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B.2 Le muscle du patient BPCO

Dans le document en fr (Page 32-36)

Comme cela a été présenté dans la section II.A.2, la BPCO se traduit par une disparition progressive des fibres oxydatives de type I au profit des fibres de type II, dites fibres glycolytiques [102]. Ce remodelage typologique réoriente le métabolisme musculaire des patients, vers un profil favorisant la production énergétique par la voie métabolique anaérobie [103]. Cependant, la même augmentation de l’anaérobie a été obtenu en comparant des cerveaux de sujets sains avec des patients alors qu’aucune modification de la composition cellulaire n’était présente [104]. Ce résultat suggère que la réorientation métabolique dans le muscle du BPCO n’est pas une conséquence de l’augmentation de la proportion de fibres de type II, mais un mécanisme parallèle à ce remodelage.

Des études de la fonction mitochondriale des muscles locomoteurs des patients BPCO ont également mis en évidence une détérioration du couplage et de l’activité des complexes de la chaine respiratoire [105, 106]. Cette dysfonction mitochondriale semble particulièrement marquée dans le vaste latéral de patients BPCO ayant une IMC inférieur à 20

[107]. Toutefois, un travail publié par Picard et coll. en 2008 [108] conclut que ces perturbations de l’activité mitochondriale pourraient être dues à l’augmentation de la proportion de fibres II, qui produisent intrinsèquement plus de radicaux libres que les fibres I. Cette reorientation de la typologie pourrait également expliquer la diminution de la 3- Hydroxyacyl-CoA déshydrogénase, une enzyme clef de la -oxydation, chez les patients BPCO comparés à des sujets sains [109]. Le rôle de la diminution de l’efficacité mitochondriale dans l’atteinte musculaire est développé de manière plus approfondi par l’intermédiaire de la production musculaire de radicaux libre (Cf. section IV.C, page 55).

Les patients BPCO montrent également une altération des acides aminés plasmatiques à chaine branchés [110], et du glutamate associé à une réduction du glutathion intramusculaire des patients emphysémateux [111]. Cette perturbation systématique du profil des acides aminés est étroitement liée au degré du catabolisme musculaire des patients. La diminution de la concentration plasmatique en glutamate semble être un témoin de la capacité de diffusion de l’O2 réduite par l’emphysème des patients. Lorsque la réduction du

glutamate est associée à une diminution du glutathion, la sollicitation de la glycolyse augmente, comme en témoigne l’augmentation accélérée de la lactatémie lors d’un exercice physique [110, 112]. Les fortes perturbations de la concentration en glutamate ainsi que la diminution du glutathion des muscles du membre inférieur alors que celles des muscles respiratoires tel que le diaphragme sont épargnés [113], montrent encore une fois une atteinte très hétérogène ente les groupes musculaires. La diminution significative des acides aminés après exercice dans le quadriceps de patients BPCO, couplée à leur augmentation plasmatique [114], semble indiquer une augmentation du turnover des acides aminés [115]. Cela pourrait être une conséquence de l’inflammation chronique de ces patients [116], qui traduit bien une perturbation du métabolisme musculaire. Cependant, ces données sont à prendre avec prudence et ne sont pas la preuve formelle d’une modification de l’équilibre de la masse musculaire du patient BPCO.

Dans la population BPCO une forte prévalence du diabète existe, sans que les mécanismes ne soient clairement identifiés. Quelques études ont cependant montré que l’inactivité, la corticothérapie, ainsi que des altérations mitochondriales pourraient être impliquées dans les mécanismes initiateurs de ces troubles métaboliques [112]. Or, l’atteinte métabolique et mitochondriale observée chez les patients uniquement diabétiques, est très

proche de celle observée dans la BPCO (avec ou sans diabète) [117]. Ces altérations communes concernent la réduction des capacités d’oxydation du pyruvate et des acides gras [118, 119], la diminution de la densité mitochondriale [120], ainsi que de la forme protéique de la protein proliferator-activated receptor-γ (PPAR-γ) [121] et de la transcription du facteur de transcription PPAR coactivator-1α (PGC-1α) [122]. La diminution de ces 2 facteurs de transcriptions responsables de l’initiation du développement du métabolisme oxydatif [123], concorde avec les altérations musculaires observées dans la BPCO.

En résumé :

Chaque type de fibre musculaire possède des caractéristiques structurelles et fonctionnelles qui leurs permettent de répondre au mieux à la nature du travail mécanique demandé. Ainsi les fibres de type IIx et IIb sollicitent principalement le métabolisme anaérobie qui permet la libération d’une grande quantité d’énergie sur une courte période de temps. Les fibres IIa ont un profil métabolique mixte et les fibres de type I sont quasiment exclusivement oxydatives, ce qui leur permet de maintenir une faible intensité de contractions sur de longues périodes. Cette orientation fonctionnelle se répercute sur leur phénotype. Les fibres de type IIb et IIx (dites glycolytiques), ont un diamètre important associé à une faible vascularisation alors que les fibres I (dites oxydatives) ont un faible diamètre avec un réseau capillaire dense. Les fibres IIa présentent encore un phénotype intermédiaire avec un diamètre important associé à une vascularisation développée. Le phénotype propre à chaque type de fibre est à l’origine de variations de la surface d’échange entre le compartiment sanguin et cellulaire qui pourrait expliquer l’hétérogénéité de l’atteinte musculaire observée chez les patients. En effet, chaque groupe musculaire des patients présente une diminution de la proportion de fibres I plus ou moins marquée. Cette disparition des fibres I au profit des fibres II est la symétrie parfaite de l’évolution du muscle du sujet sain âgé, qui perd ses fibres II au profit des fibres I. L’altération des fibres I du patient BPCO peut être en partie expliquée par la diminution de la vascularisation des muscles, induite par une diminution de VEGF, qui ne permet plus à ces cellules de subvenir à leur besoin en O2. Cela pourrait également expliquer la transition du

métabolisme aérobie vers l’anaérobie lactique qui est observée chez les patients BPCO. Cette transition se retrouve également dans le tissu cérébral, ce qui semble indiquer qu’elle n’est pas seulement due à l’augmentation de la proportion des fibres II.

Au niveau cellulaire, la BPCO est à l’origine d’une diminution de la densité mitochondriale, d’une réduction des protéines responsables de l’oxydation, et d’une augmentation de l’activité des enzymes de la glycolyse. Ces modifications augmentent le stress oxydant et la production de lactate intramusculaire des muscles du membre inférieur. Cependant la moyenne d’âge des patients BPCO étant supérieure à 45 ans, il est difficile de différencier les atteintes musculaires liées au vieillissement de celles induites par la pathologie elle-même.

Toutefois, le déclin plus rapide des qualités de force et d’endurance des muscles, ainsi que la disparition progressive des fibres de type I, sont des signatures caractéristiques de l’évolution de cette pathologie, qui poussent certains auteurs à parler de myopathie du BPCO.

Dans le document en fr (Page 32-36)