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1-5 L’accès à l’Information scientifique et technique (IST) dans l’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire

Le délabrement relatif et la pauvreté avérée des bibliothèques et des centres de documentation sont incontestablement un frein au développement de l’accès à l’Information scientifique et technique (IST) dans l’enseignement supérieur en Côte d’ Ivoire. La situation de la Bibliothèque universitaire (BU) du campus de Cocody qui est le plus ancien, mais aussi le plus important des campus du pays si l’on tient compte de la population estudiantine (plus de 50 000), du nombre d’enseignant (1 209) et du nombre d’UFR (13), est assez édifiante. Bien qu’elle ait bénéficiée par moment des fonds de la coopération française, cette bibliothèque éprouve depuis de très nombreuses années de sérieuses difficultés financières au point qu’en 1989 déjà, il ne lui était plus possible de poursuivre les abonnements qu’elle

avait assurés jusque-là299. Il s’agit des abonnements aux bulletins signalétiques (français ou américains) dans les différentes disciplines. Cette bibliothèque universitaire comme les autres BU du pays n’a pas toujours les moyens de faire face aux coûts élevés des abonnements aux revues scientifiques ainsi qu’aux frais d’expédition. Les abonnements dans ces conditions ne peuvent que diminuer considérablement et les revues scientifiques pour lesquels les abonnements n’ont pas été résiliés, parviennent en général à la BU avec de nombreux mois de retard, ce qui pose de nombreux problèmes aux chercheurs qui dans certaines disciplines ne peuvent que déplorer l’obsolescence de l’information qu’ils retrouvent dans ces revues. Le chercheur finalement se retrouve isolé et pas du tout au fait des travaux en cours dans sa discipline. On peut également ajouter à tous ces problèmes que rencontre la BU du campus de Cocody en particulier, toutes les BU du pays en général celui de l’accumulation de document papier qui est également très important. Il pose le problème de la capacité des salles de réserve, de leur aménagement notamment contre l’humidité et les insectes nuisibles. Les locaux de la BU sont dans un état de dégradation très avancé (absence de climatisation dans les salles de lecture, ascenseur régulièrement en panne, fuite d’eau dans les salles de rayonnage, etc.). Les actes de vandalisme des étudiants sur les livres qu’ils ne considèrent pas comme une valeur et une propriété collective, mais plutôt comme un produit de consommation à cours terme ne peut qu’accroître les difficultés de la BU.

Le personnel très réduit et peu qualifié dont dispose cette bibliothèque est un autre problème auquel il faut faire face. En effet, la grande majorité du personnel a été formée sur le tas. Seule une minorité a reçu une formation diplômante. Un vrai système de formation continue à l’égard du personnel jusque là n’a pas été mis en place.

Devant toutes ces difficultés il semble de plus en plus nécessaire de promouvoir l’usage de documents numériques dans les universités ivoiriennes, en aidant les enseignants et les étudiants à avoir accès à des ressources documentaires en ligne. Comme le fait remarquer Guy MASSICOTTE :

1. le délabrement relatif et la pauvreté avérée des bibliothèques et des centres de documentation ne pourront jamais être corrigés par des moyens traditionnels, dans la mesure où l'explosion de la

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documentation et la hausse des coûts créent déjà une situation de crise dans toutes les universités, y compris les plus riches ;

2. les principales sources d'information sont maintenant disponibles en format numérique, sur des sites serveurs, et/ou sur des disques numérisés.300

Le ministère ivoirien de l’enseignement supérieur et de la recherche a pour ambition de favoriser le déploiement d’un réseau de télécommunications à haut débit entre les établissements, qui se ramifiera lui-même à l’intérieur des établissements par l’interconnexion de réseaux locaux de postes de travail. Ce projet s’il parvient à être réalisé offrira à chaque usager relié au réseau un accès illimité à tous les autres usagers reliés, quel que soit l’endroit de la planète où ils se trouvent et bien évidemment à toutes les sources d’information disponibles sur les sites serveurs reliés au réseau Internet.

