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L’hospice dans : Dix années de solitude

3.Le lieu et l’espace :

3.7. L’hospice dans : Dix années de solitude

Au début du récit nous ne comprenons pas vraiment cet endroit, il est désigné par l’appellation Hospice , mais nous ne savons pas vraiment si s’en est un, puisque par nature l’hospice est un endroit de vieillard, ils ne sont pas décrits.

Cet hospice est décrit comme un lieu de la marginalité, un no mans land, on découvre cela à travers les impressions et le portrait des pensionnaires, le champ lexical est très marqué c’est un univers d’abandon, de résignation, d’exil, la gente féminine y est misérables, livrées à la charité des bienfaiteurs :

« Des nantis de la ville (…) les bienfaiteurs qui avaient quelque chose à se reprocher. » (p.136) : « un repère mutilant » (p.29) ; « univers convulsif » (p.27) ; « monde agonisant » (.27) ; « îlot de castration », (p.28) ; « monde du silence » (p.28) ; « atmosphère d’une mortelle monotonie » (p.133) ; « mouroir » (p.134). La présentation des pensionnaires se fait par la récurrence de l’isotopie qui exprime la solitude , l’exil, la claustration , la souffrance , la pauvreté, le manque d’amour: la synonymie trace quelques images sémantique qui reviennent le portrait peu flatteur des femmes une image de dégénérescence qui accompagne parfaitement les lieux

« pensionnaires décrépits » (p.27), « naufrages humains »(p.27), « ces impotents de la vie, prisonniers de souvenirs » (p.71), « corps indistincts, alignés comme des jarres inutilisables » (p.71), « engouffrées dans leurs secrets » (p.133), « monde de silhouettes » (p.133) .

Là nous avons la figure de l’enchâssement puisque nous découvrons une micro séquence qui s’intercale dans la macro séquence telle une tranche de vie, une pause un témoignage poignant de la vieille Chérifa ; qui nous est présentée par la narratrice. Selon Méit :

« l’espace est manifesté à nous en tant que réalité immanente, en tant que structure des relations entre les êtres et les choses. Espace cognitif, espace objectif, espace réel ou espace rêve …Chaque être humain s’identifie par rapport à un espace qu’il aménage selon sa convenance. ».140

Toujours dans ce même ordre d’idée, la description des lieux se fait sous un ordre et marquée par un champ lexical retraçant, à travers la synonymie, un univers de déchéance, de solitude, d’exil, d’une population de femmes démunies livrées à la charité « univers convulsif » (p.27) ; « monde agonisant » (.27) ; « îlot de castration « atmosphère d’une mortelle monotonie

Quant à la ville elle nous est livrée à travers le regard de la narratrice qui la désigne d’amblée comme grouillante le bruit donne de la vraisemblance, un trafique monstre et un esprit d’étouffement :

« forêt urbaine acquise à tous les dépassements »(p.165) et aux multiples dysfonctionnements, la ville « qui a exclu toute notion de convivialité et civisme »(p.68) ; son regard qui se promène sur les lieux et ceux qui les peuplent ne s’attarde pas trop ; il est concis, précis mais constitué d’un discours désapprobateur, contestataire, surpris ou révolté : elle tend à montrer de façon ferme et incisive un univers social enlisé dans

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sa décrépitude où s’exprime le malaise social et les duretés de la vie de ceux qui n’ont rien » p.28.

Cela veut dire que chaque écrivain, précise dans son œuvre, des espaces réels pour montrer aux lecteurs qu’ils relatent des faits réels vraisemblables

« L’espace, nous dit J.Weisgerber, constitue une de matières premières de la texture romanesque. Il est intiment lié non seulement au « point de vue » mais encore au temps de l’intrigue, ainsi qu’à une foule de problèmes stylistiques, psychologiques, thématiques, qui sans posséder de qualités spatiales à l’origine, en acquièrent cependant en littérature comme dans le langage quotidien » 141

Bouziane BenAchour a conscience de ce qu’il écrit, ce n’est nullement une écriture automatique et ce n’est pas une écriture ex nihilo. Cette duplication de l’auteur écrivain et homme vivant dans un contexte influençant son écriture nous renvoi à la contextualisation présente.

Pourtant, remettre BenAchour dans son contexte, est très facile au vu de la thématique qu’il développe dans ses écrits et les références réelles qui y sont retranscrites, comme sa ville Oran.

Au sujet de la ville d’Oran, omniprésente dans ses œuvres, l'auteur a déclaré "C’est une fixation, peut être, parce qu’on n’a pas beaucoup donné à Oran et je suis amoureux de cette ville, ma ville d’adoption, Avec Kamar, j’ai changé ma manière d’écrire. Mes premiers romans étaient des témoignages sur les années tragiques que le pays a vécues. Dans cet

ouvrage, j’ai essayé de m’éloigner du réalisme direct et de me trouver un style par rapport aux autres écrivains algériens. J’essaie moi aussi d’apporter ma petite touche"142

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Chez BenAchour Bouziane, le personnage provoque l’écriture du temps de son passé. L’écriture dans un cadre spatiotemporel donné, cependant il traite à sa manière et de façon subjective la temporalité, cela apparait dans la transgression et le choix non chronologique des évènements, il ne respecte pas la chronologie temporelle réelle. Pour clore, nous constatons que, la création de plusieurs espaces et lieux du dire perturbe le lecteur et la linéarité du texte, cela déroute puisque Bouziane BenAchour instaure une sorte d’instabilité au sein de la diégèse.

C.Ggrivel estime que l’espace requière un caractère fondamental dans l’élaboration de l’œuvre romanesque : « c’est le lieu qui fonde le récit … c’est le lieu qui donne à la fiction l’apparence de la vérité »143

D’ailleurs, nous suspectons que c’est le but de cette écriture et cette narration moderne, une narration qui se veut multiple et hétérogène, rhizomatique144 et tentaculaire. Elle se veut un point de carrefour où se rejoignent la réalité et le fictif. Réaliste ou pas tous les romans s’inscrivent dans une topographie qui nous donne, nous lecteurs l’illusion du réel ; Ce qui va donner naissance à un rapport avec l’imaginaire dénaturé par ce va et vient entre la réalité vécue et l’effet de l’illusion. Cette déperdition dans le récit ainsi que l’ambigüité formelle font des romans de BenAchour des livres-rhizomes. Ces derniers désignent le dehors symbolique, un va et vient incessant entre le monde réel et le monde du romanesque, la réalité chez notre auteur est : la crise, un élément qui va être étudié dans ce qui va suivre .

142 http://www.aps.dz/culture/36208-Bouziane-BenAchour-pr%C3%A9sente-son-dernier-roman-kamar-ou-le-temps-abr%C3%A9g%C3%A9 consulté le 09 avril 2017à 20 :56

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C.Ggrivel, production de l’interet romanesque , Mouton, Paris- La Haye, 1973.

144 Tige souterraine vivace, généralement à peu près horizontale, émettant chaque année des racines et des tiges aériennes. Symbolise ici le rapport avec l’autre réel, qu’entretien la fiction romanesque, puisque cette tige est tentaculaire et elle est liée à la surface de la terre.

CHAPITRE 2 :

Les différentes représentations de la