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L’extension de la protection sociale : vers une universalisation fragmentée

Chapitre II- La dimension sociale de la globalisation et la réorganisation

12- L’extension de la protection sociale : vers une universalisation fragmentée

statutaire, du salariat, voire de la « modernisation sociale »109 prennent de plus en plus d’importance dans les discours et les politiques mises en œuvre dans un objectif d’extension. Les interventions sociales mises en œuvre par des « opérateurs » publics, privés, locaux ou internationaux s’efforcent d’atteindre les actifs qui peinent à s’intégrer dans les marchés du travail, les travailleurs rejetés (licenciés, handicapés, malades ou accidentés professionnels), ceux qui ne parviennent pas à vivre de leur travail ou à en faire vivre leur famille ou qui ne bénéficient d’aucune protection et vivent dans la précarité. Examinant les mouvements de réforme des systèmes de protection sociale en Corée, à Taiwan et au Japon dans l’après-guerre, Peng et Wong (2004) font justement remarquer que la nouvelle vague de réforme s’est attachée non plus au noyau dur de l’industrialisation, les ouvriers relativement stabilisés de l’industrie productiviste, mais à ses marges (enfants, personnes âgées et femmes), sous l’effet des changements démographiques, des changements dans l’organisation de la famille et dans la place des femmes. Cette inflexion de la protection sociale a pour fonction de répondre aux transformations -et à l’inefficience croissante- des structures sociales qui avaient pallié, au cours de la première période développementaliste et productiviste, les limites de l’extension de la protection sociale institutionnelle. Moins orienté sur le rendement économique, le nouveau welfare state en deviendrait plus social et plus inclusif. D’où à la fois une distance prise avec les modèles bismarckiens et une mise en avant des droits sociaux fondés non plus uniquement sur le travail, mais sur une nouvelle conception de la citoyenneté sociale.

Juxtaposé, articulé ou intégré dans la réforme de l’existant (institutions, modes de financement, règles d’accès, prestations, …), l’objectif d’extension emprunte principalement quatre voies, mises en œuvre par des politiques publiques et l’intervention d’acteurs privés. Certains dispositifs sont destinés aux « travailleurs informels » qui, par définition, ne sont pas formellement couverts (micro-assurances, mutuelles, facilités d’accès aux caisses d’assurances sociales ou privées, …). Des dispositifs catégoriels sont mis en œuvre au bénéfice de « populations vulnérables » ou dans lesquelles peut se réaliser un « investissement social » dont les fruits profiteront à eux-mêmes (chômeurs, jeunes déscolarisés…) ou aux générations futures (enfants, mères de famille). Des dispositifs assistanciels ou de secours visent les plus pauvres, accessibles sous conditions de ressource, souvent accompagnés de conditionnalités et de mécanismes d’incitation (ou d’activation), qui peuvent se croiser avec les deux types précédents. Finalement, des dispositifs mis en place par des entreprises doivent prendre en charge et mutualiser une partie des risques encourus par leurs employés. Deux outils émergent comme favoris : la microfinance et les transferts d’argent conditionnels (CCT’s).

Les dynamiques d’extension de la protection sociale, promues par les organisations internationales et/ou impulsées de l’intérieur des pays, dans une dynamique de circulation des idées et des modèles, contribuent à engendrer des formes fragmentées d’universalisation. Certes, les dispositifs d’assistance, de couverture de certains risques et d’amélioration de l’accès à certains services sociaux tendent à progresser au-delà des assurés sociaux proprement parler, pour mieux couvrir des catégories vulnérables ou durablement inactives, dans pratiquement tous les pays qui ont entrepris ces réformes. Certes, certains programmes proposent aux « victimes » de la mondialisation -travailleurs précaires, refoulés par les entreprises multinationales, mis au chômage sous l’effet de la

109 Au Maghreb on retrouve les expressions de zones « arriérées », ou « d’ombre » pour désigner les territoires ciblés par les programmes de développement social.

libéralisation du commerce…- des prestations compensatoires (assurance, assistance) ou de réintégration (microcrédit).

