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B Répercussions de l’hypoxie sur la masse musculaire

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Lors d’une exposition à un environnement hypoxique, l’organisme déclenche une réponse fonctionnelle immédiate à court terme dans la phase dite d’hypoxie aigüe, ainsi qu’une réponse adaptative à long terme qui permet l’acclimatation de l’organisme lorsque l’exposition hypoxique perdure. Durant ce travail, nous ne développerons pas la réponse fonctionnelle de l’organisme au cours des premières heures d’exposition à l’hypoxie puisque celle-ci ne correspond pas au signal hypoxique observé dans la population BPCO. De plus, au vu du sujet de ce travail, nous nous focaliserons sur les répercussions musculaires de l’HC.

Figure 20 : Gènes cibles dont la transcription est augmentée par la stabilisation du dimère HIF1 (issu de [285]). α1B-AR: α1B-adrenergic receptor, ADM: adrenomedullin, AK3: adenylate kinase 3, ALDA: aldolase A, ALDC: aldolase C, CA9: Carbonic anhydrase 9, EG-VEGF: endocrine-gland-derived VEGF, ENG: endoglin, ET1: endothelin-1, ENO1: enolase 1, EPO: erythropoietin, GLUT: glucose transporter, GAPDH: glyceraldehyde-3-P-dehydrogenase, HK: hexokinase 1, IGF2: insulin-like growth-factor 2, IGF- BP: IGF-factor-binding-protein, ITF: intestinal trefoil factor, LDHA: lactate dehydrogenase A, LEP: leptin, MDR1: multidrug resistance 1, NOS2: nitric oxide synthase 2, PFKBF3: 6-phosphofructo-2- kinase/fructose-2:6-biphosphatase-3, PFKL: phosphor-fructo kinase L, PGK 1:phosphoglycerate kinase 1, PAI1: plasminogen-activator inhibitor 1, PKM: pyruvate kinase M, TGF: transforming growth factor, TPI: triosephosphate isomerase, VEGF: vascular endothelial growth factor, VEGFR2: VEGF receptor-2.

Comme nous l’avons vu, lors d’une réduction de la disponibilité en oxygène d’un compartiment cellulaire, le facteur de transcription HIF n’est plus dégradé et migre dans le noyau pour former un dimère actif, qui initie la transcription des nombreux gènes possédant une séquence HRE (Figure 20). La totalité des séquences HRE ciblées par HIF est difficile à décrire de manière exhaustive du fait de leur grand nombre (>300 [294]). Il est pourtant possible de regrouper les gènes ciblés par HIF en 4 grandes catégories en fonction de leur implication dans : i) l’angiogenèse, ii) la croissance/survie cellulaire, iii) le métabolisme du glucose, iv) les diverses fonctions annexes [285].

Lors de la réduction de la disponibilité en oxygène, l’amélioration de son transport et de sa diffusion tissulaire sont les mécanismes clefs de l’adaptation de l’organisme. À ces fins, HIF active la transcription de nombreux facteurs angiogéniques dont l’un des principaux est la protéine VEGF et son récepteur (VEGFR). Ces 2 protéines jouent un rôle crucial dans la densification du réseau capillaire et donc dans la diminution de la distance de diffusion de l’O2

[295]. Le flux sanguin local est également amélioré par la présence accrue de facteurs régulant le tonus vasculaire tels que l’Endothelin-1 (ET-1) [296], des promoteurs de l’oxyde nitrique (NO) un puissant vasodilatateur [297, 298], de l’hème oxygénase-1 [299], et du récepteur adrénergique-α1B [300].

L’HC est également inductrice de nombreux mécanismes impliqués dans la croissance, la prolifération et la survie cellulaire. Ainsi, la polyglobulie induite par la transcription de l’érythropoïétine (EPO) sous l’action des HIFs améliore la capacité de transport de l’O2 par le

sang [301]. Cependant, comme le montrent les différences de cinétique de stabilisation de cette protéine dans les organes d’animaux exposés à un environnement hypoxique, la sensibilité à l’hypoxie est tissu dépendante [302]. De plus, sous l‘action des HIFs, des protéines de la famille de l’Insulin Growth Factor (IGF), des Transforming Growth Factor (TGF), ou du VEGF [303], les voies de synthèse sont également activées de manière tissu dépendante [302, 304, 305]. Ces différences de sensibilité à l’hypoxie se traduisent par des adaptations qui varient entre les organes. C’est le cas du ventricule cardiaque droit (VD) qui s’hypertrophie après seulement quelques semaines d’exposition hypoxique, sans qu’il y ait de modifications de la masse du ventricule gauche (VG). L’intégralité des mécanismes à l’origine de l’hypertrophie du VD reste à élucider, mais elle semble impliquer une interaction entre les facteurs de croissance/survie, et les facteurs angiogéniques. En effet, l’exposition hypoxique

induit une vasoconstriction réversible du système artériel pulmonaire qui, lorsqu’elle est maintenue dans le temps, conduit à un remodelage des artérioles pulmonaires (Figure 21A). L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) qui découle de l’augmentation des résistances périphériques dues à la vasoconstriction et au remodelage des artérioles, induit une augmentation du travail mécanique du VD qui le contraint à s’hypertrophier [306] (Figure 21B).

