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2-1-1 Bref historique

Au 15 è siècle, il a existé en Afrique subsaharienne des centres d’études supérieures appelés universités qui réunissaient les maîtres et les étudiants à Tombouctou, plus précisément à Djenné (ZAKARI DRAMANI- ISSIFOU175 cité par ZINSOU176). Ces centres d’études supérieures ont permis la formation de spécialistes du Droit musulman, de théologiens et d’historiens qui ont produit de très nombreux ouvrages. Selon certaines études, il a existé à KONG (dans le Nord de la Côte d’Ivoire), un centre d’enseignement supérieur des études islamiques où les cours se déroulaient dans la mosquée qui devint l’une des plus importantes medersa ou université de l’Afrique occidentale (N.KODJO cité par ZINSOU)177.

Cependant, les universités « modernes » telles que celles que nous rencontrons de nos jours sur le continent africain, sont apparues en Afrique francophone en 1957 avec la création de l’université de Dakar. Au fur et à mesure, durant les deux premières décennies après les indépendances (1960), tous les pays d’Afrique francophone subsaharienne vont se doter d’une université. Ce sera notamment le cas du Cameroun en 1962, de la Côte d’Ivoire en 1963, du Rwanda et du Burundi en 1964, de la République Centrafricaine en 1969, du Togo, du Bénin, du Gabon en 1970, du Congo Brazzaville en 1971, du Niger en 1973, du Burkina Faso en 1974, et un peu plus tard de la Mauritanie en 1981 et de la Guinée Conakry en 1984178.

Les premières universités sont issues de centres d’enseignement supérieur créés entre 1957-1961. À cette époque les facultés s’organisèrent en mettant en place, au moins le premier cycle. Les universités les plus avancées recevaient les étudiants des pays voisins moins équipés, ou ayant des priorités nationales : Médecine ou Agronomie. Les objectifs

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ZAKARI DRAMANI- ISSIFOU, L’Afrique noire dans ces relations internationales au XVI ème siècle. Analyse de la crise entre le Maroc et le Sonrhaï, Paris, Édition Karthala, 1982, P196.

176

ZINSOU E. M. Op. Cit. P. 10.

177

KODJO N. L’évolution de Kong de 1745 à 1897. T3. Thèse de doctorat d’état, 1984 Pages 754-752.

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assignés à ces établissements étaient de créer un esprit de « nation », de former des cadres supérieurs autochtones en vue de remplacer les étrangers dans des secteurs de décision, et d’accéder à une autonomie dans les domaines de l’activité économique et sociale du pays dont l’enseignement179.

L’université de Dakar qui fut la première d’Afrique francophone subsaharienne fut créée le 14 février 1957. Héritière de l’École Africaine de Médecine et de Pharmacie de Dakar fondée en 1915, elle rassemblait 600 étudiants180. L’université d’Abidjan quand à elle fut créée le 31 octobre 1963181 pour accueillir 6 000 étudiants.

2-1-2 Situation actuelle

L’éducation-formation en général et plus particulièrement l’enseignement supérieur en Afrique subsaharienne est actuellement en état de crise. Cette crise est liée en partie à son incapacité à s’adapter aux changements intervenus dans la demande et à exploiter les opportunités offertes au niveau local, national et international. On reproche à l’enseignement supérieur en Afrique au Sud du Sahara de ne pas avoir réussi à développer par le passé la masse critique de cadres qui aurait été nécessaire au décollage industriel. Aujourd’hui, il est en passe de ne pas pouvoir former le pool de cadres dont l’Afrique subsaharienne a besoin pour participer à la nouvelle économie mondiale.182

G.O.S EKHAGUERE183 soutient qu’en raison de l’explosion démographique de la population estudiantine les institutions d’enseignement supérieur africaines, dont la majorité utilisent une méthodologie traditionnelle de formation-instruction, n’ont pas actuellement la capacité pour fournir un nombre suffisant de places pour tous les candidats qualifiés. Cette situation constitue un frein sévère à l’accès à l’enseignement supérieur sur le continent. En conséquence, la compétition pour l’accès aux institutions d’enseignement supérieur est

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LEBORGNE-TAHIRI C., Universités et Nouvelles Technologies en Afrique de l’ouest francophone : Passé, présent, et avenir, Dakar, Bureau Régionales de l’UNESCO à Dakar, mai 2002, P.50.

180

N’DIAYE M. « Université de Dakar : Objectifs atteints ? » Le mensuel de l’université n°16, juin 2007. http://www.lemensuel.net/Universite-de-Dakar-objectifs.html

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www.ucocody.ci

182

NOBLE A. Quelle université pour l’Afrique ? Pessac, MSHA, 2002, p8.

183

Professeur de mathématique à l’université d’Ibadan au Nigeria.