Mais ce qui s’étend, les couvertures qui sont proposées aux catégories « dérogatoires » de l’assurance sociale sont le plus souvent très inférieures en qualité. D’une part, les montants et prestations inclus dans les packages des dernières générations d’assistance sont inférieurs à ceux accessibles aux assurés sociaux de plein droits (remboursement ou accès aux soins limités, montants des prestations compensatoires faibles, exclusion de certains risques, …). Ensuite, les conditions d’accès impliquent souvent des modes de contrôle (des niveaux de revenus, des comportements) qui différencient ces droits sociaux de ceux acquis par la contribution. Par ailleurs, les parties non contributives des dispositifs sociaux sont fréquemment financées par le budget public, c’est-à-dire soumises aux révisions budgétaires annuelles. Par universalisation fragmentée, on entend donc que le cloisonnement et la différenciation des dispositifs entre eux, selon les niveaux de droit des individus et ménages, leur statut dans l’emploi, leur pouvoir d’achat, leur branche d’acticité, leurs capacités contributives, leur âge, etc. entérinent d’importantes inégalités de protection au sein d’une population.

En tant qu’organisation dédiée à la production et la promotion de normes, le BIT est engagé dans l’extension de la couverture de l’assurance sociale. Mais une position réaliste le pousse à construire des paradigmes adaptés au constat de blocage de l’extension du salariat formel, pour améliorer la sécurité sociale des travailleurs informels. Révisant les modalités de son mandat sans céder sur les normes, ou sur les valeurs qui les fondent, l’organisation promeut l’établissement d’articulations (linkages) qui devraient aboutir à l’unification des systèmes, à des transferts entre caisses et dispositifs, de façon à minimiser les inégalités entre eux (de contributions, de prestations, de garantie, de sécurité, …) et à en faire un instrument de cohésion sociale entre groupes affiliés, statuts d’emploi, branches professionnelles et catégories socioprofessionnelles. Le BIT se distingue donc aussi par son insistance sur la cohésion et l’unification de l’édifice, la place des droits sociaux, le rôle redistributif de la protection sociale (entre dispositifs et caisses, entre groupes sociaux et catégories sociales, entre secteurs économiques, entre classes d’âge, etc.) et le rôle de l’Etat. En d’autres termes, au regard de la solidarité qui en constitue le fondement, et de la nature de la protection dont il est question : au-delà de la protection de chacun à la mesure de ses moyens, le but est de construire une base de solidarité qui soit consubstantive non seulement au sentiment d’appartenance locale, mais nationale, donc politique. Si l’on s’en tient aux leçons de l’histoire, il apparaît que seul un pouvoir politique « fort » semble à même de « forcer » l’homogénéisation des dispositifs et caisses, ou de parvenir à un compromis politique qui admette la nécessité de redistribution entre dispositifs et groupes sociaux. Ainsi, par la réduction des inégalités, la protection sociale peut-elle jouer un rôle de cohésion sociale et politique.

13- Trajectoires de transformation des régimes de protection sociale dans les pays en développement : comment ordonner la diversité ?

En confrontant différents systèmes de protection sociale, Bruno Lautier et moi-même avons voulu progresser dans l’analyse des différents enjeux et des modalités diverses, de mise en place, de transformation, de réforme et d’extension de la protection sociale dans