Il faut néanmoins souligner que grâce à un partenariat entre l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF) et l’entreprise de téléphonie fixe Côte d’Ivoire Télécom l’université de Cocody possède officiellement depuis le 18 février 2005 un grand « centre de ressources » en ligne 301. Il s’agit d’une salle contenant une trentaine d’ordinateurs tous connectés à Internet haut débit. Selon les responsables de l’AUF, ce centre de ressources va permettre la production de contenus en ligne. Il fera partie des douze grands campus numériques d’Afrique occidentale francophone qui devraient permettre de réduire l’écart existant en la matière entre les universités occidentales et celles du continent africain. Il faut également ajouter qu’une grande salle Internet (il ne s’agit pas de haut débit) comportant 26 postes302est mise à la disposition des étudiants de cette université, ce même type de salles existe également dans la plupart des autres établissements d’enseignement supérieur publics. La particularité de ces salles Internet est qu’il est exigé aux usagers d’apporter une contribution financière avant d’avoir accès aux postes. En général les étudiants déboursent la somme de 500 francs CFA (environ 76 centimes d’euros) pour une heure de connexion à Internet. Cette somme dans le contexte ivoirien est relativement importante pour la majorité des étudiants qui dispose de moyens financiers limités et constitue pour beaucoup d’entre eux un frein à l’accès aux ressources documentaires en ligne dans leur établissement.

300

MASSICOTE G. Op cit.

301

Fraternité matin du 20/02/05. http://fr.allafrica.com/stories/200502210217.html.

302

Comme on peut le constater, la réforme de l’enseignement supérieur ivoirien qui s’est opérée au milieu des années 1990 a entraîné de profondes mutations dans le milieu universitaire en Côte d’Ivoire. La loi 95-696 du 7 septembre 1995 relative à l’enseignement a jeté les bases de la réforme en adoptant le principe que l’enseignement supérieur peut être assumé par plusieurs établissements, voire par plusieurs types d’établissement. Elle encourage le développement d’un enseignement supérieur privé. Depuis lors, en plus de la mise en place de trois universités publiques autonomes et de deux unités régionales d’enseignement supérieur, un nombre important d’établissements d’enseignement supérieur privé s’est développé sur toute l’étendu du territoire ivoirien. On recense aujourd’hui pas moins de six universités et plus de quatre-vingt grandes écoles privées. Cette nouvelle loi relative à l’enseignement supérieur marque à n’en point douter une nouvelle ère. Elle rompt avec le système traditionnel marqué par le modèle classique des années d’étude sanctionnées par des examens, en ouvrant les portes des instances de direction des institutions à des intervenants socio-économiques et en prévoyant un cheminement pédagogique par étapes. On peut ainsi noter à ce niveau une volonté de l’État de faire des universités et des grandes écoles des institutions au service du développement économique et social303. De même qu’un souci de diversification des filières de formation afin d’offrir aux étudiants une palette de choix de formations beaucoup plus large. Cependant, l’explosion des effectifs d’étudiants principalement dans l’enseignement supérieur public et la situation de l’encadrement qui est largement déficitaire notamment dans les universités publiques, surtout dans les établissements universitaires de provinces est un problème extrêmement préoccupant auquel aucune solution efficace n’a été trouvé jusque là. Les traitements peu attractifs proposés par l’État aux enseignants ne vont certainement pas favoriser l’amélioration de la situation. Comme le fait remarqué Antoine KOUAKOU304 dans une communication au colloque «développement durable : leçons et perspectives»organisé à Ouagadougou au Burkina Faso en 2004, neuf ans après la réforme :

Une chose est sure en tous cas : une urgence s’impose, celle de réformer à nouveau l’Enseignement supérieur ivoirien. Dès lors, cette « Nécessaire réforme » est à comprendre comme devant vivifier, restaurer ou réhabiliter le tout de système, c’est-à-dire lui donner un

303

Loi relative à l’enseignement (Article 51 de la Loi n° 95-696 du 7 septembre 1995)

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souffle nouveau, une force nouvelle apte à le rendre efficace dans sa contribution ou développement durable de la Nation305.

