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1.7 Convergence inhérente à une homogénéisation des facteurs d’évolution des deux secteurs

1.7.3 L’exigence d’une élévation du niveau de diplôme

L’exigence d’une élévation du niveau de diplôme n’a pas les mêmes motivations pour les banques allemandes et tunisiennes.

En effet, cette élévation est longtemps restée liée à un héritage issu d’une volonté politique d’investissement dans les ressources humaines pour les banques tunisiennes et à une forte tradition de formation duale pour les banques allemandes.

Il convient ici d’insister sur les traits communs à la fois en matière d’embauche et de gestion des carrières, avec élévation des exigences du niveau de diplôme lors du recrutement en rapport avec la transmission des connaissances au sein des deux banques respectives (allemandes et tunisiennes).

En effet, étant donné que l’impact de cette évolution des besoins se fait sentir à la fois sur les politiques d’embauche et sur la gestion interne du personnel dans les deux pays, il devient intéressant d’en analyser les répercussions sur la transmission intergénérationnelle des connaissances au sein de la population interne des deux banques.

Cela ne peut alors être rendu possible que si nous parvenons à ressortir les rapports socioprofessionnels existants entre seniors et jeunes dans le cadre de leur activité au sein de la banque.

Nous pouvons ainsi remarquer que l’élévation du niveau de diplôme lors du recrutement est à même de remettre en cause l’articulation formation initiale/formation continue, et peut en soi montrer l’existence d’un affaiblissement des marchés internes traditionnels.

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Ainsi, aussi bien pour les banques allemandes que tunisiennes nous pouvons constater comme mentionné plus haut, les deux s’orientent vers la recherche de jeunes recrues disposant d’un niveau élevé d’instruction (généralement issus de l’université) même s’il pouvait jadis ne pas y avoir d’exigences d’un pré requis minimal à l’embauche en termes de diplôme.

En effet, au niveau de ces deux types de banques (allemande et tunisienne) l’héritage d’une formation interne en alternance et sur le tas participait à justifier l’existence d’un corps de métier des banquiers, opaque aux embauches externes et qui se concentrait essentiellement sur son marché interne.

L’ouverture des banques au marché externe a un double effet. Elle participe dans un premier temps à casser l’héritage d’un cloisonnement et d’une fermeture du marché interne longtemps pratiquée qui n’a pas permis de renouveler au fur et à mesure la population des salariés de la banque, d’où un effet d’âge et un vieillissement certain aujourd’hui.

Dans un deuxième temps, elle permet également aux seniors en place de pouvoir négocier leurs avantages avec les employeurs du fait des connaissances clés qu’ils détiennent et qu’ils peuvent transmettre aux jeunes pour une éventuelle codification très recherchée afin de tenter de pérenniser le cœur du métier bancaire.

En Tunisie, les banques commencent à avoir cette tendance à élever le niveau d’exigence de diplômes pour le recrutement des jeunes même s’ils perçoivent, de par la tradition de formation sur le tas, que les diplômes ne signifient pas toujours une compétence avérée. Ils introduisent également des notions nouvelles comme la direction par objectif, le management transversal pour accroître leurs profits et maintenir un rapport favorable qui leur permet de maintenir voire d’augmenter leur pouvoir de domination sur les salariés.

Toutefois, il demeure que la majorité des recrutements qui s’est opérée depuis le début des années 1990 montre bien que la tendance est celle relative à l’embauche des jeunes diplômés sous l’influence des pouvoirs publics et dans le cadre de plusieurs encouragements.

Ces encouragements visent essentiellement à résoudre la question du chômage à travers l’emploi des nouveaux diplômés qui constituent la demande additionnelle.

Ainsi, les banques de dépôt tunisiennes, contrairement aux banques allemandes, n’ont pas encore totalement saturé leur marché même si elles ont déjà mis en place des stratégies de réductions d’effectifs, essentiellement préconisées sous la pression des principaux bayeurs de fonds internationaux (FMI et Banque Mondiale).

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A la même époque, pour le niveau « de base », correspondant au guichetier de l’agence, les banques tunisiennes sont passées d’un recrutement de titulaires du baccalauréat à un pré requis minimum de diplôme de bac+2 (DEUG).

Récemment, elles ont encore élevé le niveau et embauchent des titulaires de diplômes bac+4 à bac+6 (formations universitaires professionnalisées comme les DESS mais aussi écoles de commerce, Institut de Financement du Maghreb Arabe (IFID).

Les spécialités recherchées sont variables même si une préférence est retenue pour la finance, le droit, l’informatique, le management, ainsi que d’autres spécialités qui ont également une part non négligeable.

Toutefois, le cadre légal, surtout pour les banques publiques tend à exiger pour la nomination au premier poste à responsabilité, à savoir chef de division, un minimum de niveau qui a été fixé au bac +4.

Cette exigence est officielle étant donné qu’elle a été inscrite au JORT (Journal Officiel de la République Tunisienne).

Selon Christine Bruniaux98, « pour les banques allemandes, le mode traditionnel d’insertion

des sortants du système scolaire est l’embauche en apprentissage, au niveau de base (Bank Klerk), dans le cadre du système dual99. Or, les pré-requis en termes de diplôme semblent

s’élever pour l’entrée en apprentissage, bien que les employeurs s’en défendent, affirmant que ce qui compte, ce sont les compétences cognitives et les aptitudes sociales, en témoignent les batteries de tests utilisées dans les processus d’embauche. De fait, le résultat est là : les titulaires de Mittlere Reife (diplôme de l’enseignement secondaire court) sont de plus en plus concurrencés par les titulaires de l’Abitur (diplôme de l’enseignement secondaire long) pour les embauches en apprentissage de Bank Klerk (employé de banque) ; les seconds sont actuellement majoritaires au sein des apprentis ».

