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C L’inflammation dans la BPCO

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Notre analyse de la bibliographie actuelle de TNF et IL6, 2 marqueurs clefs de l’inflammation, montre des variations d’augmentation entre ces 2 cytokines, et entre les différents compartiments étudiés chez les patient BPCO (Figure 16). En effet, le TNF est augmenté dans le compartiment pulmonaire et sanguin des patients BPCO comparés à des sujets sains (respectivement +17 % (n = 773) et +25 % (n = 2893)). Les quelques études réalisées sur des biopsies musculaires du vaste externe montrent une augmentation globale des valeurs protéiques, qui reste cependant très hétérogène (comprises entre -1 % et +432 % (n = 128)), alors que la mesure des ARNm ne montre aucune modification (n = 109). l’IL-6 présentée Figure 16 est fortement augmentée dans le compartiment pulmonaire (+129 %, n = 3345), sanguin (+91 %, n = 409), et musculaire (protéine +86 %, n = 56 ; ARNm +133 %, n = 66). L’augmentation de la C-Reactive Protein (CRP), un marqueur sanguin de l’inflammation systémique [239-242], ainsi que celle de nombreuses interleukines [239, 243], montrent bien que la BPCO est clairement associée à la présence d’un stimulus inflammatoire. L’augmentation de l’inflammation par la fumée de cigarette entraine la prise en compte du statut de fumeur des patients pour limiter les variations des résultats entre les études [244]. L’origine du dosage de l’inflammation est également fondamentale puisqu’une importante hétérogénéité des valeurs existe entre le compartiment pulmonaire, sanguin ou musculaire (Figure 16).

Figure 16 : Modifications du niveau d’expressions de 2 marqueurs de l’inflammation au cours de la BPCO en comparaisons à des sujets sains. L’étude est basée sur les publications : [96, 183, 239-242, 245-265]).ARN : Acide Ribonucléique ; TNF : Tumor Necrosis Factor- ; IL-6 : Interleukines-6.

A l’heure actuelle, la compréhension du passage d’une atteinte pulmonaire seule aux répercussions musculaires attribuées à la BPCO, est plus que parcellaire. En effet, plusieurs candidats ont été avancés par différents auteurs sans pouvoir expliquer toute les atteintes musculaires observées. Le stimulus inflammatoire fait partie de ces candidats potentiels, mais de récentes publications ont montré qu’il n’y avait pas de lien direct entre les cytokines inflammatoires et l’atrophie musculaire du patient BPCO [266].

Toutefois, l’absence de corrélation directe entre inflammation et atrophie musculaire pourrait être expliquée par une théorie défendue par de plus en plus de scientifiques, appelée « Overspill » (Figure 17) [267]. Selon eux, lorsque le tissu pulmonaire subit un stress induit par un agent pathogène, allergène ou irritant, celui-ci produit des cytokines d’origines diverses (leucocytes, tissu épithélial pulmonaire,…) qui vont s’accumuler dans les secrétions pulmonaires. Ces cytokines de 1ere génération vont diffuser dans l’interstitium et activer la

sécrétion de cytokines de second ordre (Figure 17), qui initient l’inflammation dans le compartiment sanguin. Cette migration de l’inflammation pulmonaire vers le compartiment sanguin a déjà été montrée à de nombreuses reprises par des mesures d’augmentations plasmatiques de l’IL1-, TNF, de macrophage inflammatory protein-1 alpha (MIP-1), et de neutrophiles à l’issue d’un stress pulmonaire par différents polluants [268, 269]. De plus, l’efficacité systémique des traitements inhalés, dont on retrouve la molécule active dans la

circulation sanguine, sont des indices clefs qui confirment l’interaction des protéines pulmonaires et sanguines. Chez le patient BPCO, l’hypersensibilité des cellules épithéliales bronchiques lors d’un stress des voies respiratoires, conduit à une augmentation massive des cytokines pro-inflammatoires dans le compartiment pulmonaire, qui sont ensuite détectées dans le compartiment sanguin [270, 271]. Cependant, la migration entre ces 2 compartiments est filtrée par la barrière de l’endothélium pulmonaire et vasculaire (Figure 17), ce qui le dénature et modifie sa cinétique temporelle. Pour ces raisons, il est extrêmement difficile de corréler directement le statut inflammatoire pulmonaire et sanguin sans prendre en compte le décalage temporel entre l’augmentation de l’inflammation pulmonaire qui conduit à celle du compartiment sanguin [265, 272].

Figure 17 : Représentation schématique des mécanismes impliqués dans le phénomène de l’overspill d’après Sinden et al. 2010 [267].

L’importance de la compartimentation de l’inflammation est renforcée par les résultats d’une étude sur les traumatismes crâniens, qui a montré que l’injection d’IL-1 dans le compartiment sanguin n’a pas de répercussions sur la masse musculaire des animaux, alors que la même injection dans le compartiment cérébral induit une perte musculaire de 10 à

15 % [273].