EKHAGUERE G.O.S. « L’enseignement supérieur en Afrique : Défis et opportunités ». Enseignement supérieur en Europe, vol.XXV, n°3,2000.

devenue dans beaucoup de pays africains de plus en plus rude, particulièrement ces dernières années. Alors que la population étudiante d’enseignement supérieur sur le continent s’élevait à un peu plus de 4 millions en 1996, représentant environ 5 % des étudiants dans le monde, ce chiffre représentait seulement une fraction du nombre de personnes qui ont postulé pour une inscription dans les universités africaines cette année-là. Paradoxalement, comme une conséquence du financement inadéquat du secteur de l’éducation dans beaucoup de pays africains et de la destruction d’installations pédagogiques, résultant des conflits récents où en cours dans plusieurs sous-régions d’Afrique, les taux actuels d’inscription, qui sont beaucoup trop bas pour subvenir à la demande d’accès, représentent déjà une considérable massification d’enseignement supérieur sur le continent. Selon un document de la Banque mondiale184,

l’université dans cette partie du continent africain continue a formé un nombre disproportionné d’étudiants dont les seuls débouchés sont de rentrer dans l’administration, alors que non seulement celle ci ne recrute plus, mais au contraire dans de nombreux pays elle est l’objet de nombreuses compressions.

Tous les établissements d’enseignement supérieur souffrent d’une insuffisance de l’offre de formation, par rapport à une demande d’accès à l’université en évolution très rapide. La forte augmentation des effectifs du primaire et du secondaire exerce une pression sur l’université185. Les demandes d’inscription augmentent plus rapidement que la capacité des établissements à accroître leur offre186. C’est ainsi que certaines universités limitent les inscriptions à la capacité d’accueil, tandis que dans d’autres établissements universitaires, lorsqu’un contrôle des flux n’a pas été introduit, on a assisté à une explosion des effectifs, avec pour résultats un déficit d’encadrement, de matériels et de laboratoires ; une détérioration des installations, une forte pression sur les systèmes administratifs et une baisse générale de la performance des enseignants et des étudiants.

184

Banque Mondiale, Université virtuelle africaine : cultiver le savoir pour la maîtrise du destin, http://physinfo.ulb.ac.be/ !UVA !/UVA savoir/UVA savoir3.html

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Pour l’année scolaire 2002/2003 le ministère de l’éducation nationale ivoirien annonce 254 307 candidats au CEPE/Entrée en 6e, 127 229 candidats au BEPC et 81 219 candidats au baccalauréat.

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À titre d’exemple en Côte d’Ivoire l’université de Cocody à Abidjan qui est de loin la plus ancienne et la plus peuplées du pays compte près de 50.000 étudiants alors qu’elle a été conçu pour en recevoir 6 000, l’université d’Abobo-Adjamé compte aujourd’hui 7 000 étudiants au lieu de 3 000, enfin l’université de Bouaké186 avant le déclenchement de la crise politico-militaire comptait 15 000 étudiants alors qu’il était prévu au départ qu’elle en accueille 3 000. Source : Direction Administrative et des Ressources Humaines du ministère ivoirien de

l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. (Rencontre représentants du ministère et étudiants ivoiriens de France, à l’ambassade de Côte d’Ivoire à Paris, le 19 mars 2004.

Selon le document de la Banque mondiale auquel nous avons fait référence précédemment, l’enseignement supérieur en Afrique francophone subsaharienne a suivi le modèle de l’université traditionnelle, financée par l’État avec des résidences universitaires pour les étudiants. De façon générale, la gestion d’une université fonctionnant d’après ce modèle nécessite des budgets importants pour mettre en place puis pour entretenir les infrastructures académiques et les cités universitaires, pour couvrir les salaires des enseignants et du personnel administratif. Puisque que les universités dans cette partie de l’Afrique ont été presque exclusivement financées par les gouvernements, la contribution des étudiants était quasiment insignifiante187. En raison de la conjoncture économique, cette dernière décennie a vu les budgets des universités en Afrique au Sud du Sahara revus à la baisse au moment même où le nombre d’étudiants inscrits ne cesse d’augmenter. La baisse des ressources a porté un sérieux coup à la qualité de l’enseignement supérieur. On assiste ces dernières années à une détérioration de la qualité de l’enseignement et de la recherche avec des programmes dépassés, des bibliothèques qui ne sont plus approvisionnées, des laboratoires, du matériel, des équipements et des installations qui ne sont pas renouvelés.

Abdelkader AGHALI188 abonde en ce sens dans un article paru dans le Monde

diplomatique en mars 2002 sous l’intitulé : « En Afrique, l’enseignement supérieur sacrifié »

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. Pour l’auteur la crise de l’enseignement supérieur en Afrique (francophone subsaharienne) s’est aggravée sous l’effet des politiques de redressement économique et de restauration de l’autorité de l’État. En effet, partout en Afrique, l’enseignement universitaire est essentiellement public. Il est entièrement pris en charge par l’État : fonctionnement de l’administration, construction des salles de cours et autres amphithéâtres, recrutement des enseignants, équipement des laboratoires et bibliothèques, restauration et hébergement des étudiants, bourses… aussi le sort de l’université est étroitement dépendant de celui de l’État. Or la crise de celui-ci : crise d’autorité, de légitimité et d’identité s’est traduite, depuis dix ans, par un désengagement, notamment financier, vis à vis de l’université.

