• Aucun résultat trouvé

C L’hypoxémie et stress oxydant dans la BPCO

Dans le document en fr (Page 68-74)

Une étude publiée en 2006 [324] a montré qu’une hypoxémie était présente chez seulement 2 % des 5 993 participants, alors que 80 % de ceux-ci étaient l’objet d’une oxygénothérapie. Ce décalage montre bien la difficulté de statuer sur la présence ou non d’une limitation de la disponibilité en oxygène au niveau des différents tissus de l’organisme.

Figure 23 : Compilations de différentes études ayant mesuré la pression artérielle en oxygène (PaO2) de patients BPCO modérés à sévères, comparés aux sujets contrôles sains du même âge (A). Corrélation entre le pourcentage du volume d’expiration forcé par seconde prédit (VEMSprédit) et la PaO2 (B), présentée dans ces mêmes études. Cette figure est basée sur notre analyse des articles : [183, 239, 240, 242, 246, 249, 250, 254, 259, 263].L’analyse statistique a été réalisée avec un test de Student (A) et l’indice de corrélation a été déterminé avec un test de Pearson (B) à partir des valeurs moyennes des différentes études. ◊ : Contrôle, • : BPCO.

Notre analyse, basée sur 10 articles actuels de la littérature ayant mesuré le VEMS et la PaO2 de patients BPCO modérés à sévères stables, met pourtant en évidence une valeur

moyenne de la PaO2 significativement abaissée chez les patients BPCO. En effet celle-ci est de

71,4±9,6 mmHg, soit 20 mmHg en dessous de la valeur des sujets sains (p<0.001, Figure 23A), et une corrélation existe (r=0,643, p<0.05) entre le VEMS prédit et la PaO2 des sujets (Figure

23B). Un lien semble exister entre diminution de la PaO2 et la BPCO. Il serait principalement

dû à un déclin progressif du débit ventilatoire, à l’augmentation de l’espace mort anatomique et à la destruction emphysémateuse des capillaires pulmonaires. Ce remodelage artério- pulmonaire est à l’origine d’une perturbation du rapport Ventilation alvéolaire sur Perfusion (Va/Q) [325] qui diminue la PaO2 des patients. De plus, le gradient d’oxygène, appelé cascade

de l’O2, qui existe entre la ventilation alvéolaire, le compartiment sanguin et les tissus irrigués

complexifie beaucoup l’évaluation de l’impact d’une diminution de la PaO2.

Figure 24 : La réduction séquentielle de la pression partielle de l'oxygène à travers la cascade de l'oxygène, de l'air vers les mitochondries des cellules musculaires [326].

Le coefficient directeur de la pente entre la pression partielle en O2 de l’environnement

et celle disponible au niveau mitochondrial est influencé par de nombreux paramètres dont, le rapport Va/Q, l’affinité de l’hémoglobine pour l’oxygène, et la consommation d’oxygène du tissu associée à la densité de son réseau capillaire. Ainsi, puisque la qualité de la diffusion de l’O2 peut être altérée à chacune des différentes étapes, la mesure d’une saturation sanguine

en O2 normale, n’est pas forcément synonyme d’une disponibilité optimale au niveau de la

mitochondrie. Quelques études réalisées avec la technique de Spectroscopie Proche Infrarouge (NIRS), ont permis de mesurer un delta d’oxyglobine dans le muscle entre une situation de repos et d’exercice. Ces résultats montrent la survenue rapide d’une diminution

de la saturation de l’oxymyoglobine (SmO2) dans le vastus lateralis de patients BPCO soumis

à un effort sous-maximal à maximal en comparaison avec des sujets sains [327]. Une autre étude publiée par Medeiros et coll en 2014 a confirmé ce résultat au cours d’une stimulation neuromusculaire sous-maximale du vastus lateralis, en montrant une augmentation plus importante du rapport deoxy-hémoglobine/myoglobine des sujets BPCO comparés à des sujets sains [328]. Ainsi, avec une même diminution de la PaO2 mesurée, les patients BPCO

auraient donc une restriction plus marquée de l’oxygénation des tissus, conduisant à une mise en place plus précoce des mécanismes d’adaptation à l’hypoxie. Ce résultat pourrait être dû à l’augmentation de la distance de diffusion de l’O2 entre le compartiment sanguin et

musculaire des membres inférieurs des patients BPCO, consécutif de la diminution de la vascularisation de ces tissus [98, 119]. Au cours des exacerbations, la présence d’un œdème pulmonaire, d’un spasme bronchique et d’une augmentation plus ou moins marquée de la production de sputum [329], diminue le rapport Va/Q, ce qui augmente le stress hypoxique perçu par les tissus.

Cette pathologie est également synonyme d’une augmentation du stress oxydant au niveau du compartiment sanguin [330] et pulmonaire [331]. Bien que nécessaire à de faibles niveaux, l’accumulation des espèces réactives de l’oxygène (ROS) peut avoir des effets délétères pour les cellules. En effet, les ROS, sont des atomes ou molécules possédant un ou plusieurs électrons non-appariés sur la couche orbitale externe. Ces électrons « célibataires » sont extrêmement labiles, ce qui leur confère une forte capacité d’interaction avec les molécules ou atomes avoisinants, avec comme conséquence la perturbation de la fonction et de la structure des différentes protéines cellulaires. Les radicaux libres impactent majoritairement la structure des lipides, des protéines et de l’ADN [332], pouvant conduire jusqu'à la mort cellulaire lorsque les capacités des défenses anti-oxydantes sont dépassées.

