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CHAPITRE 3 : Identité et territoire : quelle dynamique?

3.3 L’identité en crise : Un phénomène mondial

La crise identitaire est au centre de l’intérêt mondial. Au sens, où l’estompage des frontières entre les pays, l’uniformisation des paysages, l’utilisation d’une langue unique pour les échanges et les communications, fait partie du processus de mondialisation. Selon le sociologue Guy Rocher (2001) « si l'on parle de mondialisation, on entend évoquer une autre réalité, contemporaine celle-là : l'extension de ces relations et de ces échanges internationaux et transnationaux à l'échelle du monde, conséquence de la rapidité toujours croissante des transports et des communications dans la civilisation contemporaine ». Le globe souffre donc d’une perte progressive d’identité, qui débute au niveau de l’individu pour atteindre la communauté et la nation. De plus, les débats sur l'identité nationale sont devenus de plus en plus fréquents. Avec cette vague de mondialisation, la majorité des

peuples du monde s’interrogent, réexaminent et redéfinissent ce qu'ils ont en commun et ce qui les distingue des autres (D. Mercure, 2001)

3.3.1 Le questionnement identitaire dans le monde

Dans tous les continents, et sur tous les territoires, les peuples s’interrogent et se questionnent sur leur identité. Le Japon, qui a su s’affirmer malgré les contraintes géographiques et spatiales, s’interroge aujourd’hui sur son identité (S. P. Huntington, 2004). En effet, selon S. P. Huntington (2004) les Japonais ne savent pas si de par leur position géographique, leur histoire et leur culture, leur pays est une nation asiatique ou si de par leurs richesses et leur modernité ils se classent parmi les nations occidentales ? L'Afrique du Sud serait, selon divers observateurs, engagée dans « une recherche identitaire », la Chine serait à « la recherche d'une identité nationale », tandis que Taiwan traverserait un processus de « dissolution et de reconstruction de son identité nationale ».

« La crise identitaire » (S. P. Huntington, 2004) est qualifiée de « persistante » au Canada, « d'aiguë » au Danemark, de « destructrice » en Algérie. Elle est « unique » en Turquie, où le phénomène provoque un « débat » enflammé sur l'identité nationale (Jacques Hubert-Rodier, 2008). Le phénomène bat de l’aile en Amérique latine, aux États-Unis et même au Canada (Jean-Marc Léger, 2004). L’identité mexicaine est au centre de débats au Mexique, les Étasuniens ne se retrouvent plus non plus avec le « melting-pot » (Edna Sahnon, 2006). En bref, la crise des identités nationales est devenue « un phénomène mondial » (S. P. Huntington, 2004).

Les crises identitaires décelées dans différents pays du monde présentent des formes, des raisons et des intensités variables, dépendamment du contexte local. Cependant le fait qu’ils apparaissent au même moment, confirme la présence de facteurs communs. S. P. Huntington (2004) considère que les facteurs essentiels de cette crise se résument en un « développement » massif « d'une économie mondialisée, des progrès spectaculaires des moyens de communication et de transport, une augmentation des migrations ». Au niveau

politique « l'expansion de la démocratie dans le monde, ainsi que la fin de la guerre froide et l'échec du communisme soviétique en tant que système économique et politique viable » (Huntington, 2004) ont fortement contribué à la prolifération de la crise identitaire.

3.3.2 Mondialisation et identité

La modernisation, la croissance économique, l'urbanisation rapide et la mondialisation ont mené à un rétrécissement des identités et à leur redéfinition à une échelle communautaire et intime. Les identités mondiales, « infranationales » (S. P. Huntington, 2004) dominent et prennent le dessus sur les identités locales. Les individus s’identifient à ceux qui leur ressemblent et avec lesquels ils partagent des valeurs, des idéologies et une appartenance communes, quelles que soient leurs origines ou les distances géographiques qui les séparent.

