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3.Le lieu et l’espace :

3.3. Le centre de détention

Dans l’imaginaire crée par BenAchour la porte de ce centre de transition symbolise ce chemin que l’on emprunte, que dans un seul sens , comme le montre ce passage :

« J’entrevois sans effort la vie à travers tes regards, du fond de ma cécité. Grâce à Dieu, la mémoire n’est pas aveugle, la mémoire est une aptitude, un pacte pour se souvenir, un pacte témoin. « Il est des instants qui méritent, beaucoup plus que d’autres, d’être vécus », me disais-tu, paume contre paume...».135

L’auteur mêle plusieurs techniques romanesques en vue d’exprimer le sentiment d’un insupportable isolement.

Bouziane BenAchour fait la peinture des lieux, il les présente de façon glauque, et très maussade

Un chant lexical y est développé pour montrer la profondeur du dégoût : qui tourne au tour du bestiaire avec cette notion de mouches collantes aux murs, les couleurs pastelles et l’odeur fétide des pestiférés.

« Le vent soufflait de façon intermittente sur l’île. Il se faisait plus voyant, c’est-à-dire plus froid. Long mugissement le long de cette côte au passé controversé. Une côte qui ne se laissait découvrir qu’aux forts du moment. Tout autour des sinuosités du ressac borné, les factionnaires armés accomplissaient leur ronde pour diluer les velléités de fuite et les assauts d’injustice. Le nombre des surveillants a augmenté substantiellement ces jours-ci. Ici et là, ils donnaient de la voix pour authentifier le maillage. Aucun détail ne devait leur

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échapper et je serais étonné qu’il leur en échappe un. Sérénité moutonnière dans ce chaos étagé.. »BFLP P90

Un écrit qui tient à la fois de l’évocation romantique d’un amour et sa quête passionnée, du chemin de l’espérance.

« Aucun détail ne devait leur échapper et je serais étonné qu’il leur en échappe un. Sérénité moutonnière dans ce chaos étagé. À proximité du centre, des bulldozers étaient à pied d’œuvre pour aplanir du terrain, gagner du lotissement. Une fois la superficie nivelée, on procédera à la construction d’un nouvel aérodrome afin de permettre aux effectifs des hélicoptères de surveillance en mer de se ravitailler en carburant. Par ailleurs, la piste une fois agrandie servira aux avions-cargos destinés aux rapatriements des clandestins. »BFLP P90

Notre roman s’organise par des effets de flash-back, de phases déclaratives et d’anticipation ce qui donne naissance aux rythmes saccadés, intercalés par des pauses de description.

Des métaphores qui désigne une attitude du personnage principal qui est aveugle qui montre un discours élégiaque et pathétique, d’autres personnages viennent se greffer à cet univers on découvre un plan large presque cinématographique de petites gens des immigrants englués dans des difficultés sociales ou économiques qui essayent tant bien que mal de se frayer un chemin dans ce marasme humain et se faire une petite place .

Ces gens sont présentés sans noms. Sauf son ami Jrada, un personnage devenu par la force des choses son confident.

« J’rada est pacifique, têtu et pacifique. De son côté » B F L P P09

Jrada qui veut dire sauterelle n’est pas utilisée pour sa qualité dépréciatif bien au contraire, bien que dans l’imaginaire collectif algérien surtout au sud, cet animal est nuisible, ce personnage qui porte ce nom est considéré comme un allié voir même un ami (adjuvant). Les sauterelles dans l’imaginaire collectif algérien sont également immigrant nous les appelons sauterelles pèlerins

Le héros de ce romans Bientôt finira la peine est en quête de repère et de modèles, l’émigration reste pour lui la seule possibilité de revoir son amour.

« Dans la cour pavée, je me laisse décrire l’ambiance qui y règne avant de me remettre à compter au toucher le nombre de pierres de taille qui constituent les murs d’enceinte de cette vieille caserne transformée en centre de rétention. Les aspérités de la pierre ressemblent-elles aux grottes de la mer, mer peuplée de rêves brisés, de tankers, de porte-avions et de méduses mazoutées ? Perception tactile gorgée de mystères et d’odeurs. Soustrait aux affres de la durée, dans une sorte d’état second, je franchis, en une poignée de jours, plusieurs degrés de sentiment, résolu que je suis à percer toutes les métamorphoses que je traîne avec moi. Ils n’auront rien de moi, pas même un centimètre de ma peau. » BFLP P10

Là encore le discours est maquillé, puisque la forme est problématique et reste ambigüe, cette forme est dite roman, du moins c’est ce qu’on peut lire sur la couverture du livre, une indication éditoriale qui déroute plus ou moins le lecteur puisque il se retrouve face à une nouvelle écriture hors catégorielle : du roman.