Dans la BPCO, l’origine de ce stress oxydant est multiple. En effet l’inflammation systémique de bas grade présente dans cette population [330], ainsi que la fumée de cigarette [333] sont des facteurs importants de production des ROS. À cela, s’ajoutent les conséquences de l’hypoxie tissulaire, qui perturbe le couplage de la chaine respiratoire et favorise l’émission des ROS par la mitochondrie [334]. Pour finir, le fait que 15-18 % des patients BPCO soient obèses avec un IMC >30kg/m2 [335] et que 38 % soient en surpoids (25kg/m2>IMC>30kg/m2)

population. Or, le SaOS se traduit par des pauses respiratoires à l’origine d’épisodes d’hypoxies transitoires, suivies de phases de réoxygénation rapides lors de la reprise de la respiration. La consommation importante d’O2 des cellules de l’organisme pour rembourser

la « dette » contractée durant la phase apnéique est à l’origine d’une augmentation massive de la production de ROS [337]. Les apnées du sommeil participent donc à la stabilisation d’un signal hypoxique associé à des phases de stress oxydatif intenses qui semblent être impliqués dans l’atrophie musculaire observée dans la BPCO [178, 206, 338, 339].

De manière intéressante, hypoxie et inflammation sont 2 signaux étroitement intriqués. En effet, l’inflammation augmente la stabilisation de HIF-1 en normoxie comme en hypoxie chronique [340]. Inversement, l’exposition hypoxique augmente la transcription des cytokines IL-1, TNF, IL-6 et de différentes chémokines au niveau du sinus carotidien [341]. Une étude récente a montré que l’interaction entre ces 2 voies était possible par le truchement de la protéine NF-kB [291]. Ces résultats renforcent l’idée d’une coopération entre hypoxie et inflammation dans l’évolution de la BPCO [342, 343].

En résumé :

La réduction de la disponibilité en oxygène des tissus, qu’elle soit environnementale ou sanguine, initie une série d’adaptations de l’organisme qui sont principalement contrôlées par les facteurs de transcription HIF. Lors de l’hypoxie, HIF n’est plus dégradé, il s’exporte dans le noyau et forme un dimère actif qui initie la transcription des nombreuses protéines ayant une séquence Hypoxia Response Element. Ces protéines jouent principalement un rôle dans l’angiogenèse, la prolifération, la survie, et le métabolisme du glucose. Lorsqu’elle se maintient dans le temps, l’hypoxie est également connue pour ses répercussions sur le système artériel pulmonaire à l’origine d’une hypertrophie du ventricule droit, et pour l’atteinte du tissu locomoteur qu’elle induit. En effet, l’hypoxie chronique perturbe le métabolisme cellulaire, et entraine une fonte musculaire en augmentant les protéines impliquées dans la protéolyse. De façon surprenante, les muscles les plus touchés par l’hypoxie sont les muscles ayant un apport énergétique sollicitant principalement le métabolisme anaérobie.

Dans la BPCO, la présence d’un signal hypoxémique, continue, à l’effort, durant les phases de sommeil ou au cours des exacerbations est courante. De plus, la diminution de la densité du réseau capillaire sanguin augmente la distance de diffusion, et donc la cascade de l’O2 au niveau tissulaire. Ainsi, il est possible que des patients présentant des valeurs de PaO2

normales subissent quand même les effets de l’hypoxie au niveau tissulaire. De plus, il existe une voie d’interaction entre l’inflammation et l’hypoxie car NF-kB permet la stabilisation de HIF même en présence d’O2.

Le stress oxydant, l’augmentation des voies de protéolyses, l’atteinte spécifique des fibres de type II par l’hypoxie et l’interaction existant entre l’hypoxie et l’inflammation sont autant d’arguments qui permettent de placer l’hypoxie comme un acteur potentiel de l’altération musculaire des patients BPCO.

V Epigénétique, du microenvironnement à l’atteinte musculaire

Les mécanismes épigénétiques favorisent l’adaptation de l’organisme aux nouvelles contraintes auxquelles il est soumis en faisant le lien entre les perturbations environnementales exogènes ou endogènes et le niveau d’expression des gènes [344]. Au cours des maladies chroniques, la perturbation de l’homéostasie altère le microenvironnement cellulaire ce qui conduit à la mise en place de modifications des marquages épigénétiques comme cela a été montré dans la BPCO [345, 346]. En effet l’inflammation systémique [17, 347] associée à l’hypoxémie [20, 348] présente chez les patients BPCO, sont des perturbations endogènes typiques qui induisent la mise en place d’un marquage épigénétique. Le nombre croissant de maladies chroniques, ainsi que le développement des techniques permettant la mesure des mécanismes de l’acétylation en a fait une discipline de premier ordre. Depuis sa première apparition dans la littérature scientifique en 1958 [349], l’occurrence du terme « epigenetic » n’a cessé de croitre, avec une accélération exponentielle depuis le début des années 2000 (Figure 25).

Figure 25 : (A) Occurrence par année du terme « epigenetic » dans le titre ou les mots clefs des articles scientifiques ramené au nombre total de publications référencés par Pubmed.

Dans le document en fr (Page 68-74)