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CHAPITRE 4 : LES PAUVRES A SIDI SÉMIANE ET MENACEUR :

6 L’identification des dimensions de la pauvreté dans le cadre de notre recherche

Notre unité d’étude de base est le ménage, et la définition de ce concept remonte à la première moitié du XXe siècle, au moins depuis les études de Chayanov sur les paysans russes en 1926.

Il n’y a pas qu’une seule définition du ménage, celle-ci diffère en fonction des contextes et des cultures, mais le point commun pour toutes ces définitions est la recherche du centre de décision des stratégies concernant la génération des revenus, c’est pourquoi le ménage est souvent associé à un groupe qui partage le même foyer d’habitation (Chayanov, 1986). Un ménage est donc un ensemble d’une maison ou d’une résidence regroupant des personnes qui peuvent ne pas avoir de liens de parenté entre eux, mais qui participent financièrement au fonctionnement du ménage. On parle d'ailleurs souvent de « foyer fiscal ». Il existe des ménages avec une famille, avec plusieurs familles ou pas du tout de famille (un individu seul peut être considéré comme un ménage). Dans le cadre de notre étude, les ménages qui ont fait partie de notre enquête sont des familles monoparentales et/ou biparentales avec des enfants.

De plus, notre étude s’appuyant sur le cadre théorique des « capabilités ». Nous avons opté pour une approche mixte (enquête quantitative et qualitative) afin de retenir les dimensions de la pauvreté identifiées comme essentielles par les acteurs locaux. Le but de l’approche qualitative adoptée ici est de recueillir des informations nécessaires à l’identification des dimensions de la pauvreté des ménages par des outils classiques qui renvoient aux entretiens ouverts ou semi-directifs et à l’animation de groupes de travail (« focus groups ») afin de comprendre les causes de la pauvreté.

La première phase a commencé par une immersion dans la zone d’étude qui duré un mois en août 2015. Le but était de comprendre la problématique générale de la zone d’étude en réalisant des entretiens semi-directifs avec les agriculteurs de la zone. Durant cette période, nous avions prévu en début de thèse de réaliser une évaluation ex post des effets des Projets de Proximité de Développement Rural Intégré sur les bénéficiaires et sur la pauvreté. Cette phase nous a permis de cerner la spécificité de cette zone, à savoir son histoire dans la lutte contre la colonisation et contre le terrorisme par la suite et la richesse de ses ressources naturelles et humaines. Paradoxalement, cette spécificité la maintenait dans une impasse par rapport au développement agricole notamment.

Les entretiens (une trentaine), les longues discussions avec les populations et les personnes- ressources de l’administration (le conservateur des forêts de Tipaza, le chef de circonscription de Cherchell, le maire de la commune de Sidi Sémiane, etc.) nous ont éclairée sur la problématique de cette zone, et notre question de recherche s’est nettement précisée. Les entretiens semi-directifs, les récits de vie et l’observation ont permis de comprendre la problématique générale de la zone d’étude et servi à appuyer les explications des résultats des données statistiques décrites dans l’analyse quantitative. Celle-

ci est passée d’une évaluation d’impact d’une politique sur les bénéficiaires à une caractérisation de celle-ci dans le milieu rural, pour en définir les causes souvent liées à la perte de moyens d’existence des populations, comprendre les dynamiques et enfin connaître les effets des politiques de lutte contre la pauvreté sur les pauvres.

Durant notre mission d’immersion, les observations et les témoignages recueillis nous ont fait penser à la théorie des « capabilités » développée par Amartya Sen. La définition proposée par ce dernier n’exclut pas les ressources matérielles correspondant aux dotations en capital que possèdent les individus (les terres, l’argent liquide ou épargne et tout ce qui a de la valeur et peut être cédé en période de crise). Sen fait également référence aux ressources immatérielles dont les droits des individus, leur accès à la vie sociale et économique et leur liberté.

L’analyse des moyens d’existence (« livelihood analysis ») accorde un intérêt capital au processus de la pauvreté. Quelles sont les raisons qui tendent à expliquer le maintien d’un individu dans une situation de pauvreté, et ceci indépendamment des stratégies qu’il met en place pour s’assurer des conditions d’existence viables ? L’objectif des analyses des moyens d’existence est de comprendre la pauvreté, à partir de l’observation active des modes de vie et des stratégies de survie des individus et de leur milieu socioéconomique. En ce qui concerne la définition du niveau de vie des individus, toutes les études ont recours aux indicateurs quantitatifs (approche monétaire de la pauvreté). Notre étude ne s’est pas axée sur cette évaluation pécuniaire de la pauvreté, mais plutôt sur ses interprétations et ses causes.

En ce qui concerne l’approche quantitative adaptée à notre question de recherche, elle a été utilisée pour définir les proportions en nombre qui soient aussi représentatives que possible du phénomène à étudier à l’échelle locale. Pour Ravallion (2001), les études quantitatives sont souvent assimilées aux questions directes, mais elles peuvent aussi être amendées par des questions d’ordre qualitatif dans les questionnaires adressés aux ménages. Cela permettrait selon l’auteur de traiter deux problèmes :

- Le premier fait appel aux questionnements relatifs au poids que l’on doit accorder aux aspects du bien-être individuel qui ne sont pas révélés par l’approche monétaire. Il renseigne sur un autre type d’information tel que l’impact de la taille et de la composition du ménage, l’impact des biens publics, de l’exclusion sociale, etc. ;

- Le deuxième problème renvoie à la question qui traite du niveau de bien-être socialement fixé et en deçà duquel un individu est considéré comme pauvre.

Plusieurs auteurs ont ainsi exploré les perceptions des individus tout en conservant la structure représentative des enquêtes ménages (Razafindrakoto et Roubaud, 2001). Les individus sont amenés à se prononcer sur leur perception de la pauvreté (définition, causes, etc.), leurs difficultés et la nature de leurs besoins, les mesures pour satisfaire ces derniers et répondre à leurs attentes dans des sondages d’opinons insérés dans des questionnaires quantitatifs. Ainsi, pour chaque individu sont recueillies des données objectives et quantitatives (par exemple les conditions de logement) et des données qualitatives. L’interprétation des résultats des deux démarches participe à offrir une explication rationnelle des données collectées.