les pays en développement110. Les tendances globales que j’ai analysées dans les sous-sections qui précèdent sont en effet modulées selon les environnements dans lesquels elles s’implantent, notamment selon les rapports de force internationaux et la perception de menaces sécuritaires. En outre, elles se greffent sur des contextes nationaux et locaux différents, pénétrés de leur histoire spécifique. Le salariat, comme forme d’emploi, y est plus ou moins étendu et consolidé en statut doté de droits sociaux. Les institutions publiques y sont plus ou moins solides et étoffées, et leur fonctionnement inscrit dans le Droit. Les compromis politiques, les capacités techniques et le niveau moyen des richesses permettent une plus ou moins grande socialisation du revenu et la conduite de politiques publiques sociales plus ou moins significatives. L’Etat possède plus ou moins de capacité de résistance aux injonctions des organisations internationales et à l’appétit des firmes multinationales et des gouvernements étrangers. Sa base de légitimation, le socle de droits (entendus au sens juridique et politique) et l’acquis d’organisations et de mouvements sociaux lui octroient une marge de manœuvre plus ou moins grande. Le niveau de politisation de « la question sociale » place les débats qui lui sont afférents à une place plus ou moins centrale d’un débat public qui peut, dans certains Etats, être pratiquement étouffé. La construction du système de protection sociale a entériné des précédents non seulement en termes de droits mais aussi en termes d’attentes, de représentations, de responsabilité, différents. Les fonctionnements du marché sont plus ou moins acceptés comme modèle, ou matrice, de la reproduction sociale, ou contestés. Dans cette constellation de paramètres et caractéristiques, certaines semblent déterminants dans la configuration des régimes de protection sociale et des trajectoires nationales. Tout d’abord, l’impulsion initiale et l’élan dynamisateur du système de protection sociale. Souvent, (e.g. parmi nos monographies, la Tunisie, le Mali, le Cambodge), l’impulsion initiale fut d’origine coloniale, et ce sont les pouvoirs coloniaux qui ont installé les premières caisses de retraite pour les fonctionnaires, les premiers services d’assistance, les premières prestations d’allocations familiales. Les schémas de la puissance dominante furent transposés comme embryon de système : schéma bismarckien en Tunisie, au Mali. A partir de cette impulsion, les Etats indépendants ont pu choisir de reprendre le système à leur compte (Tunisie), en l’étendant, gagnant par là une certaine légitimité (faire mieux que la puissance coloniale, en intégrant les indigènes là où ils étaient plus ou moins exclus), ou refuser l’héritage et tenter de produire autre chose (Cambodge). Dans d’autres pays, l’impulsion ne fut pas coloniale ni extérieure,

110 [98]- DESTREMAU, Blandine et LAUTIER, Bruno, 2007 : “Régimes de protection sociale et régimes de droits sociaux dans les pays en développement: une exploration méthodologique vers une construction typologique”, communication présentée pour la Annual Conference of the Research Committee on Poverty, Social Welfare and Social Policy (RC19), International Sociological Association: “Social Policy in a Globalizing World : Developing a North-South Dialogue”, University of Florence, Italy, Political and Social Science Department, September 6-8, (non publié).

[97]- DESTREMAU, Blandine et LAUTIER, Bruno, 2007, “Social protection and social rights regimes in developing countries: towards the construction of a typology”, paper presented at the RC19 conference “Social Policy in a Globalizing World: Developing a North-South Dialogue”, Florence, Septembre (non publié).

[94]- DESTREMAU, Blandine et LAUTIER, Bruno, 2006 : “Analyse et comparaison des systèmes de protection sociale du monde en développement. Eléments de typologie de méthode”, étude réalisée pour le réseau IMPACT, mai, disponible en ligne http://s196227231.onlinehome.fr/IMG/pdf/Analyse_des_systemes_de_protection_sociale.pdf

La méthode choisie procède en deux étapes :

- analyser selon une grille commune les systèmes de protection sociale de sept pays, choisis de façon à permettre de mettre en exergue leurs similarités et leurs différences : la Colombie, le Mexique, la Tunisie, l’Afrique du Sud, le Cambodge, et les Philippines. Cette partie du travail a donné lieu à des monographies ;

- mettre ensuite en regard de façon comparative et transversale les dimensions les plus pertinentes des analyses précédentes, de façon à valider des éléments de typologie.

mais néanmoins inspirée des systèmes européens : Mexique, Colombie, Philippines. De surcroît, comme le souligne Albert Hirschman (1991), dans nombre de pays en développement, l’articulation des « phases » d’établissement des droits, aboutissant à l’Etat providence, que T.H. Marshall décrivait en un schéma linéaire pour l’Angleterre, s’est configurée de façon fort différente. Si la thèse de « la mise en péril » n’y trouve pas le même terreau -puisque la mémoire de l’acquisition de tel droit ou liberté, n’encombre pas avec la même force l’instauration et la mise en œuvre de mécanismes de solidarité- les tensions entre l’éthique libérale et celle de la solidarité appelée à constituer le socle de la protection sociale n’en sont pas moindres pour autant. Nous y reviendrons dans la troisième section de ce chapitre.