Figure 21 : Vasoconstriction et remodelage du système artériel pulmonaire lors d’une exposition hypoxique. (B) cinétique d’apparition de l’hypertrophie du ventricule droit consécutive de l’hypertension artérielle pulmonaire. HTAP : Hypertension Artérielle Pulmonaire ; VD : Ventricule Droit.

La réduction de la disponibilité en O2 tissulaire perturbe également le métabolisme. En

effet, les organes soumis à un environnement hypoxique réorientent leur métabolisme en favorisant les enzymes de la glycolyse tel que l’hexokinase (HK), la phospho fructokinase (PFK), la phosphoglycerate kinase (PGK), l’anhydrase carbonique CA9, la Glycéraldéhyde-3-

phosphate déshydrogénase (GAPDH), ainsi que les transporteurs du glucose GLUT-1 et GLUT- 3 [307]. Pourtant, malgré une augmentation de la glycolyse anaérobie en situation d’hypoxie, la lactatémie tissulaire est transitoirement diminuée durant quelques semaines. Cet effet contre-intuitif, appelé « paradoxe du lactate », joue un rôle majeur dans l’homéostasie énergétique du tissu musculaire [308]. Il serait dû à une amélioration du couplage fourniture/demande de l’ATP lors de l’importante réorientation métabolique des tissus soumis à cet environnement [294].

Tout comme l’entrainement en endurance, l’environnement hypoxique est un puissant activateur de PGC1déjà mentionné dans la section sur l'activité transcriptionnelle du muscle (voir page 23). En effet, son rôle régulateur du pool mitochondrial et du métabolisme oxydatif cellulaire [309] favorise l’acclimatation de l’organisme à l’hypoxie. Toutefois son activation est indépendante de celle de HIF en condition hypoxique [310].

Figure 22 : Cascade de régulation du peroxisome proliferator-activated receptor coactivator-1 [311]. TH : Thyroid hormone, NOS/cGMP: nitric oxide synthase, p38MAPK: p38 mitogen-activated protein kinase, SIRTs: sirtuines, calcineurin, CaMKs: calcium-calmodulin-activated kinases, AMPK: adenosine- monophosphate-activated kinase, CDKs: cyclin-dependent kinases, β/cAMP: β-adrenergic stimulation, NRFs: nuclear respiratory factors, ERRs: estrogen-related receptors, PPARs: peroxisome proliferator- activated receptor coactivator.

Le rôle cellulaire de PGC1 est en partie similaire à celui de HIF puisqu’il augmente l’angiogenèse et la transcription des protéines de la glycolyse. En revanche, il s’oppose à HIF pour la biogénèse mitochondriale [312], et le métabolisme oxydatif [313] en favorisant l’oxydation des acides gras par l’intermédiaire des PPAR [135]. Cependant, des auteurs suggèrent que les nombreuses modifications post-traductionnelles possibles de PGC1 (Figure 22), modifient la nature de ses effets, ce qui pourrait conduire PGC1 à bloquer l’augmentation des PPAR lors d’une exposition à un environnement hypoxique [309].

L’hypoxie est donc un puissant stimulateur des mécanismes d’adaptation de l’organisme. Parallèlement à cet anabolisme énergivore initialement mis en place (polyglobulie, angiogenèse,…), l’organisme réduit également sa consommation d’oxygène en réduisant son métabolisme basal [314, 315]. L’atrophie musculaire est l’une de ces « économies » énergétiques réalisées par l’organisme puisque même au repos, le tissu musculaire représente approximativement 1/

4 du métabolisme basal chez un jeune adulte

masculin. Ainsi, si l’on suppose que la consommation d’1 L d’O2 libère 5 kcals [316], l’entretien

de son tissu musculaire nécessite l’apport de plus de 300 L d’O2 par jour. Chez l’homme, une

diminution de la masse musculaire est classiquement observée lors d’une exposition hypoxique prolongée environnementale [317] et pathologique [3]. Des études réalisées sur des rats en croissance ont montré que l’exposition à l’HC des animaux diminue de 30 % la masse musculaire des animaux hypoxiques comparés aux contrôles, en multipliant la protéolyse par 5 et la protéosynthèse par 1,5 [318]. Toutefois, l’augmentation de la protéosynthèse a été contredite par plusieurs travaux qui montrent une inhibition de la voie de synthèse Akt/mTOR lors d’une exposition à l’HC [319, 320]. En revanche, l’augmentation de la transcription de MuRF-1 et MAFbx, ou de la quantité de protéines ubiquitinées semble le dénominateur commun en faveur de l’activation de la protéolyse, pour toutes ces études. La différence des résultats obtenus sur les voies de protéosynthèse pourrait être expliquée par la sensibilité spécifique des muscles à l’HC. En effet, lors d’une HC, le gastrocnémien et l’EDL, deux muscles glycolytiques, présentent une atrophie musculaire beaucoup plus importante que le soléaire, principalement composé de fibres oxydatives [321, 322]. Une plus grande stabilisation de HIF-1 a également été décrite dans les muscles glycolytiques comparé aux muscles oxydatifs [323]. Du fait des caractéristiques morphologiques intrinsèques à chaque type de fibres, les fibres de type I ont une distance de diffusion de l’O2 très faible

comparé aux fibres de type II. Ce qui pourrait expliquer qu’elles soient plus résistantes à la diminution de la disponibilité en O2.

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