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Parler de l’imaginaire revient à évoquer l’imagination, domaine mystérieux et plein d’énigmes que les scientifiques et les chercheurs n’ont pas pu élucider jusqu’à nos jours. Néanmoins ils ont pu le définir, c’est le cas notamment, des auteurs de Puissance de l’imagination : « L’imagination est la faculté que nous avons de former des images en l’absence de l’objet qu’elles représentent. L’imagination tient à la sensation et à la perception, qu’elle reproduise l’image d’une perception passée, ou qu’elle compose, en associant plusieurs de ces images, une image nouvelle qui pourrait advenir. Elle peut donc être reproductrice ou novatrice, certains vont même jusqu’à dire créatrice. » (Durvye, Cervellon, Laupies & Santerre, 2006 : 1). L’imagination ne nait donc pas du néant, elle puise dans la mémoire, les images déjà perçues pour les réutiliser dans le présent. D’où son caractère reproducteur, qui ne représente d’ailleurs pas la seule fonction de l’imagination. Elle serait ainsi limitée et mimétique. En fait, toujours d’après les mêmes auteurs, elle est aussi novatrice, elle renouvelle sans cesse les images que nous avons du monde extérieur chose qui donne plus de liberté au sujet qui utilise ces images selon ses besoins. C’est le cas du locuteur qui puise, dans son imagination, les images qu’il attribuera aux langues qu’il parle.

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Les langues étant un des éléments extérieurs sur lesquels nous projetons nos idées, nos sentiments voire nos fantasmes, elles sont donc sujettes aux manipulations de notre imagination. Cette dernière nous invite à dépasser les frontières du réel, du « connu » et à tenter l’« inconnu ». Ceci est peut-être la réponse à tous ceux qui cherchent où se situe l’imagination par rapport à la réalité et aussi par rapport à la fiction. L’imagination se base sur des images réelles et déjà vécues. En effet elle ne peut pas utiliser des images qui n’ont jamais existé. Elle peut les changer, les transformer, en créer d’autres, mais toujours d’après des images réelles. L’imagination puise donc sa matière dans le cœur même de la réalité, elle est de ce fait indissociable de ce côté matériel que représente le réel, et qui est en quelque sorte la graine de l’imagination.

1.1. La position des réalistes

Les réalistes, quant à eux rejettent l’imagination « pour son caractère immatériel et chimérique : la représentation imaginaire n’a pour eux aucune existence réelle, elle est subjective, inexacte, mensongère ; elle n’a pas de support matériel apparent, c’est une réalité idéalisée et reconstruite. » (Durvye, Cervellon, Laupies & Santerre 2006 : 3). Mais des voix s’élèvent contre les réalistes et avancent que l’imagination est un facteur essentiel à l’accomplissement de la réalité, de la vie de l’être, qui serait bien pauvre sans l’imagination, qui est en vérité la lumière qui nous guide vers nous-mêmes et nous éclaire sur les coins et recoins de notre vie affective et nous aide donc à mieux nous connaitre et à mieux connaitre les autres et le monde extérieur. Dans ce monde, l’image « est la seule réalité connaissable et assimilable par notre esprit ; nous ne connaitrons pas l’objet en soi, mais nous pouvons ainsi concevoir ce qu’il est pour nous. » (Ibid : 5). Ceci est applicable au domaine des langues, lorsque le locuteur, grâce à son imagination, construit dans son esprit les images qu’il a d’une langue qu’elle lui soit étrangère ou pas.

1.2. L’imagination et la science

Les auteurs de Puissances de l’imagination, cités plus haut affirment que l’imagination est indispensable dans toute démarche scientifique. Pour soutenir leur point de vue, ils présentent la notion d’hypothèse comme argument et avancent que l’hypothèse formulée par le chercheur est imaginaire jusqu’à ce qu’elle soit vérifiée par l’expérience, et que cette hypothèse joue un rôle primordial dans l’évolution de la connaissance. De ce fait il est évident que la démarche scientifique dépend entièrement de l’imagination. Ils ajoutent que

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l’imagination des objets et leurs représentations dans notre cerveau nous permettent d’être attentifs à ces mêmes objets.

1.3. L’imagination, entre subjectivité et objectivité

L’imagination reflète nos désirs, nos envies, voire nos fantasmes, elle est personnelle, et donc subjective et propre à chacun. Elle traduit ce qui se passe en nous. Elle émane de l’intérieur de chaque être humain, elle est, en quelque sorte la source et l’aboutissement de chacun. « (…) l’imagination est ce pouvoir qu’a le moi de se poser simultanément comme fini et infini. » (Vaysse, 1994: 104). L’imagination nous procure le pouvoir de remettre en cause ce qui est déjà établi. Ce concept est fortement lié aux jugements de valeur et aux attitudes du sujet parlant.

1.4. L’apport de l’imaginaire à l’enseignement/apprentissage des langues

L’homme vit dans un monde qui est loin d’être simple, et avec la complexité de sa constitution il ne peut rester indifférent vis-à-vis des évènements et des rencontres qu’il fait dans son quotidien. En effet, « […] toute rencontre mène à des imaginaires. Toute personne qu’un individu croise fait surgir en lui des mécanismes qui le poussent à recourir à des imaginaires - les siens, ceux de la personne rencontrée et ceux des autres. » (Auger, Dervin, Suomela-Salmi, 2009 : 11). Ceci est aussi applicable pour les langues. En effet, une rencontre avec une langue étrangère, dans notre cas, le français, mène forcément à des imaginaires. Ces derniers vont influencer l’apprentissage de cette langue d’une manière positive ou négative, tout dépendra de l’image qu’aura l’apprenant de cette langue.

Dans le but de gérer ces imaginaires et de les utiliser dans le bon sens dans l’enseignement/apprentissage des langues étrangères, les auteurs cités plus haut ont procédé à la didactisation de ces imaginaires. Ils proposent d’étudier les imaginaires chez les apprenants et les enseignants du FLE pour « comprendre pourquoi telle ou telle pratique pédagogique et inopérante ou au contraire intéressante pour l’enseignement-apprentissage des langues, et comment elles permettent d’aller au-delà des regards figés sur l’autre et le même. »(Ibid : 13). Ils soulignent, entre autres, l’importance de la prise de conscience de ces imaginaires qui contribuera, d’après eux, à éclairer la relation entre la langue et la culture.

Marie-José Barbot (2009), évoque la rencontre avec l’étranger et avance que « le propos ici est de voir de façon empirique, comment effectuer le contact avec l’autre, et comment s’exposer à l’autre signifie s’aventurer dans des continents inconnus, tout en découvrant que ses propres références se brouillent dans le regard de l’autre, sans se

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démontrer ni prendre son cap. » (Ibid : 19). Néanmoins, elle ajoute plus loin que cette rencontre suscitera chez le sujet plus d’un sentiment comme la peur, la fascination, la curiosité, le rejet, etc. Elle insiste de même, sur l’appartenance culturelle qui risque de brouiller la relation du sujet à la langue, chose plus qu’évidente en ce qui concerne les apprenants algériens qui ont chacun sa vision de la langue française et ceci par rapport à l’histoire des deux pays, à savoir, l’Algérie et la France.

Il est donc très important de savoir comment utiliser la culture dans le processus d’apprentissage aussi faut-il prendre en compte « ce que l’on apprend dans une culture et comment on l’apprend […] comprendre le sens de ce que les acteurs d’une culture mettent en scène. »(Ibid : 24)