Chez Bouziane BenAchour l’espace se décline comme une composante essentielle pour la narration car il est intiment lié à la parole, cette espace confère aux lecteurs une atmosphère propice à la compression du texte même s’il se présente à nous. Dans notre œuvre, l’Europe est réduite à l’ile de Lampeduta et le centre de détention qui est décrit plus comme une prison et surtout renvoi a une promiscuité et une atmosphère de mal être.

Dans notre corpus, les candidats à l’émigration sont pour la plupart des jeunes qui partent pour des causes économiques, cela explique en partie ce désire grandissant à l’exil, contrairement à notre personnage principal qui cherche l’amour. L’émigration est présentée dans le roman sous une forme d’un plaidoyer pour la cause des jeunes.

3.4.Village Diss, L’espace de tourmente et de l’incompréhensibilité : « Sentinelle oubliée» :

« Fillage diss » est un espace imaginaire, le lieu n’existe que par la grâce de l’auteur du livre. C’est un espace de tourmente et de l’incompréhensibilité puisque c’est dans cet endroit où les conflits ont commencé.

L’histoire que racontent les personnages centraux tour à tour est abritée à l’intérieur d’un espace irréel. Cette nomination de fillège diss est une transcription littérale de l’arabe en langue latine. En arabe fillage voudrait dire village et puisque la lettre « V » est inexistante dans l’alphabet arabe, on à fait appel à la lettre « F » pour compenser ce manque ; et le schème « diss » à une double signification, toujours en arabe, c’est une plantation sauvage, résistante, coupante qu’on trouve généralement en bordure d’oued asséché. L’autre signification fait appel à la phonétique française puisque « diss » est l’écriture phonétique du chiffre 10. Ce chiffre désigne la décennie noire.

Par esprit de déduction, la référence est claire : elle indique la décennie noire, qui fut coupante, asséchante à l’image des personnages qui ont survécu au drame, qui ont résisté comme cette plante dite sauvage :

« Un village prompt seulement à renflouer ses rancœurs dans des maisons individuelles sans numéros, portant comme un fardeau les noms de leurs anciens propriétaires comme dar gomiz dar lopiz dar sanchiz ou encore dar ben gliz » page SO24

L’identité dans ce qui précède, n’est pas à vrai dire franchement nommée, plutôt suggérée, elle est présente de façon vague, référentielle, en liaison à des bribes historiques déduites de noms : comme gomiz lopiz…etc.

Transcrite en langue dialectale ce qui donne une touche d’oralité à cette partie, avec cette interférence linguistique on fait appel aux différents strates historiques qui se sont superposées (colonisation hispanique, française..etc).

Une interférence née d’une superposition de deux systèmes linguistiques différents, qui sont opposés, la langue maternelle et la langue importée. Exprimer clairement dans la conversion du « è » du nom initialement nommé Gomez, Lopez, Sanchez, en « i » Gomiz, Lopiz Sanchiz .

Un écoulement langagier inscrit de manière presque naturelle dans la mémoire des actants du roman « Sentinelle oubliée », ces personnages très important, mais auxquels, on manifeste une sorte de rancune, explicitée, notamment avec l’emploi d’adjectif péjoratif qualifiant la guerre et la haine, comme : sanglant, fausse note. Etc.

« Un village prompt seulement à renflouer ses rancœurs dans des maisons individuelles sans numéros» SO p 26 Un champ lexical utilisé, exprès, dans le connoté, afin de faire appel à l’inconscient collectif, réconforté par ce que nous désignons le discours idéologique.

