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Chapitre 3 : Analyse et discussion

3.2. Questions environnementales et gouvernance de la sécurité

3.2.1. L’intégration des questions environnementales

L’environnement (et les ressources naturelles) est fréquemment cité comme étant soit une cause, un catalyseur ou une victime des conflits violents et des guerres, mais rarement comme facteur de solution aux problèmes de violences nous enseigne Boiral & Verna (2005) et Bruch & Nakayama (2011). Cela dit, il y aurait un changement de discours à cet égard.

[…] l’élément nouveau qui apparaît est que l’environnement est fréquemment cité comme l’une des victimes de la guerre, mais beaucoup moins comme un facteur de paix, tant préventif que curatif. (Source: Article_Boiral & Verna, 2005)

In the past few years, the question has turned from whether natural resources are important to post-conflict peacebuilding to how best to manage natural resources to support peacebuilding. (Source: Rapport_Bruch & Nakayama, 2011)

G. Dabelko, le directeur de l’« Environmental Change and Security Program » (ECSP) et Marge, la conseillère en communication d’une organisation internationale gouvernementale nous apprennent que la communauté internationale ferait preuve d’une plus grande ouverture en regard aux problèmes environnementaux pour la sécurité. D’ailleurs, les facteurs de changement climatique et de rareté des ressources naturelles ne nous donneraient pas le choix, ajoute la conseillère Marge.

Couple words on where we are: I do think there are ongoing dialogues on natural resources on conservation, environment, climate, community development, and as well as peace and security. There is a recognition that we need to do this (Source: Webcast (Présentation)_G. Dabelko) [C]'est une approche, un projet important qui va grandir en importance d'ailleurs, à mesure que les ressources naturelles se dégradent, sont surutilisées par une population qui ne cesse de croître, donc on a un scénario d'une rareté toujours plus grande des ressources naturelles, qu'elles soient renouvelables ou non. Il y a des facteurs de changement climatique, qui entrent en jeu. On ne va pas pouvoir s'en passer. Donc je pense qu'il y a une reconnaissance maintenant au sein de la communauté internationale qui est représentée au sein des Nations Unies, un certain nombre d'approches qui prennent ça en compte. (Source: Interview_Marge)

Toutefois, l’écopédagogue (Bart) et l’ancien ambassadeur (Homer) expliquent que les problèmes environnementaux sont rarement pris en compte, sinon traités de manière séparée (en silo) des autres enjeux de sécurité et de développement par les instances gouvernementales et supranationales.

[F]aut bien comprendre que dans le milieu d’où je viens on considère que toutes les sphères de la société qui sont souvent traitées en silo dans les milieux gouvernementaux, et en fait ces silos- là, c'est très dommage de prendre l'environnement et de le mettre dans un silo comme tous les autres, parce que l'environnement dicte et est la base de tout. (Source: Interview_Bart)

[O]n regarde les conflits de façon très étroite, très en silo […] Et il faut comprendre que nos cultures bureaucratiques modernes ne se prêtent pas à ces esprits larges et les disqualifient même. (Source: Interview_Homer)

Enfin, nos sources soulignent l’importance d’adopter une approche intégrative des questions environnementales pour les procédures d’évaluation et de consolidation de la paix après un

conflit dans le but d’obtenir une image plus complète des dynamiques de violence (émergence et résurgence). Les questions environnementales doivent en conséquence figurer au premier plan des négociations. « The resources have to be at the table as a top-tier issue and not as a secondary-tier issue. (Source: Webcast (Présentation)_G. Dabelko) ».

D. Smith, secrétaire général de « International Alert », va même plus loin, expliquant que l’exclusion des questions environnementales compromet l’efficacité des autres secteurs, du développement et consolidation de la paix.

