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Bronckart (2011) précise également qu’il ne s’agit pas d’appliquer aveuglément une démarche d’induction durant les activités de structuration.

Il s’agit de l’adapter, en la combinant avec « (...) la formulation de règles et la réalisation d’exercices d’apprentissage » et en fonction de la situation car elle n’est pas toujours et systématiquement nécessaire (p. 15). L’auteur met d’ailleurs en garde contre un phénomène de cause à effet incorrect (p. 15) :

Appliquer une démarche de découverte n’implique pas que l’acquisition des catégories et des règles de la langue soit naturelle ou spontanée; la découverte est une condition pour un apprentissage et cet apprentissage se traduira nécessairement par la mise en place de notions grammaticales plus ou moins techniques. Le processus de découverte n’exclut donc en aucun cas un produit grammatical socialisé.

Au regard des discussions mises en évidence, la grammaire actuelle, à l’image de la grammaire traditionnelle avant elle, semble devoir faire face à quelques remaniements pour convaincre les plus revendicateurs, en espérant cependant que cela n’aboutisse pas une fois encore, à un changement radical. Le risque serait de plonger l’enseignement de la grammaire encore davantage dans la confusion.

2. L’image de la grammaire au coeur des représentations des enseignants et des élèves

Dans l’ouvrage dirigé par Dolz et Simard (2009), Falardeau et Simard, font le point sur les représentations des enseignants et des élèves sur la grammaire ainsi que son enseignement. Lord (2012) apporte une autre description des représentations des enseignants qui permet de compléter les apports de Dolz et Simard (2009). Il est important de préciser que ces deux recherches traitent le sujet dans le cadre de l’enseignement du français au secondaire. Aucune recherche ne fait pour le moment état de ces représentations à l’école primaire. Le regard des élèves quant à la grammaire est également présenté par Tisset (2010). Cette partie s'appuiera donc sur l’ensemble de ces auteurs, afin d’obtenir une vue d’ensemble des représentations telles qu’elles figurent dans la littérature.

2 .1 Les représentations des élèves

Falardeau et Simard (2009) donnent une image de la grammaire des élèves à travers les discours de plusieurs d’enseignants interrogés dans le cadre de la recherche. D’après ces derniers, l’étude de la grammaire est synonyme d’ « ennui » et de « lourdeur » aussi bien pour les élèves que pour les enseignants (p. 240). Chartrand, Lord et Lépine (2016, p. 38) soulignent elles aussi ce phénomène : « “aujourd’hui nous allons faire de la grammaire !”

Maintes fois répétée (...) cette phrase suscite rarement l’enthousiasme des élèves. Pour bon nombre d’entre eux, la grammaire c’est pénible, ennuyeux, difficile (…) ». Les enseignants sont également “frappés” par le désintérêt des élèves face à la grammaire, même s’ils pouvaient s’y attendre dans la mesure où eux-mêmes accordaient peu d’importance à la grammaire à cet âge, d’après Falardeau et Simard (2009, p. 236). En effet, l’opinion des interrogés a relevé certaines expressions de ces élèves lorsqu’il leur parle de grammaire : « c’est pas populaire », « c’est d’un ennui mortel (...) c’est donc bien ennuyeux », « on n’a pas besoin de ça, on se comprend » (Fisher et Nadeau, 2009, p. 212). Un autre enseignant explique que lorsqu’il demande à ses élèves pourquoi ils détestent le français : « ils disent tout le temps c'est trop de grammaire, c’est toujours on travaille dans le cahier d’exercices » (p. 239).

D’après ce même enseignant, « la relation affective conflictuelle des élèves avec la grammaire reposerait (....) sur une tradition scolaire où dominent les exercices répétitifs qui ne donnent pas véritablement accès à une compréhension profonde de la langue » (p. 239). Selon les enseignants interrogés, donner du sens aux apprentissages grammaticaux pour les élèves est d’ailleurs central. Forts de cette volonté les enseignants cherchent à susciter leur intérêt de diverses manières. Tisset (2010) reprend d’ailleurs cette idée d’une grammaire « déconnectée de la réalité des élèves » et dont les activités ont peu de sens pour les élèves » (p. 15). En effet, pour les élèves, la grammaire « ça ne sert à rien », alors pourquoi s’investir ? (Chartrand, Lord et Lépine, 2016, p. 38). Pour Tisset (2010, p. 15) il est même :

(...) impératif de changer l’image que l’école donne de la grammaire, et qui est hautement discriminatoire. Seuls réussissent en grammaire les

17 Paolacci et Garcia-Debanc, 2003, p. 94.

enfants soumis à l’institution, ceux qui ne vivent pas l’école comme un monde étrange et étranger parce que leurs parents tiennent les mêmes discours que les enseignants, parce qu’ils savent que c’est un passage obligé pour la réussite sociale.

2 .2 Les représentations des enseignants

Beaucoup d’auteurs montrent que la grammaire est considérée par notre société comme un objet d’enseignement poussiéreux et ennuyeux.

