L’Église conserve une distance avec la sphère politique

109 4.2 Analyse des catégories sélectives

Il aurait été possible de regrouper toutes les unités de sens (les données) dès le début et de ne faire qu’un seul exercice de catégorisation. Je n’aurais, dans ce cas, formulé qu’une seule question, mais j’ai procédé de la sorte pour ne pas perdre de vue les différentes sphères étudiées4. Celles-ci nous permettent de comprendre, même si ce n’est que peu, la complexité du monde dans lequel les chrétiens ont à vivre, interpréter et exprimer leur foi. La relation avec chacune des sphères est particulière et les réponses à chacune d’elle peuvent être nuancées d’une personne à l’autre. Enfin, ces données pourraient servir à d’autres études. Commençons l’étude des quatre nouvelles catégories.

1. L’Église encourage une présence engagée dans les sphères culturelles et sociales 5 occurrences/2 sphères/43 unités de sens (44 %).

Liste regroupée des catégories axiales : SC1 ; SC3 ; SS1 ; SS3 ; SC5.

Parmi nos quatre catégories, celle-ci réunit cinq des douze occurrences, retrouvées dans les sphères culturelles et sociales, pour un total de 43 (44 %) des unités de sens sur les 98. Elle reconnaît sans ambages et en toute simplicité que le lieu de l’Église c’est le monde, car elle fait partie du monde et sa vocation se réalise en étant présente au monde et en utilisant les ressources du monde (SC1). L’histoire de l’Église est ancrée dans l’histoire du monde et ne peut alors s’en dissocier. Bien avant qu’ils forment l’Église, ses membres sont premièrement des êtres humains faisant partie de l’ordre créé des cieux et de la terre et à qui a été remise la responsabilité de gouverner la terre à l’image du Créateur. L’Église est par ce fait même solidaire de la vocation initiale et perpétuelle donnée à toute l’humanité. Sa mission s’inscrit à l’intérieur de cette réalité fondamentale et incontournable dont les sphères sont les dimensions et les domaines de la gouvernance.

L’Église est alors participante de la vie du monde et doit contribuer pleinement et sans calcul au bien-être de celui-ci, autant pour la santé de la planète et de ses lieux naturels que pour celle de ses habitants. Ainsi, elle encourage ses membres à participer et à contribuer sans réserve à la vie culturelle et sociale de sa ville, de son pays et du monde (SS1). La vocation de l’Église dépasse le cadre purement religieux dans lequel elle s’est souvent cantonnée et

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dont le rôle est celui du soutien spirituel de ses membres dans leurs engagements propres au sein des autres sphères, là où ils participent avec d’autres citoyens à la gouvernance du monde.

La créativité humaine est essentielle pour la réalisation de tout projet faisant partie de sa gouvernance, qu’il soit culturel ou social. L’imagination et l’exploration ouvrent la porte à des idées tangibles afin de répondre à des besoins particuliers. Chacun contribue selon ses dons et ses talents que ce soit par la réflexion conceptuelle, l’organisation administrative, le travail manuel ou la création habile d’un objet d’art (SC3). Ce qui est particulier aux croyants, c’est la spiritualité de reconnaissance, de générosité et d’obéissance qui devrait normalement les accompagner dans leur ouvrage et le fruit de la plénitude et du bien-être qui devrait en résulter.

Dans tout ce qu’ils entreprennent, les croyants doivent avoir à cœur le bien de leurs prochains, quels qu’ils soient. Dans son désir de rapprochement avec ses concitoyens, l’Église encourage ses membres à découvrir leurs propres vocations au sein des sphères et qui les guideront dans leurs études, leurs carrières et leurs loisirs (SS3). Pour certains, ce sera dans le domaine des arts et de la culture tandis que pour d’autres, l’empathie les conduira vers une profession sociale ou libérale. Il est toutefois important de souligner qu’aucun métier ou profession ne peut en soi pleinement satisfaire la vocation d’une personne et que celle-ci souvent dépasse le cadre de son emploi. Un artiste, dans ses temps libres, peut faire du bénévolat au sein d’un organisme qui œuvre auprès des personnes handicapées tout comme une infirmière peut chanter dans une chorale. Un être humain habite toutes les sphères. Pour le bénévolat, les besoins sont criants et pour les arts et la culture, les occasions sont nombreuses pour les amateurs.

Enfin, l’Église peut elle aussi créer des évènements culturels ou offrir des services d’ordre social quand elle en a les moyens (SC5). Encore ici, les possibilités sont à la grandeur de l’imagination.

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2. L’Église réfléchie à comment articuler la foi dans son interaction avec les sphères culturelles, sociales et politiques

4 occurrences/3 sphères/31 unités de sens (31,5 %).

Liste regroupée des catégories axiales : SC4 ; SP1 ; SP2 ; SP4.

Cette deuxième catégorie vocationnelle regroupe 4 occurrences qui, ensemble, contiennent 31 (31,5 %) des unités de sens. Bien que ces occurrences soient tirées des analyses propres aux sphères culturelles et politiques, la catégorie inclut aussi la sphère sociale. En fait, la catégorie SP2 nous apprend que l’Église traite de politique dans une perspective d’implication sociale.

