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Ce projet fut lancé en 1968, mais c’est trois ans plus tard (en 1971) que la première émission eut lieu. On assista dès les années suivantes (1972-1973) à une généralisation de ce programme dont les principaux objectifs étaient :

- Atteindre un taux de scolarisation de 100 % des enfants en 1983 ; - Œuvrer pour la maîtrise de la langue française chez les écoliers ; - Participer à l’éducation des jeunes issus du milieu rural ;

- Ouvrir l’enseignement sur les technologies ;

- Assurer l’enseignement extrascolaire pour les adultes.

La mise en œuvre de ce programme fut assurée par l’UNESCO, la coopération française (OCORA318, AUDECAM, ORTF319), la fondation Ford et la coopération belge. L’implantation, la valorisation, le fonctionnement et l’évaluation du projet a nécessité l’expertise de nombreux spécialistes occidentaux.

Cette expérience connut un arrêt définitif à partir de 1982, après 14 ans d’existence. Son déclin était d’ailleurs perceptible quelques années avant son arrêt officiel.

1-2 Les causes de l’échec du projet

Les raisons profondes qui ont occasionné l’échec de ce projet sont de divers ordres. Le rapport d’évaluation de ce programme produit par le ministère de l’Éducation nationale320 ivoirien en 1986, nous fournit de multiples informations à ce sujet.

318

Office de coopération radiophonique.

319

Organisation de la radio et de la télévision française

320

RÉPUBLIQUE DE CÔTE D’IVOIRE, Programme d’évaluation télévisuelle, Ministère de l’Éducation Nationale. 1986. Tome III.

1-2-1 La logistique

De très importants moyens financiers furent dégagés pour l’achat d’appareils (dont le marché était exclusivement réservé à l’entreprise THOMSON), et pour les installations qui devaient se faire même dans certains villages reculés du pays, où l’accès à l’électricité était encore impossible. C’était un très vaste projet qui avait pour vocation de se prolonger avec le concours de postes de moniteurs et d’instituteurs moniteurs dans les villages. Les concepteurs du programme avaient également prévu après les émissions télévisées destinées à l’enseignement des écoliers, la création d’émissions pour la formation des paysans. La conception et la réalisation de ces émissions furent confiées au centre télévisuel de Bouaké. Des émissions telles que « Télé pour tous », « Connais-tu mon beau pays » ou encore « La terre au soleil » ont connu un succès plus important que les émissions d’enseignement. Cependant les nombreuses pannes et le non suivi de la maintenance du matériel en a rendu l’exécution très difficile.

1-2-2 La conception des programmes

Un comité consultatif scientifique fut créé en 1970, pour la réalisation scientifique, pédagogique et technique du programme. Il faut cependant déplorer qu’alors que la commission des programmes ne fut installée qu’en 1973, la diffusion des émissions ait débuté dès 1971. Le contenu de ces programmes a été jugé au final pas du tout adapté aux écoles primaires ivoiriennes et surtout le niveau des élèves issus des classes de ces établissements fut jugé largement inférieur à celui de leurs congénères issus des mêmes classes dans les établissements pratiquant encore un enseignement traditionnel. Les détracteurs de ce programme estimaient qu’il accordait une trop grande place à l’oral au détriment de l’écrit et de l’écriture. La qualité des documents pédagogiques fut également remise en cause. Produits quelque peu dans l’urgence, certains rapports d’évaluation les qualifièrent de « retardataires, stéréotypés et dogmatique »321. Par ailleurs, La circulation d’informations entre les CAFOP322 était également pratiquement inexistante.

321

DEUNFF J., Rapport de missions en Côte d’Ivoire pour l’enseignement scientifique intégré, Rapport pour l’UNESCO, 1975.

322

1-2-3 Le fonctionnement du projet

Un rapport323 de l’UNESCO sur le programme d’éducation télévisuelle en Côte d’Ivoire paru en 1974 porte de sévères critiques sur l’absence de coopération entre certains animateurs et formateurs des CAFOP et les responsables de la production de documents télévisuels et écrits. Il n’y avait aucune concertation entre eux et ils ne prenaient même pas la peine de se transmettre les rapports pédagogiques. La mis à l’écart des producteurs des activités des CAFOP a eu pour conséquence bien évidemment la diffusion d’émissions sans qu’aucun essai ne soit fait au préalable.

La formation des enseignants qui est incontestablement un élément essentiel à la réussite de ce programme, fut jugée inadaptée. À en croire le rapport d’évaluation de l’UNESCO, les instituteurs ne furent pas préparés à la nouvelle méthode d’évaluation qu’induisait ce nouveau moyen d’apprentissage. Le caractère non scientifique de la méthode d’évaluation des acquisitions des élèves fut dénoncé. Par ailleurs, les instituteurs étaient de plus en plus nombreux à s’inquiéter du rôle qu’ils avaient à jouer dans ce nouveau contexte éducatif. Ils s’inquiétaient surtout de voir leur rôle se réduire à celui d’un simple animateur.

Les difficultés d’adaptation en classe de 6e des premiers élèves issus de ce programme (en 1977), malgré les recommandations des consultants de l’UNESCO confortèrent l’opinion de ses détracteurs.

L’opinion publique ivoirienne rejeta vivement cette méthode d’enseignement, car elle lui parut trop ludique. En effet, une enquête réalisée en 1985 par le Professeur Hugues KONE324 du CERCOM325 de l’université de Cocody nous confirme que dans leur majorité, les enseignants, chercheurs et parents d’élève (57,12 %), de même que les élèves (53,5 %) considéraient la télévision d’abord et avant tout comme un moyen de divertissement. Les instituteurs dénonçaient également ce programme rejetant l’idée qu’une machine puisse remplacer l’enseignant. Selon eux ce programme entraînait une dégradation de l’enseignement. L’inadaptation de la politique ministérielle en faveur de la formation continue

323

DEUNFF J., Le programme d’éducation télévisuelle en Côte d’Ivoire : Rapport de mission, UNESCO, 1974.

324

KONE H., La dynamique des médias dans les sociétés en mutation. Cas de la Côte d’Ivoire, Thèse de doctorat d’État, Université Louis Pasteur, Strasbourg, 1989.

325

des maîtres et l’absence de soutien logistique permanent pour la durée du programme ont fortement contribué au désaveu de ce projet.