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Chapitre 3 : Analyse et discussion

3.4. Écophilosophies

3.4.5. Les écophilosophies : Une discussion

L’écosystème, source de services et de biens offerts à toutes les espèces, se heurte au tempérament humain qui désire posséder et contrôler son entourage. « Bon, lorsqu'on parle de choses qui n'appartiennent à personne on peut avoir de très beaux principes et idéologies, mais la nature humaine elle tente [de] faire des choses plus ou moins bonnes » (Source: Interview_Herbert). Or, la question se pose : comment améliorer le processus de la coopération environnementale ? Cette problématique nous a menés à nous intéresser aux écophilosophies de nos participants. Ainsi, nous nous sommes inspirés du principe qui sous-

tend qu’une meilleure connaissance des philosophies intrinsèques des intervenants s'avère propice pour améliorer la coopération (White, 2008). Notre analyse a cependant montré qu’une narration basée sur les valeurs écologiques n’apporterait pas de résultats tangibles, mais qu’il serait préférable et même essentiel d’adopter une approche pragmatique et utilitariste dans un objectif de trouver des solutions gagnante-gagnante, c’est-à-dire autant pour l’humain que pour l’environnement. Ainsi, nous nous permettons d’avancer qu’il serait pertinent de confronter les cadres conceptuels de justice environnementale et écologique, sur lesquels s’appuie la criminologie verte, aux discours basés sur le pragmatisme et l’utilitarisme. L’analyse de la « justice environnementale » oriente ces préoccupations vers le bien-être et la sécurité de toutes les personnes, et plus particulièrement des plus vulnérables face aux inégalités relatives à l’environnement. En revanche, la perspective de la « justice écologique » renvoie la responsabilité d’assurer la protection et le bien-être de l’écosystème à l’Homme, compte tenu de sa capacité d'endommager de manière irréversible la faune, la flore et l'espèce humaine elle-même. Ainsi, ces deux concepts de justice discutés sous les perspectives pragmatique et utilitariste permettraient une plus grande appréciation pour les questions écologiques auprès des divers acteurs et donneraient une légitimité à la coopération environnementale.

Cela étant dit, l’analyse a fait ressortir le principe du juste milieu entre les activités humaines et le respect de l’environnement, c’est-à-dire que les intérêts humains n’ont pas priorité sur le bien-être de l’environnement. Ce résultat s’expliquerait par le fait d’une reconnaissance des dangers pour la santé et la survie de l’humanité qui découlent de la détérioration environnementale.. Par conséquent, nous qualifions la représentation de l’environnement de nos répondants d’anthropocentrique, mais avec une prise de conscience environnementale plus prononcée. Enfin, ce sont les intérêts humains qui priment, l’environnement n’est pas considéré au même pied d’égalité, mais au service de l’humain. D’après les témoignages recueillis, nous estimons que nos répondants intègrent le concept théorique de la justice environnementale et des droits environnementaux, tel que soulevé par Halsey & White (1998). Cela signifie que leurs réflexions sont déterminées par les répercussions inégales des populations face aux problèmes environnementaux, faisant référence au modèle de la « differential victimisation » (Stretesky & Lynch, 1999), qui stipule que certaines populations

présentent de plus grandes vulnérabilités que d’autres par rapport aux dangers environnementaux, par exemple le changement climatique. Le seul répondant qui manifeste une vision écocentrique, mettant l’intérêt de l’environnement au centre de sa réflexion, est l’écopédagogue Bart, qui, par ailleurs, est le seul répondant à n’avoir aucune expérience dans les régions affectées par la guerre et les crises humanitaires extrêmes. Ainsi, selon ses dires, nous considérons qu’il examine ses actions selon un cadre de justice écologique (Cullinan, 2003), où la protection de la biosphère aurait priorité sur celle des individus.

Selon les informations que nous avons pu obtenir, la notion de justice qui influence les projets de consolidation de la paix serait le résultat des comportements opportunistes et destructeurs des populations en détresse ainsi que des besoins exhibés de celles-ci. Peut-on dire que les professionnels œuvrant dans l’aide internationale se voient obligés d’adopter une mentalité anthropocentrique ainsi que des stratégies axées sur les besoins humains pour pouvoir protéger l’environnement ? Cela reste à vérifier, car notre analyse ne nous permet pas d’y répondre. En revanche, la conscientisation publique par rapport à la destruction des écosystèmes et surtout la quasi-certitude scientifique de l’existence du changement climatique oblige les parties prenantes à s’intéresser aux questions environnementales. En revanche, la théorie du constructivisme social nous apprend que la gestion des ressources naturelles ainsi que la gouvernance environnementale sont des processus déterminés par les interactions sociales (ex. Hannigan, 1995), qui, selon nos données, demande de trouver des solutions aboutissant à un consensus collectif où toutes les parties y gagnent. De plus, l’existence d’un réel danger écologique à l’échelle globale (Hannigan, 1995) oblige l’intégration de mesures de protection de la nature dans la recherche de solutions. Par conséquent, le défi consisterait à trouver des solutions pour que les trois axes du développement durable soient gagnants, c’est-à-dire le système économique, l’écosystème et la population.

En ce qui concerne la privatisation des ressources naturelles, notamment de l’eau, certains rapportent qu’elle permet, le cas échéant, la protection de l’environnement. Cependant, les solutions plus intéressantes parlent du partenariat entre le public et le privé, c’est-à-dire que les ressources sont possédées par le public (les gouvernements et les municipalités), tandis que la gestion et le maintien sont pris en charge par le privé. Il est donc possible de faire un parallèle avec nos résultats des sections précédentes par rapport au potentiel de l’intégration citoyenne

aux opérations de consolidation de la paix. Le concept du public-privé s’avère ainsi opportun pour réduire l’injustice environnementale à condition que les communautés participent au processus de décision et de contrôle. D’ailleurs, la population se verra bénéficier d’une quantité et qualité de l’eau plus haute, grâce à la capacité du privé à assurer une meilleure gestion et protection environnementale. La surveillance du public en revanche aidera à pondérer les actions du privé pour les influencer de manière à ce qu’elles représentent les intérêts de la société. Comme le suggère la gouvernance nodale (Johnston & Shearing, 2003; Wood & Shearing, 2007), il faut tenir compte de l’influence du privé et du public, puisque les deux contribuent à la construction de la sécurité. Par conséquent, il se trouve qu’une structure de gouvernance permettant un partenariat entre les acteurs favoriserait l’équité et la démocratisation des régions postconflits. En effet, nous avançons que l’analyse de la gouvernance de sécurité conforme au modèle de gouvernance nodale soutiendrait ces processus. Les recherches du Food and Water Watch au contraire, montrent une image moins optimiste de la privatisation des services dans la pratique, dans la mesure où le droit fondamental à l’eau serait bafoué. Cette pratique toucherait surtout les plus pauvres qui subissent les effets d’une injustice environnementale quant à l’accès à l’eau potable et aux installations sanitaires adéquates (Food & WaterWatch, 2011). Cela dit, Ban Ki-Moon, secrétaire général des Nations unies, a déclaré que le droit fondamental d’accès à l’eau et aux services sanitaires ne signifie pas la gratuité de cette ressource ni de ses services, mais sa disponibilité et son accessibilité pour tous (Deen, 2011). Enfin, respecter le principe du droit fondamental de l’eau onusien doit être l’un des principes fondamentaux de tout projet de coopération environnementale et de gouvernance de la sécurité.

Chapitre 4 : Théorisation de l’apport de l’environnement à