites. Si on compare cela à la situation de la cohorte 2009-2010 où 207 autorisations provisoires ont été délivrées en une année, on peut penser que certains enseignantes et enseignants immigrants ont eu des difficultés à obtenir des autorisations provisoires d’enseigner durant les dix dernières années.

De façon globale, nous remarquons que, de 1998-1999 à 2009-2010, 2997 enseignantes et enseignants de migration récente ont obtenu une autorisation d’enseigner au Québec. Ainsi, 685 brevets d’enseignement, 2075 permis d’enseigner et 237 autorisations provisoires d’enseigner ont été émis. Compte tenu de ce nombre assez important d’enseignantes et enseignants de migration récente qui obtiennent les autorisations d’enseigner, il s’avère pertinent de savoir s’ils accèdent à l’emploi. Le tableau 2 donne les détails sur la situation de leur accès à l’emploi.

Tableau 2

Répartition du personnel enseignant de migration récente ayant obtenu l’autorisation d’enseigner depuis 1998 par rapport à l’accès à l’emploi ou non dans une commission

scolaire publique et le statut occupé

Emploi comme enseignant Emploi autre Sous-total à l’emploi des CS Personnes non à l’emploi des CS Total Année régulier Temps

partiel Appoint 1998- 1999 31 26 19 3 79 50 129 1999- 2000 33 35 18 2 88 53 141 2000- 2001 43 25 29 2 99 52 151 2001- 2002 38 22 17 2 79 27 106 2002- 2003 53 57 17 2 129 58 187 2003- 2004 64 85 49 1 199 80 279 2004- 2005 57 141 54 2 254 79 333 2005- 2006 48 168 61 6 283 116 399 2006- 2007 12 139 82 9 242 113 355 2007- 2008 5 104 73 12 194 154 348 2008- 20093 3 32 594 5 99 167 266 2009- 20104 3 10 9 4 26 277 303

Source du tableau 1: Martel (2010). Données de production interne du ministère de

l’Éducation, du Loisir et du Sport.

3

Pour la cohorte (2008-2009), Martel (2010) note qu’il est possible que plusieurs autorisations puissent avoir été émises en fin d’année scolaire en prévision pour l’année scolaire qui suit pour laquelle les données ne sont pas fournies.

4 Pour la cohorte 2009-2010, Martel indique qu’il manque les données de l’année scolaire 2009-2010.

Les effectifs dans le tableau pour cette cohorte représentent les enseignants qui ont été engagés avant d’avoir une autorisation légale pour enseigner.

Ce tableau montre que le personnel enseignant de migration récente accède à l’emploi dans les commissions scolaires publiques. Le calcul de l’effectif total dans la colonne «Sous-total à l’emploi des CS» permet de savoir que 1771 enseignantes et enseignants de migration récente ont obtenu un emploi dans les commissions scolaires publiques sur les 2997 qui ont obtenu les autorisations d’enseigner depuis 1998. Plus de la moitié, 59% (1771/2997), des personnes ont accédé à l’emploi. Parmi eux, 390 enseignent à temps plein, 844 enseignent à temps partiel et 487 ont un statut de suppléant («appoint»), 50 occupent un emploi autre que l’enseignement. Nous remarquons qu’un grand nombre d’entre eux occupent des emplois dits précaires, notamment des emplois de suppléants ou à temps partiel.

Il ressort aussi, après le calcul de l’effectif total dans la colonne titrée «Personnes non à l’emploi des CS», qu’un nombre non négligeable, 41% (1226/2997), de ceux qui ont obtenu une autorisation d’enseigner n’accèdent pas à l’emploi dans le réseau scolaire public. Bien que les productions internes du MELS (Martel, 2010) indiquent que les 1226 enseignantes et enseignants non à l’emploi dans le réseau public peuvent être à l’emploi dans les institutions d’enseignement privées, on peut se demander si toutes ces personnes ont pu trouver un emploi dans les établissements privés. Étant donné que le réseau scolaire public demeure le plus grand employeur de personnel enseignant, il se pourrait qu’un bon nombre d’enseignantes et enseignants de migration récente n’accèdent pas à l’emploi dans le réseau scolaire public ou l’enseignement privé et que, comme les immigrants en général, ils ont la difficulté à intégrer le marché du travail québécois. À cet égard, Boudarbat (2011) indique que malgré la sélection des immigrantes et immigrants sur la base de leurs qualifications, certaines immigrantes et immigrants accèdent difficilement au marché du travail. Il précise que les immigrantes et immigrants font généralement face à plusieurs obstacles qui freinent leur accès à l’emploi, notamment le manque de reconnaissance des compétences acquises dans leur pays d’origine, le manque d’expérience et de référence dans le pays d’accueil, le manque de contacts dans le marché du travail, le manque d’emplois dans leurs domaines de formation, les barrières linguistiques ainsi

que la discrimination à l’embauche. La plupart des immigrantes et immigrants subissent d’ailleurs une déqualification d’autant plus qu’ils se retrouvent à occuper, pendant un certain temps, des emplois pour lesquels ils sont surqualifiés avant de trouver un emploi qui répond à leurs qualifications (Boudarbat, 2011; Lacroix, 2013).

Après avoir montré des données sur l’accès à la profession enseignante pour le personnel enseignant de migration récente et mis en relief les défis IP communs aux autres immigrants qualifiés, nous traitons maintenant l’insertion des EMR dans le milieu scolaire.

2.1.2 L’intégration sociale et professionnelle du personnel enseignant de migration