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CHAPITRE 1 : ÉTAT DE L’ART SUR LA QUESTION DE LA PAUVRETÉ

5 Les autres concepts proches de la pauvreté (précarité, exclusion, vulnérabilité,

5.1 La précarité

La précarité est l'absence d'une ou de plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux familles d'assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L'insécurité qui en résulte peut-être plus ou moins étendue et peut avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à une grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l'existence, qu'elle tend à se prolonger dans le temps et qu'elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de réassumer ses responsabilités dans un avenir prévisible.

5.2 L’exclusion

Concept apprécié par certains auteurs puisqu'il dépasse la simple analyse économique, il est mal perçu par d’autres qui le voient comme cachant les inégalités socioéconomiques. L’exclusion reste un concept flou par les auteurs, imprécis et difficile à quantifier (Castel, 1995).

La question de l’exclusion a beaucoup été débattue ces dernières années. On lui reproche une dimension trop politique, ou un manque de construction scientifique. Mais, malgré les critiques les plus dures, ce concept reste une interprétation sociale de la pauvreté (Roy et Soulet, 2001).

5.3 D'autres formes plus élémentaires de la pauvreté

Paugam et Selz (2005) proposent une analyse inédite de la pauvreté en Europe. La disqualification sociale reconnaît le processus d'exclusion du marché de l’emploi, elle se caractérise par une transformation des conditions de vie et de l’identité sociale qui évolue dans le temps. La fragilité se traduit par un sentiment de perte de dignité, de découragement et de problèmes de santé qui sont parfois des prétextes pour compenser des échecs.

Longtemps, dans l'histoire, la pauvreté a été assimilée à la paresse ou à l’injustice. La paresse renvoie la responsabilité au pauvre, et le pays ne développe pas beaucoup de politiques sociales. L’injustice au contraire interpelle la société : les pouvoirs publics sont contraints d’aider les pauvres et le pays doit lutter contre les inégalités.

Le PIB par habitant et le PNB par habitant et par région mettent en exergue des écarts de niveaux de vie entre pays et régions, selon les niveaux d’éducation et de développement ainsi que selon la forme et l’intensité des liens sociaux : liens de filiation (famille, affection, attachement, socialisation), liens de participation élective (vie sociale, réseaux, autonomie), liens de participation organique (école, vie professionnelle), liens de citoyenneté (appartenance à une nation, identité et valeurs communes). Ces liens apportent protection et reconnaissance. Trois modèles sociaux et familiaux se dégagent. Le modèle public individualiste caractérise les sociétés nordiques qui garantissent le niveau de vie des pauvres. Le modèle familialiste méditerranéen exige des obligations à l’égard de la famille. Le modèle de responsabilité partagée (France, Grande-Bretagne, Allemagne) recherche l’équilibre entre famille et pouvoirs publics ; il amplifie le risque de disqualification sociale.

La pauvreté intégrée est une forme de pauvreté qui désigne un groupe social large non stigmatisé. Elle touche surtout les pays en développement et certaines régions d’Europe de l'Est : le niveau de vie y est bas, les personnes vivent entre elles, autour de la famille, des villages… Il existe aussi une autre forme de la pauvreté, celle de la « culture de la pauvreté » intégrée par les enfants que Lewis (1971) définit par le sentiment d’infériorité, d’impuissance, d’être en marge de la société et dépendant. Cette marginalisation conduit à un manque ou à une absence de participation aux institutions sociales, à une discrimination et une méfiance.

Les pauvres se protègent ; le fait d'avoir beaucoup d'enfants est perçu comme une richesse pour les pauvres, très ancrés dans les valeurs familiales. Il est perçu comme un signe de puissance qui les protège du regard parfois vexant de la société. En plus de procurer un ancrage identitaire et social, cette conception de la famille est un indicateur, car le ménage élargi représente une force potentielle de travail en période difficile.

La pauvreté marginale est parfois limitée et peu perceptible, car elle ne concerne qu'une partie de la population dans un contexte de croissance économique précis : on parle des « ratés du système » et des « oubliés de la croissance ». La pauvreté disqualifiante ou de marginalisation résulte de la perte du travail qui procure un sentiment d'échec profond ou de déclassement social.

Une autre configuration d’exclusion se manifeste par l’insécurité urbaine, notamment la violence dans les banlieues qui n'est autre qu'une traduction de la disqualification sociale territorialisée (par exemple les ghettos américains et les banlieues françaises). Cette forme d'exclusion traduit une identité sociale négative et de misère morale, donnant naissance à tous les maux de la société…

5.4 Les relations entre les différents concepts liés à la pauvreté : exclusion, pauvreté et

inégalités sociales

D'après Racine (2010), dans les pays en développement, les individus, qu’ils soient en ménage ou en communauté, sont souvent exposés à des chocs aussi divers que fluctuants (risques climatiques, fluctuations économiques, perte de capital physique, etc.). Ces risques, pourtant réels, ont longtemps été négligés par les analyses sur la pauvreté et le bien-être.

Ce n’est qu’au début des années 2000 que l’intérêt pour la prise en compte du risque et de la vulnérabilité est perceptible dans les politiques publiques de lutte contre la pauvreté20, comme en

témoigne le Rapport mondial sur le développement de 2000, dans lequel une bonne partie du texte est consacrée à la notion de vulnérabilité. Celle-ci y est définie comme étant « la probabilité qu’un choc entraîne une décroissance du bien-être » et considérée comme étant une des préoccupations centrales des pays pauvres.

Pour Dercon (2006), la vulnérabilité « désigne l’existence et l’ampleur d’une menace de pauvreté et de misère, c'est-à-dire le danger qu’un niveau de bien-être socialement inacceptable se réalise ».

Si le risque et la vulnérabilité 21 ont des liens avec la pauvreté, il serait intéressant d’étudier la façon

dont ils agissent sur ce phénomène : en général, deux types de chocs peuvent induire un risque de pauvreté : les chocs adverses macroéconomiques (variation des indices de prix, baisse des prix des produits, etc.) et les chocs adverses idiosyncrasiques (inhérents à l’individu, comme la maladie ou la perte d’emploi). Ces chocs sont susceptibles de conduire à des baisses importantes de revenus ou de consommation, et donc à une réduction du bien-être22.

20 Cependant, la notion de vulnérabilité était déjà utilisée dans son acception générale. Chambers, par exemple, l’a définie

comme « l’exposition aux imprévus et au stress, etc., une situation contre laquelle on ne peut se protéger en raison d’un manque

de moyens pour y faire face sans pertes préjudiciables » (Chambers, 1989 : 1).

21 Les deux notions sont très souvent utilisées de manière concomitante, même si une certaine nuance pourrait exister. Le risque

concerne plutôt les états de la nature auxquels sont exposés les individus et sur lesquels ces derniers n’ont pas d’emprise.

22 Une analyse descriptive du QUIBB (Questionnaire des Indicateurs de Base du Bien-être) de 2005 révèle par exemple que,