La crise identitaire influence l’organisation spatiale et parfois même le paysage urbain. L’influence du style internationale26 en architecture, est un exemple de l’uniformatisation des paysages, notamment entre les années 1920 et la fin des années 1980. Les villes grandissent et les édifices se ressemblent de plus en plus. Une vague massive de constructions fonctionnelles, mais uniformes a été implantée dans le monde et a unifié l’image des villes. Ces dernières ont alors perdu une partie de leur cachet identitaire unique; ce qui mène au rétrécissement identitaire et à l’estompage du cachet personnel. Face à ce rétrécissement, un facteur non négligeable contribue de son côté à cet élargissement des identités, le contact entre les individus issus de différentes cultures, ainsi que le développement des moyens de communication, de transport et de médiatisation.

26 Ce style, qui marque l'arrivée des idées du Mouvement moderne aux États-Unis, notamment par l'intermédiaire de Philip Johnson au Moma à New York et de Ludwig Mies van der Rohe à Chicago, résulte du mariage des idées de l'école du Bauhaus et des techniques de construction en acier et en verre des États-Unis.

Une dialectique similaire associant un mouvement de brassage et de repli, d'interaction et de séparation, s'est opérée à l'échelle des groupes communautaires. Les regroupements communautaires, les quartiers fermés et les ghettos en sont un exemple dans les villes (Anne-Marie Séguin, 2003). Les individus ayant les mêmes appartenances religieuses, culturelles, sociales ou ethniques, se regroupent pour former des unités de rassemblement. Généralement en dehors de la ville, et parfois au cœur de la ville même, telle qu’aux États - Unis, ces communautés sont solidaire et se forgeant un esprit de groupe, et une identité spécifique à eux. Ils se reconnaissent et s’identifient grâce à leurs espaces et les repères qu’ils se créent. Ils maîtrisent ainsi leurs territoires et mettent parfois en place des dispositifs de sécurité, propres à eux, généralement différents de celles qui sont planifiées par la ville (Anne-Marie Séguin, 2003).

Ces regroupements proviennent généralement de mouvements migratoires ou sont le résultat d’un sentiment d’exclusion sociale, de par leurs couleurs, leurs pratiques, leurs appartenances ou même de leurs niveaux sociaux (F. Navez-Bouchanine, 2002). Tout en se mêlant à d'autres regroupements et d’autres individus, ils se rapprochent simultanément du leur, ce qui renforce leur sentiment identitaire.

Conclusion

Les formes de croissances urbaines produites dans les villes de plus en plus étendues contribuent à l’apparition du phénomène de métropolisation. Tunis est une ville dont la morphologie urbaine présente une variété de tissu et de formes de croissances. Cela se traduit par des transformations sociales et comportementales chez les citoyens. Les habitants des banlieues s’approprient ces formes et s’identifient à leurs spécificités et caractéristiques. Elles deviennent donc sources d’appartenance identitaire et de reconnaissance de soi.

Nous nous sommes intéressés au niveau de ce chapitre à l’identité et au sentiment d’attachement, nous avons donc vu que c’est autant une pratique humaine qu’un sentiment ressenti et développé. Les villes se métropolisent, leurs limites s’estompent et les remparts protecteurs ne sont qu’une lointaine légende historique. L’identité urbaine est acquise par la ville au cours de son histoire, à partir d’une accumulation de réalisation et de passage de population. Cette identité est d’autant plus importante que la ville s’émancipe et se développe.

L’exercice d’enquête auprès d’un groupe de citoyen des banlieues de Tunis nous permettra de tracer l’impact de la dynamique urbaine de la ville sur leurs comportements et leurs perceptions de l’espace. Le questionnaire sera pour nous un moyen d’appuyer notre hypothèse. La croissance urbaine de la ville de Tunis a certainement un impact sur les consommateurs de l’espace. La production urbaine dépend des facteurs identitaires et du sentiment d’appartenance à l’espace. L’identité urbaine de la métropole et dans la métropole sera nos principales interrogations. Comment ce phénomène se manifeste-t-il dans le grand Tunis ? Y a-t-il de nouvelles identités qui prennent formes dans les banlieues de la ville ?

CHAPITRE 4 : Exercice d’enquête sur l’identité