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L’impulsion des autorités locales et les premières mesures de départs anticipés dans

1.5 L’emploi des jeunes et l’intérêt porté sur les rapports professionnels et

1.5.1 L’impulsion des autorités locales et les premières mesures de départs anticipés dans

Le cas de la Tunisie n’est pas isolé, en effet comme nous avons pu le lire dans plusieurs revues spécialisées, « le choc démographique », à savoir le départ de toute une génération et son remplacement par une autre qui ne présente pas les mêmes attributs, a été un phénomène anticipé par les banques.

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En effet, comme l’annoncent certains auteurs, à l’image de Philippe Michelin58, « le choc ne

sera pas brutal », et ce contrairement à ce que l’on peut croire, car selon lui les banques avaient déjà pris leurs prédispositions du fait de leurs propres anticipations, mais aussi du fait de dispositions législatives.

Pour le cas Français, la loi Fillon du 4 mai 2004 a provoqué les deux principales retombées suivantes :

- l’allongement de la durée de vie professionnelle au-delà de 60 ans.

- le départ anticipé des salariés qui ont commencé à travailler très tôt et qui étaient encore nombreux dans les catégories d’âge.

Pour le cas Tunisien largement influencé par la tutelle du Ministère des Finances, les directives de la Banque Centrale et les bailleurs de fonds internationaux, l’heure est également aux programmes de départs anticipés.

Cette mesure a été retenue en 2006 pour réduire les charges alors que dans les années quatre vingt dix la priorité était celle du recrutement de jeunes pour redynamiser les banques tunisiennes, sans programme de préretraite.

Ceci a été fait sous l’impulsion commune des pouvoirs publics et des autorités financières en matière d’emploi en vue de palier à diminuer le chômage des jeunes diplômés des établissements universitaires.

En effet, d’après la note d’orientation du 11ème Plan paru en mars 2006, il apparaît que l’emploi a bénéficié durant la décennie 1997-2006 d’un intérêt particulier et a été « érigé au premier rang des préoccupations de l’Etat ».

Ceci provient du fait que l’on accorde à l’emploi un rôle important d’autant plus que l’on reconnaît au facteur humain et toujours au sens de cette note d’orientation la possibilité d’impulser « la croissance et de participer à la concrétisation des objectifs de développement ».

Ainsi, et dans le même sens, l’on relève dans cette même note qu’il existe déjà depuis une dizaine d’années une augmentation du nombre de demandes additionnelles d’emploi.

Leur nombre atteindrait 769 milles avec toutefois une évolution qualitative due, essentiellement, à l’accroissement du nombre des diplômés de l’enseignement supérieur qui est passé de 15,6 milles durant l’année universitaire 1996-1997 à près de 54 milles au cours de l’année universitaire 2005-2006.

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Michelin Philippe, Revue Banque, supplément « Formation », « Départ en retraite : Organiser le transfert des

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Mongi Bchir et Jacques Vallin59 précisent quant à eux au niveau de l’évolution de la structure

par âge de la population de la Tunisie que le pays qui « achève tout juste la transition de sa fécondité, très peu de temps après l’avoir entamée, entre déjà dans cette phase du progrès sanitaire où les progrès ultérieurs de l’espérance de vie seront porteurs de vieillissement démographique ».

C’est dire combien ce phénomène, encore à peine amorcé, va s’étendre avec rapidité.

Certes, le pays entre actuellement dans cet « âge d’or » où la part de la population d’âge actif se gonfle et où la charge des classes d’âge dépendantes (jeunes de moins de 15 ans et personnes âgées de plus de 60 ans) diminue ».

Ce taux de dépendance serait tombé de 55% en 1946 à 43% en 1994.

Toutefois, les deux auteurs précisent pour revenir à cet âge d’or, qu’ « il sera de bien plus courte durée que celui qu’ont connu les pays à transition plus ancienne, beaucoup plus lente (Vallin 199460 ).

Confortant cette idée deux autres auteurs, à savoir Abdessalem Dammak et Ridha Damak61,

qui s’intéressent à l’évolution de la population active par grands groupes d’âges et de sexe de 1974 à 1994, indiquent que « la proportion des actifs de moins de 25 ans montre une nette tendance à la baisse sur toute la période aussi bien pour le sexe masculin (de 31% en 1975 à 23% en 1994) que pour le sexe féminin (de 52% à 39%) ».

Les deux auteurs expliquent cette diminution par le fait d’une « amélioration des taux de scolarisation aussi bien dans l’enseignement secondaire que supérieur (surtout pour le sexe féminin) ».

Mais, ils soulignent également que « la tendance à la baisse de la proportion des actifs (masculins et féminins) de moins de 25 ans et de plus de 60 ans au profit d’une concentration des actifs dans la tranche d’âge 25-59 ans est révélatrice à la fois du développement de l’instruction des jeunes, de la meilleure protection sociale accordée aux personnes âgées et de l’évolution de l’activité économique ».

