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CHAPITRE 1 DÉFINITIONS DES MOUVEMENTS ECCLÉSIAUX ET DES

4. L’inculturation

4.3 L’inculturation en postchrétienté

L’inculturation signifie la participation culturelle et citoyenne des membres d’une Église dans la vie, les projets et les débats de société à laquelle ils appartiennent, en cohérence avec leurs convictions religieuses. Pour vivre, interpréter et exprimer la foi et les valeurs chrétiennes au sein d’une société postchrétienne, croyants et communautés chrétiennes doivent s’inculturer. Ainsi, les Églises pourront être présentes dans le monde et pertinentes dans leurs propositions comme dans leurs actions. C’est alors que la foi chrétienne pourra éventuellement être partagée et reçue, permettant ainsi aux chrétiens de contribuer au développement de la société en vue du bien commun comme expression du règne de Dieu dans le monde, sans quoi l’inculturation demeure incomplète.

Comme exemple de l’inculturation au Québec, je pense à ce que les Jésuites ont légué à la ville de Montréal : dans le domaine de l’éducation, le Collège Brébeuf ; pour les arts visuels comme pour ceux de la scène, le Gésu, centre de créativité ; en matière d’engagement social, le Centre Justice et foi ; dans les médias, la revue Relation et pour terminer, un lieu de retraite, la Villa St-Martin. Mais ces institutions furent établies pendant l’ère forte de la chrétienté au Québec. Comme nous l’a dit précédemment Murray, « […] les institutions qui ont été construites pour exprimer les convictions chrétiennes perdent leur influence. » Afin de conserver leur prestige, elles peuvent se séculariser, comme c’est le cas au Collège Brébeuf. Pour les autres institutions, la communauté croyante qui les soutient continue à vieillir et les jeunes sont moins nombreux pour en assurer la relève.

La postchrétienté signifie que nous habitons une culture réfractaire à l’Église et au christianisme dans leurs expressions formelles et institutionnelles. Mais l’est-elle quant au message humano-divin de l’Évangile ? Tout comme les premiers disciples qui réparaient leurs filets, les Églises d’aujourd’hui n’ont le choix que de réparer les leurs. Il n’y a pas de

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raccourci dans le projet du royaume de Dieu. Il faut admettre que nos filets culturels sont brisés et sont à réparer, soit à être « refabriqués ». La postchrétienté exige des Églises de repenser leur mission.

Bellerose a fait un travail important pour aider les Églises et les chrétiens du Québec à comprendre les principes essentiels qui sont en jeux dans leur relation avec le monde séculier et qui les aideront à assurer cette transition plus que nécessaire. Il explore la « présence tout à fait nouvelle de la religion dans la vie publique […] par l’émergence, voire l’explosion de la société civile qui rend publique la vie privée140. » Il affirme que « la religion a un rôle à jouer dans la vie publique141 », et ceci de deux façons particulières. Premièrement, par son ardente défense des principes démocratiques selon lesquels les chrétiens ont droit de parole en tant que citoyens. Ils peuvent ainsi se positionner comme critiques de toutes politiques ou groupes qui voudraient imposer à la société des principes ou des lois qui vont à l’encontre du bien commun. C’est ici le deuxième rôle des chrétiens, selon lequel ils cherchent, par les moyens de la démocratie, à humaniser la société moderne, à rendre le Royaume de Dieu présent dans sa mesure historique142. L’émergence des Églises, si elle doit avoir lieu, doit se réaliser en même temps et au sein même de l’émergence de la société civile, car c’est là qu’elles sont annonciatrices du royaume de Dieu au cœur même des projets de société.

Selon Bellerose, l’individualisation ou la personnalisation de la foi chrétienne en postchrétienté doit être mise en valeur du fait qu’aucune institution centrale ou politique ne la transmet comme norme à croire143. Toutefois, comme le fait remarquer Os Guinness, la liberté de conscience et de religion est à présent reconnue à chacun144. Dorénavant, « le croire chrétien s’inscrit dans un cadre de foi et non de croyances145 ». C’est à titre individuel qu’une personne doit assumer sa foi. Dans le cadre de la société civile actuelle, ce sont les chrétiens en tant que citoyens qui deviennent alors les principaux porte-parole et les interprètes de la foi chrétienne et non plus les Églises locales dont ils sont membres.

140 M. Bellerose, Les chrétiens ..., p. 8. 141 M. Bellerose, Les chrétiens ..., p. 8. 142 M. Bellerose, Les chrétiens …, p. 9. 143 M. Bellerose, Les chrétiens ..., p. 148, 149. 144 O. Guinness, The Global Public Square ..., p. 16. 145 M. Bellerose, Les chrétiens ..., p. 151.

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Ceci n’enlève pas aux Églises leurs rôles en tant que lieu de communion, d’inspiration et de formation des chrétiens, mais dorénavant le vécu et le témoignage de la foi chrétienne sont ceux de chaque membre dans le quotidien de sa vie. L’inculturation vient, en fait, transformer aussi l’Église. Le jésuite, Juan Carlos Scannone, en fait le résumé.

La réforme de l’Église selon l’Évangile […] vise à ce que l’Église renonce à son autoréférentialité et s’éloigne kénotiquement d’elle-même pour la mission que lui a confiée le Christ. Elle est le peuple de Dieu envoyé à tous les peuples de la terre et à chacune de leurs personnes, en dialogue avec eux […] Cet épanchement incarnationnel et kénotique de soi implique inculturation, pauvreté et service aux pauvres146.

L’émergence de l’Église que semble susciter en nos jours l’Esprit Saint, paraît la même, quelles que soient les traditions. L’Église à tendance ecclésiocentrique serait-elle appelée à devenir l’Église envoyée et dispersée à travers le monde ? Une dernière réflexion sur l’inculturation doit devenir, à mon sens, le point de départ de tout projet d’inculturation. Je la propose ci-dessous.