Une deuxième caractéristique déterminante a trait aux modalités techniques et structurelles de mise en œuvre de la protection sociale, et à sa viabilité. Dans les pays en développement, les conditions de pérennité du système par déformations progressives et adaptation ne sont pas souvent satisfaites, ce qui remet en question la transposition des systèmes européens ou, lorsqu’ils ont été transposés, leur viabilité. Le pourcentage de salariés peut y varier de 10% à 60% de la force de travail, mais son extension se trouve bloquée, voire tend à diminuer sous l’effet de tendances à l’informalisation dans ses deux composantes (la croissance du travail non-salarié et la dé-protection du travail salarié). Les non-salariés sont pour une bonne part non des indépendants stables, mais des petits travailleurs informels, irréguliers et instables, ou des petits paysans, pêcheurs ou éleveurs, qui n’ont pas été incorporés dans la « normalisation » du travail. Leur affiliation à un régime contributif pose de sérieux problèmes techniques, mais aussi financiers. En outre, si la forte natalité a pu produire des actifs, et la faible espérance de vie réduire le poids des personne âgées, le nombre important d’enfants (souvent la moitié de la population a moins de 15 ans) pèse sur le financement des systèmes puisqu’il engendre plus d’ayants droit et, lorsqu’ils parviennent à l’âge actif, souvent plus de chômeurs et de travailleurs informels. Ajoutons que les stratégies des familles ont souvent conduit à la salarisation d’un des membres, assuré social mais percevant un faible salaire (au moins dans sa partie déclarée), quand les autres, dépendants considérés comme ayants-droit, gagnaient mieux leur vie dans le secteur privé, mais ne s’assuraient pas. Les équilibres financiers des caisses ont souffert de ce déséquilibre aussi, d’autant plus que le clientélisme d’Etat a souvent conduit à octroyer des droits à la retraite anticipée, qui ont pesé sur les caisses de pension. De surcroît, les régimes juridiques sont trop faibles pour permettre un contrôle suffisamment fiable de la gestion des fonds, et l’on trouve souvent des preuves de détournement des fonds des caisses d’assurance (l’Etat utilise fréquemment les excédents des caisses pour financer d’autres investissements), qui tendent à affaiblir la motivation des travailleurs à s’affilier. Dans le monde en développement, les droits sociaux sont souvent les parents pauvres de la législation et ne laissent pratiquement aucun recours à l’usager insatisfait ou lésé, sans qu’on puisse pour autant en déduire une perte définitive de légitimité de ces droits.

Une troisième caractéristique déterminante relève des valeurs et des représentations qui sont attachées à la protection sociale, et plus largement à la solidarité, et au partage des responsabilités entre individu et collectivité. Dans les pays en développement, la situation est extrêmement diversifiée, bien entendu. Si la solidarité familiale montre des signes d’insuffisance111 du fait de l’urbanisation, de l’individualisation, de la croissance du

111 Tout dépend bien sûr des situations nationales et continentales, la famille latino-américaine apparaissant, de manière générale, comme beaucoup plus « nucléarisée » qu’en Afrique ou en Asie.

salariat, et finalement d’un processus de modernisation des sociétés, elle continue à structurer les identités, le sens de l’existence, l’appartenance, et n’a pas cédé devant des systèmes institutionnels formellement obligatoires, a fortiori lorsqu’ils n’offrent que peu de prestations en échange d’une liberté illusoire. Les figures dominantes du travail ne sont que rarement l’emploi salarié protégé. Elles tendent soit vers un modèle où le marché est dominant : le salarié surexploité dans des firmes multinationales, plantations, usines de montage, en migration…, dont le niveau de protection sociale est faible ; soit vers un modèle où les relations sociales sont imbriquées aux relations marchandes et le niveau de dépendance fort : travail familial, activités informelles, emploi domestique, petit entrepreneur, paysan, éleveur, pêcheur…Quant à l’idée d’assurance, un certain nombre de travaux montrent qu’elle n’est pas enracinée partout, loin de là : ou plutôt, ses modalités n’ont rien à voir avec le versement de contributions à fonds perdus à une caisse, en échange d’un droit à prestation en cas de besoin et de conformité à certaines conditions et règles, mais reposent sur un système complexe d’interactions sociales. Le droit comme notion et comme représentation n’y est pas toujours une norme : services et prestations sont souvent perçus, et vécus, comme des faveurs, résultant de négociations sociales, de clientélisme, de réciprocité, de statut et de formes d’échange et de dette et souvent considérés comme a priori plus efficaces que les institutions publiques, ou imbriquées en elles.