59 Bchir Mongi et Vallin Jacques, « l’évolution de la structure par âge de la population », pp257-276 in

« Population et développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse Locoh, Cérès Edition, Avril 2001.

60 Vallin Jacques, « Réflexion sur l’avenir de la population mondiale », Les dossiers du CEPED, Paris, CEPED,

n° 26, 1994, 28 p.

61 Dammak Abdessalem et Damak Ridha, « L’emploi et l’activité économique » pp 379-398 in « Population et

développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse Locoh, Cérès

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Ils procèdent aussi à l’identification par secteur d’activité et précisent que « le secteur traditionnel de l’agriculture, où l’on commence très tôt à travailler et où il n’y a pas d’arrêt de l’activité à un âge défini, régresse au profit des activités secondaires et tertiaires ».

D’où une certaine domination des activités du tertiaire par rapport aux autres secteurs d’activité.

En effet, en matière d’emploi, la politique poursuivie depuis 1994 et jusqu’aux années récentes a permis d’après la note d’orientation du 11ème plan de la République Tunisienne 2007-2011 la création de 705 mille postes d’emploi.

Cette création de postes a participé à éponger environ 91,7% des demandes additionnelles contre 89% durant le 8ème Plan et de réduire le taux de chômage de la population active âgée de 15 ans et plus de 15,9% en 1997 à 14,2 % en 2005.

Il est même indiqué au niveau de cette même note d’orientation que pour obtenir ces résultats « la politique de l’emploi s’est basée sur un ensemble d’axes focalisés essentiellement sur l’accélération du rythme de la croissance, la promotion de l’investissement, l’encouragement de l’initiative privée et de l’entrepreneuriat ».

Toutefois, il est clairement mentionné également que cela a été rendu possible du fait du « traitement actif du marché de l’emploi à travers l’institution et le renforcement d’un ensemble de programmes et d’instruments ».

Aussi, pour améliorer l’employabilité des demandeurs d’emploi et faciliter leur insertion dans la vie active, plusieurs initiatives ont vu le jour. Une des plus récentes a été celle de la création en 1998 de la Banque Tunisienne de Solidarité pour les micros projets avec la mise en place d’un système de micro crédits.

Mais, d’autres créations ont été faites en parallèle comme celle effectuée en 2000 et inhérente au Fonds National pour l’Emploi (le fonds 26-26) qui a bénéficié depuis sa création et jusqu’à la fin 2006 avec les autres mesures instaurées à près de 911 mille bénéficiaires.

Ainsi la structure de la population occupée a subi une nette évolution dans la mesure où la part des occupés ayant le niveau supérieur est passée de 8,3% en 1997 à 13,1% en 2005. Cette augmentation a essentiellement concerné le secteur financier ainsi que les secteurs de l’électricité, de l’enseignement, de la santé et des services orientés vers les entreprises.

De plus et dans un esprit de désengagement de l’état, plusieurs initiatives ont été portées pour encourager l’entreprenariat privé et inciter les entreprises à recruter surtout les diplômés du supérieur. Cela a consisté par exemple à favoriser les investissements créateurs d’emploi dans les zones dites prioritaires, où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale.

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Ceci a permis une nette augmentation de la part des occupés dans les secteurs de l’industrie et des services par rapport à celle des secteurs de l’agriculture et de la pêche dont la part a encore diminué d’après le dernier recensement général de la population et de l’habitat où elle passe de 20,9% en 1997 à 16% en 2004.

Ainsi, et en guise de prolongement, un autre élément important mérite à présent d’être soulevé, il concerne l’évolution du chômage.

Pour ce faire et si l’on considère la variable «jeunes universitaires », il apparaît clairement une que les demandeurs d’emploi ayant un niveau universitaire sont de plus en plus nombreux. Leur part dans le total des chômeurs est passé de 3,6% en 1997 à 13,6% en 2005.

Pour comprendre cette évolution il convient alors de considérer la hausse continue des diplômés universitaires qui a eu également pour effet de créer une hausse du taux de chômage de ceux ayant le niveau universitaire et qui a atteint 14,8% en 2005 contre 8,1% en 1997. En revanche un point positif est à souligner, à savoir la diminution des demandeurs d’emploi dont la durée de chômage dépasse une année et qui passe de 49,1% en 1997 à 40,2% en 2005, d’où près de 9 % en moins.

L’ensemble de ces indicateurs fait apparaître que les diplômés universitaires constituent au sens de la note d’orientation « une pression croissante d’une période à l’autre en raison de l’augmentation de leur nombre, d’un côté, et de l’inadéquation entre certaines spécialités et les besoins réels du marché de l’emploi de l’autre ».

Abdessalem Dammak et Ridha Damak62 concluent ainsi « qu’en dépit du relatif essor de

l’économie et des efforts pour répondre à l’entrée des nouveaux actifs sur le marché de l’emploi, le problème du chômage reste épineux et domine les préoccupations des autorités, tant il est difficile de mettre en œuvre une politique adéquate, susceptible d’approcher le plein emploi ».