Cette même tendance existe au niveau des banques tunisiennes, étant donné que le personnel des catégories subalternes (personnel d’exécution et personnel de service) est constitué aujourd’hui des jeunes recrues disposant en général d’un minimum de niveau, souvent le Bac ou Bac +2.

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Bruniaux Christine, « Evolution de l’emploi et des qualifications dans le secteur bancaire »,

Synthèse élaborée dans le cadre de la troisième phase des travaux d’EDEX - WP3, à partir des rapports nationaux de cinq pays, (Espagne, l’Italie, le Royaume-Uni, l’Allemagne et la France) à l’attention du Zentrum für Sozialforschung Halle, mai 2001.

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Au début des années 1960, 50% des salariés passaient par l’apprentissage ; depuis les années 1970, cette proportion est stable à 80%.

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Par ailleurs, les chefs de division, qui sont de surcroit seniors partant à la retraite, sont remplacés par des jeunes universitaires en accord avec l’exigence inscrite au JORT pour les banques publiques, alors même que ces postes managériaux auxquels la tradition et l’usage au sein des banques tunisiennes n’associaient aucun diplôme obligatoire, étaient souvent occupés par des non diplômés, en particulier grâce aux mécanismes de promotion interne, et de l’ancienneté dans le poste.

Ce même mouvement de recrutement des diplômés existe également pour les banques allemandes, car comme le signale Christine Bruniaux100

« les banques allemandes n’ont pas recruté de titulaires de l’enseignement supérieur avant les années 1980, mais actuellement le rythme d’augmentation de leur part dans les effectifs est supérieur à la moyenne nationale, en particulier grâce à l’augmentation de l’offre de diplômés en économie depuis 1985 (15% sont constamment embauchés par le secteur) ; en informatique également, les embauches de titulaires de l’enseignement supérieur ont fortement augmenté depuis 1990 ».

Ainsi, compte tenu de ce qui vient d’être énoncé plus haut, nous pouvons remarquer que dans les banques tunisiennes et allemandes, les marchés internes s’affaiblissent, et les embauches de jeunes diplômés externes, voire de personnes expérimentées issues d’autres banques concurrentes viennent perturber les filières traditionnelles de promotion et remettre en cause les modalités existantes d’intervention de la formation continue.

L’embauche de débutants plus diplômés a même un impact sur l’organisation pyramidale traditionnelle dans la mesure où ils accèdent très vite à des grades importants et brûlent souvent les étapes, soit dès l’origine en étant intégrés à des niveaux plus élevés, soit en bénéficiant d’un avancement plus rapide dans les premières années (Tunisie, Allemagne). Pour les banques tunisiennes, l’augmentation de la population des jeunes diplômés universitaires a facilité la donne aux employeurs qui cherchaient à trouver des jeunes plus qualifiés et à moindre coût et qui se trouvaient face à un problème de renouvellement des générations.

Ceci est inhérent aux grandes lignes tracées par le Président Habib Bourguiba qui avait tenu à rendre l’enseignement obligatoire aux enfants et élèves, dès son accès à la Présidence de la République Tunisienne, après l’indépendance du pays en 1956.

Comme nous pouvons le constater aujourd’hui cette politique a porté ses fruits étant donné que le remplacement des salariés titulaires ou non d’un diplôme et qui font valoir leur droit à

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la retraite sont remplacés par de jeunes diplômés universitaires beaucoup plus qualifiés par leur diplôme que par leur expérience.

De plus, ces jeunes étaient assez naturellement attirés par la banque du fait des avantages et de la position dont jouissait ce métier sur l’échelle sociale.

Pour les banques allemandes en revanche et comme le souligne Christine Bruniaux, « le système dual, modalité traditionnelle d’embauche, s’est trouvé fortement percuté par l’élévation du degré de diplôme des sortants du système éducatif, toujours fortement motivés par cette modalité d’embauche aux débouchés quasi-garantis et par le secteur lui-même, traditionnellement attirant.

Par conséquent, les embauches en apprentissage deviennent plus sélectives, même si le critère d’embauche principal n’est pas formellement le diplôme, mais les résultats à des tests. Le niveau de formation générale des jeunes embauchés s’élevant, la formation liée à l’apprentissage peut être allégée; l’apprentissage traditionnel est rendu plus modulaire et une nouvelle modalité de formation duale plus courte est mise en place pour les diplômés du supérieur »

Ainsi, comme nous pouvons le constater cette élévation de niveau a été bénéfique aussi bien : - pour les jeunes (diplômés allemands que tunisiens) puisqu’ils ont plus de facilité à

accéder à un emploi au sein de la banque

- que pour les employeurs qui doivent affronter : les départs à leur retraite de leurs salariés âgés, gérer les exigences au niveau de l’emploi et au niveau d’une clientèle devenue de plus en plus exigeante.

Les secteurs bancaires de chaque pays ont donc adapté leurs stratégies de recrutement et de formation en fonction de l’importance qu’ils accordent au diplôme, à l’évolution de l’offre de formation, mais aussi au contexte et aux caractéristiques particulières de la population des jeunes.

1.7.4 Répercussion de l’élévation du niveau sur les recrutements et les rapports