« Fillage-Diss », un village fâché avec l’environnement, entouré de vaillants oliviers envahis par les branches stériles »

C’est là la seule phrase qui délimite vraiment ce lieu et le balise et les seuls signes que nous avons sur ce lieu, aucune autre information. Mais dans la mémoire collective des algériens, le fait d’aborder un village comme lieu de prédilection de l’histoire n’est pas arbitraire, cela signifie que c’est reclus et c’est toujours mis en opposition à la ville qui est beaucoup plus ouverte et grande.

Cimetière lieu de tous les symboles :

Lieu présenté par l’auteur comme lieu de toutes les obsessions, couvert mais fermé en même temps, et lieu de transition entre ce que nous connaissons et ce que nous ne connaissons pas, un lieu qui respire la peur et la crainte mais qui rappelle tout de même, que tous, nous allons mourir, déjà, la remémoration, une des nombreuses notions de la mémoire, un lieu qui nous fait rappeler ceux qui ne sont plus avec nous,

« Elle cherchait journellement les ossements des chouhadas qui étaient enterrés, pas loin de leur habitation, dans un cimetière emportés par un oued en crue; genèse de toutes Les obsessions »( SO p35)

C’est la mémoire qui est déterrée. À travers cette action d’exhumer les corps. BenAchour renouvelle ses récits par les procédés du roman moderne. Il a recourt au symbolisme afin de donner et de parler à l’inconscient du lectorat. Il emploie la symbolique de l’oued en crue, qui emporte le cimetière comme étant la fatalité du temps qui rafle tout à son passage, « le temps » que le personnage de « la grand-mère » croit à son désavantage puisque les gens commencent à oublier ceux qui se sont sacrifiés pour le pays.

C’est aussi toute une charge sémantique lourde en repères identitaires, comment exhumer les morts.

Une charge symbolique aussi qui interpelle l’imaginaire collectif maghrébin, puisque pour les Nord-africains, ceux qui exhume des dépouilles et manipule des ossements sont les charlatans et les sorciers.

C’est le lieu de l’évocation de la souffrance mais aussi du recueillement, lieu de contradiction et de solitude, lieu généralement interdit au sexe féminin, une transgression ou forme de liberté requise par l’auteur, une forme de déroute pour le lecteur aussi puisque on ne peut partir au cimetière la nuit lieu appréhension .

Mais la question qu’on pourrait se poser serait ainsi formulée une forme de réincarnation, non au sens religieux du terme mais plutôt au sens humaniste du terme, ou le « je », prend une autre forme, il acquière de l’assurance et surtout de la liberté pour accomplir sa quête. En réitérant une autre fois, l’acte d’énonciation se situe, donc, à un moment et dans un lieu ici c’est le cimetière qui se réfère aussi à la fin de la vie. Cette caractéristique de vouloir sans cesse se remémorer et rester dans la mémoire n'est pas constante. Puisque le personnage de la grand-mère se heurte temporairement à des oublis. La mémoire solide coïncide souvent avec l’apparition du récit de l’amour de son époux, période où la mémoire exprime une divination liée à la facilité de ces instants inoubliables. Ce sont les images du passé qui s'inscrivent dans le récit d’une belle époque de la narratrice.

Lieu aussi indissociable de la notion de la mort, qui est très présente dans le roman. C’est la mort qui est le fil conducteur de la quête. Puisque l’homme a peur de l’inconnu. Pendant longtemps la mort était un phénomène inconnu pour les hommes. C’est pourquoi, lorsque les hommes ont commencé à écrire sur la mort, ils ont commencé à la maîtriser en l’écrivant. Un évènement devient moins terrifiant lorsqu’il est maîtrisé, La mort devint donc moins crainte et plusieurs auteurs ont écrit sur le sujet. Il y a donc plusieurs visions de la mort en littérature, selon le temps, qui permettent de suivre une évolution de la mort.

La mort est présente et indéniablement associée à notre vie. On la voit selon ce que l’on a vécu, selon nos expériences.

La mort n’est plus une peur collective. Nous commençons peu à peu à associer la mort des autres avec notre propre mort. C’est notre mort qui devient énormément anxiogène.

C’est le lieu de l’évocation de l’amour également dans bientôt finira la peine le cimetière prendra une autre charge sémantique celle de la rencontre et a contrario c’est le lieu de l’amour ; la chrétienne est tombée amoureuse du récitant dans un cimetière.