Ils soulignent par ailleurs, que « durant les deux premières décennies du développement, l’incohérence entre les objectifs en matière d’emploi et les mesures d’application de la politique de développement a été l’un des obstacles majeurs à la réalisation du plein emploi ». Mais, ils n’omettent pas de préciser que dans la période récente les possibilités de création d’emploi ont été assez limitées et ce, comparé aux possibilités réelles existantes.

En effet, dans une des meilleures périodes comme 1992-1996 nous sommes à peine arrivés à satisfaire la demande additionnelle.

62 Dammak Abdessalem et Damak Ridha, « L’emploi et l’activité économique » pp 379-398 in « Population et

développement en Tunisie, la métamorphose », sous la direction de Jacques Vallin et Thérèse Locoh, Cérès

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Les deux auteurs ajoutent également que c’est le secteur tertiaire qui s’est développé le plus, ces dernières années et affirment que le chômage toucherait selon eux la population jeune, âgée de moins de 25 ans (hommes et femmes confondus).

La situation de la création des emplois est aussi fonction des régions et les deux auteurs font observer que c’est essentiellement les grandes régions urbanisées qui offrent les meilleures opportunités.

Par ailleurs, comme l’annonce Elisabeth Coulomb63

, rédacteur en chef de la Revue Banque, les banques doivent «intégrer des nouveaux instruments comme le droit individuel à la formation ou la valorisation des acquis et de l’expérience qu’il faut rendre compatible avec des actions de formation par nature centrées sur des intérêts collectifs ».

Ainsi, ce cadre législatif qui veut organiser « la formation professionnelle tout au long de la vie » est aussi en soi une incitation à revoir les formations destinées aux seniors qui, comme énoncé plus haut, peuvent aujourd’hui prolonger leur vie professionnelle au-delà de 60 ans. Cela est aussi le cas en Tunisie où l’on parle d’une retraite au niveau des banques, qui serait prévue pour un âge de 62 à 63 ans, au lieu et place des 60 ans conventionnels et une retraite anticipée non plus à cinquante cinq ans mais cinquante sept ans.

Même si la question de la formation tout au long de la vie est inscrite dans les orientations du 11ème plan et de la décennie 2007-2016 en tant que priorité et qu’elle passe par le fait de « renforcer la formation professionnelle de base et promouvoir la formation continue », il demeure que le taux d’accès continue d’afficher, d’après la note d’orientation de ce même plan, des niveaux assez bas, à savoir 23% actuellement en Tunisie alors que ce taux est de 80 % en Allemagne et de 40 % en France. Le désengagement de l’Etat n’étant plus à démontrer, il faut souligner que le secteur privé, ainsi que le secteur productif seront appelés à apporter une plus grande contribution à l’accroissement de la capacité de formation, à la diversification et au développement de la formation par alternance et de l’apprentissage professionnel homologué.

Toutes ces mesures d’encouragement peuvent paraître pour beaucoup de jeunes, vides de sens, étant donné que pour plusieurs d’entre eux, il n’y a pas d’application réelle et palpable. Pour le cas des banques françaises, Philippe Michelin64

précise que ces éléments « ont lissé dans le temps les vagues de départ qui s’organisent de façon plus progressive », car comme nous pouvons le constater cela n’est pas sans conséquence pour les générations suivantes.

63 Coulomb Elisabeth, « La formation dans la banque », Revue Banque, in Supplément « Formation », 2005, p3. 64

Michelin Philippe, « Départ en retraite : Organiser le transfert des connaissances », Revue Banque, in supplément « Formation », 2005, pp30-31.

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Les banques tunisiennes affrontent en ce moment des préoccupations semblables, même si le mouvement est beaucoup plus perceptible au niveau des premières banques publiques comme la Société Tunisienne de Banque ou la Banque Nationale Agricole, dont la première a fêté son cinquantième anniversaire en 2008 et la seconde en 2009.

Cela est également perceptible, mais dans une moindre mesure, au niveau de la banque de l’Habitat, troisième grande banque publique tunisienne, qui dispose quant à elle d’une vingtaine d’années d’activité.

En effet, ceci est du en partie, et surtout pour les deux premières banques énumérées, au fait qu’elles emploient un effectif plus important que les autres banques de la place et qu’elles ont été créées juste après l’indépendance du pays.

Pour le cas français, Elisabeth Coulomb65, va même faire une projection en indiquant que

« même si les banques font face aux premiers départs en retraite des baby-boomers des années 1940, il est certain que le mouvement s’intensifiera dans les prochaines années ».

Toutefois, elle n’apporte aucun éclairage sur la manière avec laquelle les banques vont y remédier précisément.

1.5.2 L’intérêt inhérent à une transmission des connaissances entre les