Comme il le dit si bien dans sa communication, loin de rejeter le travail effectué car plusieurs objectifs ont tout de même été atteints, il enjoint à présent d’en déceler l’inopérationnalité. La réforme radicale qui s’impose au système d’enseignement supérieur en Côte d’Ivoire apparaît également incontournable dans les autres pays africains, comme ont pu le constater les chefs d’État et de gouvernement au 6è sommet des Chefs d’État et de gouvernement des pays ayant le français en partage306:

Tous reconnaissent aujourd’hui l’urgence et la nécessité d’une réforme globale et profonde des l’Enseignement Supérieur en Afrique francophone.307

C’est dans cette optique que depuis 2004, un projet d’appui à l’enseignement supérieur et à la recherche est en gestation dans le cadre de l’UEMOA308 pour les pays membres de cette organisation. L’un des points essentiels de ce projet est l’adoption du système LMD d’ici 2008 dans toutes les universités de la région.

305

KOUAKOU A., « Quelles contributions efficientes de l’enseignement supérieur au développement durable des Nations? Le cas de la nation ivoirienne ». Actes du colloque « développement durable : leçons et

perspectives » de Ouagadougou, 1 au 4 juin 2004, p.32.

http://www.francophonie-durable.org/documents/colloque-ouaga-a2-contribution-kouakou.pdf

306

6è sommet francophone, Cotonou (Bénin), 2-4 décembre 2005.

307

« L’université africaine » in Présence et Rayonnement de la francophonie, Cotonou, décembre 1995, p.266. Cité par Antoine KOUAKOU.

308

Organisation rassemblant 8 pays d’Afrique de l’Ouest : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo.

2- La nouvelle réforme de l’enseignement supérieur en Afrique

occidentale

La Banque africaine de développement (BAD) qui a décidé en 1999 de faire de la lutte contre la pauvreté l’objectif central de ces opérations en faveur du développement retenait comme thème majeur la valorisation des ressources humaines. C’est ainsi qu’en 2000 elle informait les États membres qu’elle définissait l’éducation notamment au niveau professionnel et universitaire comme un élément clé de la lutte contre la pauvreté. En juin et juillet 2001 à la suite d’une mission exploratoire visant à opérationnaliser cette orientation, il a été décidé par cette institution d’entreprendre une vaste étude sur l’enseignement supérieur et la recherche (ESR) et envisager la création d’un fond régional d’appui à cet ordre d’enseignement dans l’espoir de collaborer au développement des ressources humaines309. L’UEMOA, dans l’exercice de ses fonctions économique et monétaire a également retenu au rang de ses priorités le développement des ressources humaines310. La commission de l’UEMOA (Département du développement social/Direction de l’enseignement supérieur et de la Formation Professionnelle) sera donc retenue par la BAD pour agir comme agence d’exécution d’une importante étude sur l’enseignement supérieur dans les pays de l’espace UEMOA311. Celle ci marque une volonté politique de renouveau dans ce secteur. Elle était supervisée par un comité de pilotage qui regroupait les ministres de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique des pays membres où leurs représentants, les trois principaux bailleurs de fonds de l’enseignement supérieur dans la région que sont la BAD, la Banque mondiale et la coopération française ; auxquels s’ajoutaient l’ADEA312 (groupe de travail sur l’enseignement supérieur), l’Association des universités africaines (AUA) et l’Agence universitaire de la francophonie (AUF). Huit correspondants nationaux chargés d’effectuer la liaison entre les systèmes d’enseignement supérieur de leur pays respectifs et l’UEMOA ont été désignés par les ministres. Comme suite à un appel d’offres international, la firme SOFEG

309

UEMOA. Étude sur l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA. Phase I. Rapport final, Novembre 2004, p.1.

http://www.uemoa.int/Publication/2005/RapportEnsSupPI.pdf

310

UEMOA. Protocole additionnel n°II relatif aux politiques sectorielles de l’UEMOA. Janvier 1994.

311

UEMOA. Étude sur l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA. Phase I. Rapport final, novembre 2004.

http://www.uemoa.int/Publication/2005/RapportEnsSupPI.pdf

UEMOA. Étude sur l’enseignement supérieur dans les pays de l’UEMOA. Phase II. Rapport final, avril 2005. http://www.uemoa.int/Publication/2005/RapportEnsSupPII.pdf

312

Inc., en partenariat avec l’Association des universités et collèges du Canada (AUCC), a été retenue comme Consultant responsable de l’étude313.

2-1 Les quatre options d’appui à l’enseignement supérieur dans l’espace