Le stress intense perçu par l’endothélium pulmonaire au cours des exacerbations augmente encore le niveau d’inflammation de ce compartiment [274], ce qui conduit à une hausse significative des protéines de l’inflammation dans le compartiment sanguin [275-277]. Cependant, il est nécessaire de prendre ces résultats avec précaution car une importante proportion de ces études compare 2 populations distinctes (patients en phase stable vs. exacerbation), alors qu’il a été récemment montré qu’une fréquence accrue de survenue d’épisodes d’exacerbations était présente chez les patients avec une inflammation basale plus élevée durant les phases dites stables [278, 279]. Ainsi, l’inflammation plus élevée observée dans les populations en cours d’exacerbations pourrait être en partie due au fait que les patients exacerbateurs présentent une inflammation basale supérieure. Cette idée est renforcée par Karadag et coll. [254] qui n’a montré aucune différence de concentration sanguine du TNF- et de l’IL-6 entre le moment d’admission à l’hôpital des patients et après leur retour à un état stable post-exacerbation.

Comme nous l’avons vu précédemment, la proportion variable de fibres de type I ou II qui composent chaque muscle augmente la complexité des mécanismes de l’atteinte musculaire (voir page 12). Nous avons également vu que la régulation des processus anaboliques de ces différents types de fibres implique des voies de transcriptions différentes. De plus, les 2 grandes familles de fibres musculaires ont une morphologie très différente puisque les fibres I ont un faible diamètre associé à une vascularisation importante, alors que les fibres II ont un diamètre important et une vascularisation moins développée (Tableau 1, page 13). Ainsi la surface d’échange entre le compartiment cellulaire et sanguin est beaucoup plus importante pour les fibres oxydatives que pour les fibres glycolytiques. Ces caractéristiques pourraient favoriser la transmission du signal inflammatoire extracellulaire vers les noyaux des fibres oxydatives comparé aux fibres glycolytiques. Or, les études disponibles dans la littérature sur les patients BPCO se sont focalisées sur l’analyse d’un muscle majoritairement glycolytique, le vaste externe du quadriceps, composé à 62±9,7 % de fibres II [71]. De plus, les biopsies musculaires permettent de prélever un échantillon de la partie externe du quadriceps qui correspond à l’aire de répartition préférentielle des fibres II [280, 281]. Ainsi, il n’est pas exclu que l’inflammation altère différemment les fibres musculaires oxydatives et glycolytiques. Cette hypothèse est étayée par les travaux de Remels

et coll. [260] qui ont montré, avec un modèle de culture cellulaire, une diminution de la proportion des fibres de type I lorsqu’un stimulus inflammatoire est présent dans le milieu de culture. Dans la BPCO, cette sensibilité spécifique des fibres I à l’inflammation pourrait permettre d’expliquer la disparition progressive des fibres oxydatives au profit des glycolytiques [89].

De manière intéressante, une étude publiée par Szulakowski et coll. en 2006 [282] fait un lien entre l’activation chronique de NF-kB dans le tissu pulmonaire des patients BPCO fumeurs ou anciens fumeurs et le niveau d’acétylation de l’histone H3. Selon les auteurs, la pathogenèse de la BPCO serait initiée par l’hyper-acétylation de cibles spécifiques de la chromatine, sujet dépendant, qui modifierait l’expression de gènes favorisant le développement de cette pathologie.

En résumé :

L’inflammation est la réponse physiologique de l’organisme à une agression de l’homéostasie cellulaire. L’inflammation a pour but de protéger la zone lésée et d’accélérer les processus de cicatrisation du tissu afin qu’il retrouve sa fonctionnalité. La transduction du stress est principalement contrôlée par la stabilisation et la translocation de NF-kB, qui augmente la transcription des nombreuses protéines de l’inflammation. Parmi elles, les chimiokines produites dans la zone inflammée favorisent la migration de différentes cellules de l’immunité vers la zone lésée. Les macrophages ainsi recrutés participent à la sécrétion des cytokines dont le TNF et l’IL-1 sont les 2 principaux acteurs initiant l’expression de nombreuses protéines impliquées dans la régulation du signal inflammatoire. Les cytokines augmentent l’anabolisme et le catabolisme protéique afin d’accélérer les processus de cicatrisation des tissus. Cependant lorsque l’inflammation est maintenue dans le temps, NF-kB perd ses propriétés anaboliques, ce qui participe à la dégradation des tissus observée dans les pathologies inflammatoires chroniques.

Dans la BPCO, la présence d’une inflammation d’origine pulmonaire n’est plus à démontrer. En effet, l’hypersensibilité de l’épithélium pulmonaire augmente l’excrétion des cytokines pro-inflammatoires dans le mucus pulmonaire qui diffusent ensuite dans le compartiment sanguin des malades. Son association avec la fréquence et la sévérité des exacerbations placent bien ce stimulus au cœur de l’évolution de la BPCO. Des auteurs ont également suggérés son implication dans la disparition des fibres I, dans la cachexie et la diminution des paramètres musculaires fonctionnels des patients BPCO. Cependant, la diffusion indirecte des protéines de l’inflammation due à leur passage au travers de l’interstitium pulmonaire et des parois épithéliales et endothéliales, modifie la nature du signal inflammatoire ce qui complique la compréhension exacte de son rôle. De plus, les variations de son intensité entre les différents compartiments pulmonaire, sanguin et cellulaire, la modification du rôle pro ou anti-inflammatoire des protéines en fonction de leur origine, ainsi que la redondance d’effets entre les cytokines sont autant de paramètres qui compliquent la compréhension de son rôle dans l’évolution de la BPCO.

IV L’Hypoxie Chronique dans la BPCO

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