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2.4 L’expertise, un vecteur d’appropriation perfectible

2.4.4 L’expertise doit r´ epondre ` a des exigences de tra¸ cabilit´ e

Un constat de manque et des besoins

Les plans de pr´evention des risques (P P R) repr´esentent un enjeu majeur pour l’Etat, les collectivit´es locales et la population. La justice est ´egalement concern´ee par des contentieux principalement d’ordre administratif mais ´egalement p´enal en cas de catastrophe (Tacnet et al., 2008). Ce dispositif n’est pas toujours compris et accept´e par les acteurs dans sa forme et dans ses conclusions (Boudi`eres et Marcelpoil, 2009). L’information occupe une place centrale dans la r´ealisation de ces plans de zonage et entraˆıne une forte exigence de tra¸cabilit´e de la part de tous les acteurs (Fig. 2.29).

Figure 2.29 – L’information et la tra¸cabilit´e sont au cœur de la d´emarche P P R

Des cadres et exigences normatifs pour la qualit´e de l’expertise

La normalisation du management des risques La description normalis´ee du fonction- nement d’une organisation peut se faire dans le cadre d’une d´emarche qualit´e (ISO, 2005). La

norme ISO 9001 (ISO, 2008) d´efinit les processus comme un syst`eme d’activit´es qui utilise des ressources pour transformer des ´el´ements entrants en ´el´ements sortants et consid`ere leur des- cription comme une ´etape indispensable de la d´emarche qualit´e. Dans un contexte d’analyse des risques, la norme ISO 31000 (ISO, 2009) d´efinit le management des risques comme une partie du processus d´ecisionnel tenant compte de l’environnement et des facteurs humains, d´efinie de mani`ere syst´ematique et structur´ee, bas´ee sur la preuve et explicitant l’incertitude et les causes de l’incertitude. De mani`ere g´en´erale, le processus d’expertise des risques naturels est l’un des ´

el´ements constitutifs de la d´emarche globale de pr´evention des risques mise en œuvre par un syst`eme de gestion des risques associant les acteurs tels que l’Etat, les collectivit´es, les citoyens, les services techniques . . . . Le cadre g´en´eral de l’approche normalis´ee semble donc constituer un cadre m´ethodologique appropri´e et justifie de s’int´eresser aux m´ethodes pr´econis´ees pour expli- citer les raisonnements et les processus. Engager des d´emarches qualit´e relative `a l’expertise est d’ailleurs un objectif ´evoqu´e de longue date pour am´eliorer le dispositif de pr´evention des risques naturels en France (Bourrelier et al., 1997).

La normalisation de l’expertise Des exigences de tra¸cabilit´e et d’explicitation sont clairement d´efinies dans la norme NF X 50-110 (AFNOR, 2003) dont la figure Fig. 2.30 propose une interpr´etation graphique. L’´evaluation de la qualit´e n´ecessite non seulement de d´ecrire un processus mais aussi, et de mani`ere essentielle, de fournir des indicateurs pour proc´eder `a une ´

evaluation. Le caract`ere op´erationnel de la d´emarche qualit´e en d´epend. Dans la probl´ematique de l’expertise des risques naturels, on recherche ainsi `a la fois `a d´ecrire le processus et `a expliciter des indicateurs de tra¸cabilit´e et de qualit´e de l’information.

Figure 2.30 – Exigences de tra¸cabilit´e selon la norme NF X 50-110 (AFNOR, 2003)

L’attente parfois paradoxale de la soci´et´e

Les politiques et mesures de pr´evention des risques naturels n’empˆechent pas les catastrophes et il arrive malheureusement que des dispositifs de protection ou des limites de zonage soient d´epass´es cr´eant d´egˆats et victimes. La justice intervient alors pour ´evaluer les responsabilit´es des acteurs parmi lesquels figurent les experts ayant propos´e ou particip´e aux choix des mesures de protection. Ces magistrats ont alors notamment `a comprendre les incertitudes qui caract´e- risent les ph´enom`enes naturels et la mani`ere dont elles ont ´et´e prises en compte par les experts (Tacnet et al., 2008). Pour construire leur jugement, les magistrats vont envisager des crit`eres relatifs d’une part aux pouvoirs et moyens disponibles et, d’autre part au contexte de l’accident (Fig. 2.31).

Figure 2.31 – Exemples d’´el´ements de raisonnement d’un magistrat dans un contentieux relatif aux risques naturels

Sans obligatoirement disposer de comp´etences et de connaissances sp´ecifiques dans le domaine des risques naturels, les magistrats portent avant toute chose une appr´eciation globale sur le mode de construction de l’expertise et sur la qualit´e de l’explicitation des hypoth`eses, des informations disponibles et des raisonnements mis en œuvre (Fig. 2.32).

Figure 2.32 – Crit`eres d’appr´eciation de la qualit´e d’une expertise par le juge

Les concepts d’incertitude et de probabilit´es sont facilement interpr´et´es diff´eremment selon les publics, amenant les techniciens `a regretter un manque de culture du commun des mortels en mati`ere de probabilit´es (Galland, 1995)18. La plupart du temps, l’analyse des risques se base

sur des sc´enarios de r´ef´erence que l’on essaie de caract´eriser en terme de p´eriodes de retour en choisissant parmi des valeurs conventionnelles de 10, 100 ans ou plus pour certains grands ´

equipements repr´esentant des risques dits ”acceptables” (Vrijling et al., 1998; Plattner, 2005). Une distinction doit ici ˆetre faite entre la comparaison de diff´erentes extensions d’un ph´eno-

m`ene correspondant `a des p´eriodes de retour diff´erentes (d´ecennale, centennale) et l’intervalle de confiance attach´e `a l’estimation de ces limites19.

En pratique, dans un contexte d’incertitude, les juges attendent que les experts mentionnent syst´ematiquement les multiples sc´enarios aggravants. Ils reconnaissent le principe d’un niveau de risque acceptable en soulevant toutefois un paradoxe quant `a l’appr´eciation de cette incertitude : la limite d’extension d’un ph´enom`ene associ´e soit `a une fr´equence diff´erente, soit `a la borne sup´erieure d’un intervalle de confiance est consid´er´ee comme la preuve de la connaissance a priori d’un ph´enom`ene de cette ampleur : ” vous saviez puisque vous mettez une limite ”.

Communiquer sur l’incertitude n’est donc pas simple et l’affichage de l’incertitude, au sens large, peut ˆetre per¸cu comme une contrainte et une complication suppl´ementaire dans un contexte de d´ecision d´ej`a difficile. Les d´ecideurs et la soci´et´e reprochent ainsi facilement aux experts de se r´efugier derri`ere leur incertitude pour ne pas prendre position (Beauzamy, 2008). D’un autre cˆot´e, l’explicitation de l’incertitude et de sc´enarios plus ou moins aggrav´es peut ˆetre un moyen pour mieux faire appr´ehender les limites de l’efficacit´e des mesures. Dans la forme, il n’est pas question d’abandonner les probabilit´es mais peut ˆetre d’explorer d’autres pistes bas´ees sur d’autres repr´esentations de l’incertain et des m´ethodes d’aide `a la d´ecision pour communiquer sur le risque.

2.4.5 L’objectif et les enjeux de la gestion int´egr´ee des risques