Finalement, la place des systèmes de protection dans la reproduction des sociétés, au sens large apparaît aussi comme déterminante. Dans certains pays que nous avons étudiés

(e.g. Mexique, Colombie, Tunisie), certes, la protection sociale est devenue un enjeu à divers égards (politique, économique, social), selon un modèle se rapprochant de celui des pays occidentaux. Mais son extension a tendu à se bloquer, ou du moins à fortement se ralentir, produisant de fait une société duale (la « population sandwich » désignant les exclus, ni assurés, ni assistés). Un autre groupe (Mali, Philippines) correspond à des pays dans lesquels la protection sociale a contribué à produire un modèle salarial, mais si restreint qu’il apparaît plutôt comme un privilège accordé par l’Etat ou une fraction du patronat, selon des modalités qui peuvent s’apparenter au paternalisme ou au clientélisme (monnayage de l’accès à des postes de la fonction publique). La majorité de la population apparaît plutôt comme une clientèle pour des opérations d’assistance, même si ces dernières se parent de l’appellation « protection sociale ». Ailleurs encore, par choix et héritage (Afrique du Sud) ou par démantèlement du système antérieur (Cambodge), la reproduction sociale doit avant tout passer par le marché, mais la protection sociale ne parvient même pas à occuper la place résiduelle, mais néanmoins stabilisatrice, qu’elle a acquis dans les pays occidentaux de tradition libérale. Catastrophes sociales et sanitaires sont là pour en témoigner. L’assistance, souvent d’origine étrangère, rappelle plutôt la légende du tonneau des Danaïdes. On pourrait ajouter que, dans ces pays plus peut-être qu’en Occident, on assiste à une dénationalisation de la protection sociale, voire à des formes d’internationalisation, qui vont au-delà de la transnationalisation des fonds de pension, pour toucher aux décisions de politique économique et sociale, à la constitution de corps intermédiaires (la littérature sud-africaine qualifie les ONG de « secteur indépendant »), aux formes même de l’assurance, à l’exportation de modalités d’assistance, qui remettent en cause l’assise nationale des systèmes de protection sociale, plus que cela ne fut jamais le cas dans les pays occidentaux (quel que soit par ailleurs le degré d’européanisation de nos systèmes).

La « rencontre » entre forces globales et contextes locaux en matière de protection sociale ne date donc pas des dernières décennies. Les strates d’histoire s’imbriquent, articulent des dynamiques internes, voire locales, et externes, internationales. Les pays et leurs régimes de protection sociale ont été plus ou moins sensibles aux poussées globales de transformation des interventions sociales à l’œuvre depuis deux décennies. On peut grossièrement discerner deux tendances, ou dynamiques. Dans les pays où les problèmes sociaux (e.g. l’emploi, la pauvreté, les migrations, la santé…) n’étaient pas construits comme une question dite dans le politique, la perméabilité à la lutte globalisée contre la pauvreté est grande, et la protection sociale (et/ou son extension) y est considérée comme un outil de lutte contre la pauvreté de seconde génération, formulé au niveau global par les organisations internationales, en termes de droits de l’homme, de satisfaction des besoins fondamentaux, et d’instrumentalisation pour la croissance économique, le développement humain, le capital humain etc. C’est dans ces contextes que l’on observe la plus grande porosité des régimes de protection sociale aux institutions et idées « globales » et, corrélativement, une fragmentation sociale et géographique de systèmes le plus souvent lacunaires. La « question sociale » tend à se dire, tout ou en partie, en termes humanitaires, et les droits sociaux à se dissoudre dans les droits humains ou humanitaires (on y reviendra dans la troisième section). Parmi les pays dont je suis familière, ces caractéristiques pourraient s’appliquer au Yémen, à la Mauritanie, au Mali.

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