Falardeau et Simard (2009) ont justement voulu vérifier ces présupposés ainsi que la part d’affectivité présente dans leur rapport à la grammaire depuis leur propre scolarité jusqu’à l’exercice de leur métier d’enseignant. Les résultats de leur recherche montrent effectivement une relation négative des enseignants à l’égard de la grammaire dont l’origine se situerait dans les expériences vécues en tant qu’élève. Un enseignant témoigne de son ressenti : « Je détestais tellement qu’on me mette plein de cas d'exceptions et qu’en réalité quand tu découvres vraiment la langue, il n’y en a pas tant que ça, des cas d’exceptions » (p. 237). Les exercices répétitifs combinés à un enseignant perçu comme un « technicien » qui « distribue les savoirs », ne permettait pas à ce futur enseignant de s'intéresser suffisamment à la grammaire (p. 237). D’après Falardeau et Simard (2009, p. 239), il s’agirait alors d’un « blocage affectif » connu et reconnu, aussi bien chez les enseignants que chez les élèves. En effet, les enseignants relèvent un

« manque de motivation » et « une insécurité par rapport à la réflexion grammaticale » (p. 239) lorsqu’ils enseignent aujourd’hui.

Au cours de sa recherche Lord (2012) met également en lumière les représentations des enseignants du secondaire mais en se focalisant sur trois aspects très précis. En effet, l’auteure a interrogé des enseignants sur les éléments suivants : ce que signifie connaître la grammaire, l'apport de la grammaire dans le développement des compétences langagières et la place qu'elle occupe dans la discipline « français ». (p. 139).

Pour la majorité des enseignants, « connaître la grammaire » c’est « pouvoir faire des phrases claires et correctes ». La connaissance des règles n’intervient qu’en seconde position. Lord (2012, p. 140) explique que cela implique pour les enseignants « d’avoir certaines compétences (sans doute davantage liées à l'écrit qu'à l'oral), car faire des phrases claires signifie qu'on doit tenir compte du destinataire et des contenus traités et savoir appliquer les principales règles de grammaire ». Ce résultat n’est cependant pas surprenant pour l’auteure dans la mesure où il est vraisemblablement lié à la

nouvelle finalité de la grammaire : permettre aux élèves de s’exprimer correctement.

Pour le second item, Lord relève que « presque la totalité des enseignants (98

%) estime que l'enseignement de la grammaire est essentiel à la maîtrise du français standard » (p. 143). Elle précise cependant qu’il faut prendre en compte un potentiel « facteur de désirabilité sociale » dans l'interprétation de ces résultats. Tout en prenant en compte cet effet et malgré l’image négative qu’ils peuvent en avoir, les enseignants seraient donc bien conscients de l’importance de la grammaire dans l’enseignement de la langue française.

Paradoxalement, « faire de la grammaire n'est pas l'activité qu'ils jugent la plus importante en français ». En effet, entre « écrire des textes variés, lire des textes variés, faire de la grammaire et communiquer oralement », la grammaire apparaît en troisième position (Lord, 2012, cf. tableau 22, p. 145) pour les enseignants interrogés. Ainsi, bien que la majorité des enseignants considère que la grammaire est nécessaire à la maîtrise du langage, la plupart pense qu’il s’agit d’une activité d’une importance moindre.

Bronckart, Bulea et Pouliot (2005) montrent également que l’image négative de la grammaire, relevée ci-dessus, persiste depuis la fin du 19ème siècle.

Cependant, ils expliquent que « le niveau de maitrise du français est resté globalement stable au cours de ce siècle, en dépit de la constante diminution de la dotation horaire de cette discipline » (p. 10). Ainsi, les représentations négatives n’auraient pas d’effet sur les compétences des élèves. Cela vient contredire les résultats issus de la recherche de Lord (2012, p. 149), selon lesquels, trois quarts des enseignants trouvent que « les élèves connaissent mal la grammaire à la fin de leurs études secondaires ». Le fait que les enseignants considèrent la grammaire comme un élément essentiel permettant la maîtrise des capacités d’expression (Lord, 2012), pourrait peut-être expliquer que le niveau des élèves en grammaire n’ait pas autant chuté qu’on nous laisse le croire et cela en dépit de la mauvaise publicité que l’on peut en faire. D’après Bronckart, Bulea et Pouliot (2005), on observe donc un important décalage entre le regard négatif porté sur l’enseignement du français et la réalité des faits.

Enfin, bien que ces recherches permettent de connaître les représentations des enseignants au secondaire concernant la grammaire, elles nous décrivent peu les méthodes employées par les enseignants pour susciter la motivation auprès de leurs élèves. En outre, ces résultats concernent le

secondaire et non l’école primaire. Il serait donc intéressant de savoir, si ces affirmations se vérifient d’une part, et d’autre part de pouvoir en apprendre davantage sur le lien motivation – grammaire dans les représentations des enseignants. Pour aller plus loin, Viau (2000) explique dans son article que les enseignants peuvent parfois être démotivés, justement parce qu’ils observent un manque d’intérêt de la part de leurs élèves. Et comme nous avons pu le voir durant cette partie les élèves semblent être peu enclins à entrer dans les apprentissages grammaticaux ...

3. Pourquoi est-il nécessaire de motiver les élèves pour