Cette vocation particulière de l’Église est en continuité avec la précédente. Elle nous informe au fait que les membres qui composent l’Église, présents dans les sphères presque partout sur la terre, veillent sur le monde et y portent une écoute attentive dans leur rôle particulier de « lumière du monde et sel de la terre » (Mt 5,13-16). Ainsi, elle prie en tout temps pour la paix, la réconciliation et la rédemption du monde. Elle regarde de près afin de voir où et comment celles-ci s’inscrivent et sont possibles dans les sphères culturelles, sociales et politiques dont le monde est composé. Elle cherche à discerner comment elle peut y contribuer, non seulement en tant qu’institution, mais aussi et surtout par la participation journalière de ses membres à l’intérieur même des sphères (SP1). Que peuvent-ils offrir afin de résoudre un problème, régler un conflit, combler un manque, modifier une pratique ou proposer une solution ? Cette qualité d’attention permet de discerner là où il est possible d’intervenir positivement. Tout comme Dieu qui soutient toute chose est discret aux yeux du monde, l’Église l’est aussi dans sa présence à travers ses membres dans les sphères du monde. Mais elle est présente et elle prie afin d’apporter comme elle le peut la paix, la réconciliation et la rédemption. De plus, sur le plan politique, ses membres participent en allant voter aux élections.

L’Église doit parfois s’opposer à certaines orientations de l’Église comme du monde, et ce, à travers ses membres. Par son discernement en vue du bien du monde, elle constate que certains raisonnements, comportements, tendances et choix vont à l’encontre du bien, du beau et du vrai. D’une part, elle doit le dire et exposer la faille. Elle reconnaît l’égarement présent dans l’Église comme dans le monde et le mal que celui-ci inflige aux humains comme à la

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terre. D’autre part, elle doit aussi offrir des pistes de réflexion et d’actions en vue de remédier à la situation. Elle veut s’investir là où ses propositions portent du fruit, mais demeurer toutefois fidèle quand ce n’est pas le cas. L’Église est porteuse d’espérance d’où sa patience et sa persévérance jusqu’au bout. Toutefois, il faut aussi considérer le fait que de telles prises de position de la part des chrétiens à l’égard de certaines causes ne peuvent autrement que d’en conduire certains vers une implication politique, non pas pour une question de pouvoir, mais dans le seul et unique but de servir leurs prochains, dans l’espoir que les besoins de tous sur le plan social soient comblés d’une manière ou d’une autre, comblés (SP2).

3. L’Église veut incarner la foi dans les sphères culturelles et sociales 2 occurrences/2 sphères/20 unités de sens (20,5 %).

Liste regroupée des catégories axiales : SC2 ; SS2.

Cette troisième catégorie ne retient que 2 occurrences et 20 (20,5 %) des unités de sens. De nouveau, elles s’adressent aux sphères culturelles et sociales comme lieu où incarner et contextualiser la foi (SC2 ; SS2). En fait, la présence et la prière des chrétiens, là où ils se retrouvent dans les sphères, témoignent d’un désir et d’une espérance universelle, la venue du royaume de Dieu. Leur présence au milieu du monde profane et postchrétien a aussi en vue celui de vivre, d’interpréter et d’exprimer la foi chrétienne dans un langage et selon une forme qui soit non pas forcée, mais compréhensible dans le contexte particulier. Encore plus profondément que la qualité de leur travail, leur présence au monde s’inscrit dans une vision de réconciliation universelle avec soi, avec son prochain, avec la terre et avec Dieu. Leur participation à la vie profane est vécue dans l’amour de Dieu et du prochain. C’est ce qui donne un sens et une valeur encore plus larges à son travail ponctuel. Les études, le travail et les loisirs représentent des moments de la vie qui s’inscrivent et qui ont comme but la transformation du monde comme lieu béni par la présence de Dieu.

4. L’Église conserve une distance avec la sphère politique 1 occurrence/1 sphère/4 unités de sens (4 %).

Liste regroupée des catégories axiales : SP3.

La dernière de nos catégories est composée que d’une seule occurrence et de 4 (4 %) des unités de sens. Elle exprime une distance quant à la politique dans quatre Églises où il nous

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est dit que l’on n’en parlait presque pas ou pas du tout. Toutefois, pour deux de ces Églises, il est aussi fait mention qu’elles s’intéressaient à la politique dans une perspective d’implication sociale. Finalement, ce ne sont que deux Églises où l’on ne parlait pas de politique. Cela ne nous dit rien par rapport aux convictions et pratiques des membres de ces Églises. Peut-être serait-il juste de conclure que cette distanciation de la sphère politique n’est pas un refus de s’y engager, mais témoigne plutôt d’une hésitation prudente possiblement dû à un manque d’assurance et d’expérience.

Je viens de terminer ici l’analyse des réponses aux questions 7 à 9 qui font l’objet de ma recherche. J’y reviendrai au chapitre 5 afin de procéder à la synthèse de mon étude.