En outre, les réformes économiques, généralement édictées par les bailleurs de fonds dans le cadre des plans d’ajustement structurel, visent à réduire la masse salariale de la

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Par exemple en Côte d’Ivoire une inscription dans une université publique coûte moins de 10 euros, la location d’une chambre en résidence universitaire coûte moins de 6 euros par mois.

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Docteur en Philosophie politique originaire du Niger.

189

AGALI A. : « En Afrique, l’enseignement supérieur sacrifié » le Monde diplomatique, mars 2002. http://www.mondediplomatique.fr/2002/03/ABDELKADER/16299. (Consulté en septembre 2003).

fonction publique et le train de vie de l’État, à diminuer l’enveloppe et le taux des bourses, à multiplier les licenciements… parallèlement, ces mesures d’« assainissement » vont impliquer des hausses de prix. La nécessité de recréer l’État, après le vent de la démocratie, implique de réduire les dépenses au strict minimum, c’est-à-dire à des actions susceptibles de générer des fonds. Tout s’inscrit désormais dans la logique du profit et du gain rapide. Et certains secteurs, tels que les universités, seront considérés comme non prioritaires pour les investissements déjà très aléatoires de l’État190.

Les universités en Afrique subsaharienne selon le diagnostique de la banque mondiale souffrent d’un manque d’enseignants bien formés. Certains enseignants parfois parmi les plus brillants quittent l’université soit pour des emplois dans le secteur public ou privé, soit pour l’étranger, ou encore dans le cadre de départs à la retraite. Les universités se trouvent donc avec de jeunes enseignants sans expérience, insuffisamment formés et manquant de mentors et de modèles pouvant les encadrer. La formation des enseignants réellement qualifiés revient cher car il faut en général au moins dix ans pour passer d’un poste d’assistant sans thèse à un poste de professeur titulaire. Recruter des enseignants dans d’autres régions du monde ne constitue pas non plus une solution viable pour beaucoup d’universités africaines pour plusieurs raisons qui sont notamment les coûts élevés que cela représente pour couvrir les voyages, les logements et les salaires élevés de ces enseignants ; les réglementations du travail et l’éloignement de l’Afrique par rapport à la communauté internationale des chercheurs. La solution consistant à faire appel à des professeurs visiteurs (en général pour des périodes d’une semaine à dix jours) n’est pas non plus une solution satisfaisante, car elle réduit l’interaction élèves/professeurs. Le manque d’enseignants qualifiés a entraîné un manque de différenciation dans le paysage éducatif, les nouvelles universités privées sont obligées de recruter à mi-temps des professeurs travaillant déjà à l’université publique. Cela a pour corollaire de ne pas favoriser une réelle compétition entre les universités pouvant entraîner une meilleure qualité de service, avec des produits différenciés. Les mêmes enseignants dispensent les mêmes cours à travers l’ensemble du pays. La qualité du matériel éducatif est souvent nettement insuffisante. Dans leur ensemble selon la Banque mondiale, les universités francophones affectent 2,7 % de leur budget à l’acquisition du matériel pédagogique, les anglophones n’y consacrant191que 0,6 %. Les systèmes d’enseignement supérieur africains sont souvent caractérisés par de fort taux de redoublement et d’abandon,

190

Idem.

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certes le nombre de diplômés a augmenté de façon impressionnante, mais le taux d’échec reste anormalement élevé entre 30 % et 70 %. De plus, le système d’enseignement supérieur n’a pas réussi à créer les liens indispensables entre les programmes d’enseignement et les demandes du marché du travail. Il y a un manque d’adéquation entre la distribution des diplômes sortant de l’université et les projections du marché du travail.192

Tous ces griefs portés à l’encontre de l’enseignement supérieur africain se retrouvent dans les propos tenus par Monsieur Kaïchiro MATSUURA, Directeur général de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) dans le discours qu’il a prononcé le 3 avril 2001 à Nairobi au Kenya à l’occasion de son accession au grade de docteur honoraire décerné par l’université d’Agriculture et de Technologie Jomo Kenyatta :

Nous constatons que pour l’instant les universités africaines connaissent une crise sérieuse, étant prise en étau entre l’amenuisement des finances publiques et l’augmentation des effectifs. Elles se heurtent à une multitude de problèmes : exode des cerveaux, mise à l’écart des courants internationaux, en matière de bourses et recherche, détérioration des installations, rémunération insuffisante des personnels, manque d’équipements essentiels, abus des drogues et montée en flèche des maladies liées au VIH/sida, troubles générés par les manifestations d’étudiants et possibilités d’accès limitées, en particulier pour les femmes.

Devant les nombreuses difficultés rencontrées par l’enseignement supérieur en particulier, tout le secteur de l’éducation en Afrique en général, un certain nombre d’initiatives intégrant les TIC ont été prise depuis plusieurs décennies pour aider à l’amélioration de la qualité des formations. La prochaine partie de notre travail nous offrira l’occasion de revenir sur quelques uns des programmes les plus importants qui ont été expérimentés dans le monde de l’éducation en Afrique depuis 1960.

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