If you don’t think about climate change, if you don’t think about nature while thinking about peace and development, then you kind of thinking nothing in those places, because it is part of the reality within which people are living. (Source: Webcast (colloque)_D. Smith)

L’intérêt réside donc dans un effort d’intégration. Il est d’ailleurs déconseillé que l’approche environnementale soit utilisée de manière exclusive et indépendante par rapport aux autres enjeux. L’analyse des problèmes et des solutions basées exclusivement sur les problématiques écologiques ne rendent pas compte de la complexité de la situation postconflictuelle. Selon Marge, l’intégration signifie que l’approche environnementale, soit s’intègre aux autres secteurs de la consolidation de la paix, soit les incorpore. L’article de Bromwich (2009a) et de Leroy (2009) démontre que le réductionnisme environnemental n’est pas approprié pour comprendre et gérer le conflit au Darfour, d’ailleurs considéré une référence, où l’environnement jouerait un rôle prédominant (United Nations Environment Programme, 2007, p. 83).

Maintenant je crois qu'on ne rend pas service si on en fait une approche exclusive, de traiter cette question, sans avoir en tête toutes les implications sociales, économiques, etc. autour des ressources naturelles, de leurs exploitations, utilisation, etc., enfin ça ne sert à rien. De toute façon, c'est une approche qui doit soit intégrer toutes les autres, soit s'intégrer aux autres, mais ce n'est pas une approche exclusive. Ce qui est important, c'est que ces questions-là soient systématiquement prises en compte dans l'analyse qu'on peut faire maintenant et dans les stratégies qu'on peut mettre en place ensuite pour la consolidation de la paix, postconflit. (Source: Interview_Marge)

[I]n our own research, as well as in our dealings with Darfur-based academics and discussions with international scholars who have spent many years doing field work on the ground in western Sudan, there is a consensus that viewing the Darfur conflict as resulting only from

climate change and environmental factors does not do justice to the complexity of the issue. (Source: Rapport_M. Leroy, 2009)

By avoiding a reductionist environmental narrative to the conflict in Darfur, due weight may be given to the environment without drawing attention away from the need for resolution of the overarching political levels of the Darfur conflict. (Source: Article_Bromwich, 2009a)

D’ailleurs, en République Démocratique du Congo, l’analyse réductionniste environnementale aurait créé des problèmes pour les mineurs artisans. Suite aux analyses de conflits, des initiatives légales ont été mises en place (systèmes de certifications des minerais), mais n’ont fait que déplacer les problèmes de violences, dénonce le vice-président de l’ONG 1.

[S]i tu regardes au Congo, les conflits sur les minéraux, il n'y a pas de conflit minéral, il y a un conflit ethnique. Les minéraux sont là parce qu'il y a un peu d'argent à faire, mais les milices ne font pas que ça. […] [S]i tu mets en place un système de certification des minerais qui peuvent provenir du Congo, on n’aura absolument rien réglé. Alors, il y a déjà eu différentes interventions […], et il y a eu beaucoup de mineurs artisans qui ont dû arrêter de miner. Les rapports que j'entends du Congo, c'est que les exactions par plusieurs groupes rebelles ont tout simplement augmenté. N'ayant plus de revenus des minéraux, ils font du pillage des villages encore plus; ils prennent les récoltes, les bétails; ils sèment la terreur pour faciliter leurs vies par le viol des femmes, etc. Alors on n’a rien réglé, on a tout simplement déplacé. C'est que ces groupes-là ont besoin de ressources, alors ils vont utiliser tout ce qui est là. Dans ce sens-là, ce n'est pas un conflit sur les ressources. (Source: Interview_Herbert)

La pertinence d’intégrer de manière systématique les enjeux environnementaux et les questions de gestion des ressources naturelles aux interventions de paix a été démontrée à travers nos données présentées ci-haut. Ainsi, nous avons vu que ces questions servent aux analyses et aux évaluations des risques de résurgence de conflit violent et au dépistage des dangers pour l’humain et la nature. Or, celles-ci serviraient également à activement promouvoir la stabilité de la sécurité et la paix. Dans ce sens, nous analyserons les données sur la coopération environnementale et la gestion des ressources naturelles dans le cadre de la consolidation de la paix.

3.2.2. Coopération environnementale et consolidation de la paix