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Chapitre 2 : Méthodologie

2.1. Choix méthodologiques

L’approche qualitative est interprétative et naturaliste, c’est-à-dire que le chercheur essaie de produire du sens ou d’interpréter les phénomènes sociaux. Il cherche à exploiter les ressources provenant d’informations subjectives (ex. récits, témoignages), ce qui lui permet d’étudier le contexte naturel d’un phénomène social (Laperrière, 1997b). Qu’est-ce qui caractérise l’approche qualitative ? Premièrement, il s’agit de mettre de l’avant la subjectivité des acteurs et du chercheur (Weber, 1971); deuxièmement, de se concentrer sur la réflexivité et la prise de conscience entre l’interaction de l’objet d’étude et du chercheur; troisièmement, de mettre l’accent sur la compréhension inductive et non sur l’explication ou l’approche hypothético- déductive; quatrièmement, de tenir compte de la proximité de l’objet d’étude par rapport à son environnement naturel; cinquièmement, de privilégier une description approfondie des phénomènes étudiés; et finalement de promouvoir l’implication du chercheur de manière prolongée dans son étude, soit sur une durée jugée assez longue pour pouvoir incorporer dans ses analyses la variable du temps (Laperrière, 1997b). La présente étude a pour objectif d’analyser la perception des professionnels d’opérations de paix concernant les questions environnementales dans le cadre postconflit. Ainsi, cette recherche accorde une place importante aux acteurs sociaux, et vise à connaître leurs expériences, points de vue et opinions par rapport aux méthodes les plus propices pour contribuer au processus de paix (Dubet, 1994). Leurs recommandations nous permettront d’étudier la contribution de l’étude des questions environnementales afin de proposer des solutions efficaces de gouvernance de la sécurité des pays en situation postconflit. Par conséquent, l’approche qualitative nous semble la plus appropriée pour cette recherche. D’ailleurs, nous jugeons les méthodes statistiques peu efficaces pour saisir la complexité des problématiques du terrain. C’est donc pour cette raison que nous avons opté pour le récit, verbalisé ou écrit, qui nous permettra d’appréhender en profondeur les détails afin d’atteindre nos objectifs d’études. En privilégiant la profondeur plutôt que l’étendue des phénomènes sociaux, la méthodologie qualitative permet également de découvrir le sens des actions et les stratégies déployées par les acteurs (Deslauriers & Kérisit, 1997). Cette position est appuyée par la théorie ancrée qui vise la description profonde

d’une problématique. Enfin, le développement d’une théorie oblige de connaître toute la complexité de l’objet d’étude (Strauss & Corbin, 2003). Pour ce faire, nous avons privilégié la théorisation ancrée.

2.1.2. Théorisation ancrée « Grounded Theory »

La théorisation ancrée a été conçue dans les années 1960 aux États-Unis afin d’étudier le domaine de la santé et du soin infirmier. Ainsi, le célèbre livre de Glaser et Strauss en 1967, « The Discovery of Grounded Theory », explique en profondeur les stratégies de recherches que les auteurs ont utilisées pour leurs études des patients mourants dans les hôpitaux (Glaser & Strauss, 1967).

La méthodologie de la théorisation ancrée préconise la création de nouvelles théories au lieu de tester les théories existantes. Une étude par théorisation ancrée ne vise pas la représentativité en cherchant la généralisation statistique, mais plutôt veut expliquer les phénomènes basés sur des données empiriques (Charmaz, 2006). Utile pour les champs d’études peu ou pas explorés, cette méthodologie va au-delà de la description pour ultimement construire une nouvelle théorie qui dépasse l’objectif des études ethnographiques10. Elle

cherche à implanter la théorie dans les faits, et ce, en restant sensible à la réalité étudiée (Laperrière, 1997a). Opérant par induction, toutes sortes de sources de données peuvent être saisies (ex. quantitatifs/qualitatifs; documents, interviews). Cela dit, elle insiste sur l’importance des perspectives des acteurs sociaux dans la définition de leur univers social, sans toutefois négliger le contexte micro et macrosocial dans lequel s’inscrivent leurs actions (Laperrière, 1997a). Le développement d’une théorie doit aller plus loin que de se restreindre aux conditions proches des phénomènes étudiés. La structure dépend de l’ensemble des conditions micro- et macroscopiques. Or, en partant des conditions les plus éloignées dans l’espace et dans le temps (macrosocial : les politiques internationales et nationales) pour se focaliser sur les conditions les plus proches (microsociale : gestion de l’eau entre communautés locales et les municipalités), on peut se rendre compte de toute l’étendue de

l’objet d’étude (Strauss & Corbin, 2003). Procéder avec cette méthode nous paraît approprié, étant donné qu’elle nous permet, non seulement, d’adopter une vision holistique vis-à-vis du sujet d’étude, mais également de créer de nouvelles connaissances dans le champ de la criminologie verte, plutôt que de vérifier une hypothèse avec une approche hypothéticodéductive (ex. est-il avantageux pour la sécurité humaine de criminaliser tous les actes causant des dommages à l’environnement ?). De plus, la méthodologie de la théorisation ancrée nous offre la base pour notre objectif final, soit la production d’un outil théorique qui permettra d’introduire la criminologie verte aux questions des opérations de paix.

Contrairement aux autres approches méthodologiques, la théorisation ancrée explore le champ de recherche sans appui théorique ni cadre conceptuel et l’objet de recherche est en quelque sorte sans frontière (Laperrière, 1997a). Dans la pratique, il est toutefois recommandé de se familiariser avec la problématique que l’on cherche à explorer. De ce fait, nous avons procédé par une exploration documentaire pour connaître l’état des connaissances au sujet du rôle des questions environnementales pour la consolidation de la paix; une première exploration si l’on veut. Conformément à notre vision d’une recherche multidisciplinaire, nous nous sommes inspirés de quelques théories et paradigmes de la criminologie verte, des relations internationales et de la sociologie, décrites dans la section 1.4 « cadre théorique ». Ainsi, notre problématique se précise au fur et à mesure de l’avancement de l’étude pour aboutir à une contribution scientifique en criminologie.