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LE SHOPPING ET LE COMPORTEMENT DU CONSOMMATEUR DANS LE LIEU DE VENTE

III. L’avènement de l’expérience en Marketing

2. L'expérience en marketing et ses spécificités

La majorité des recherches ayant traité l’expérience l’ont conceptualisée à travers les conséquences et effets de l’expérience, tels que les comportements d’évaluation de l’après expérience du consommateur ou la satisfaction par exemple, ou encore le concept de la valeur générée par le vécu de l‘expérience au sens de Holbrook (1999).

Comparant valeur et expérience, Roederer (2008) montre que la perception accordée à l’expérience peut dépasser celle de la valeur d’usage chez le consommateur. En fait l’expérience parait porteuse de plus de sens pour le consommateur que la valeur. Par la suite, les recherches se sont focalisées sur les comportements de recherche de l’expérience, ses antécédents ou l’appréciation de ses conséquences (Aurier et al., 2004 ; Roederer, 2008; Mencarelli, 2008). Or ces aspects malgré leur importance, ne concernent pas le cœur de l’expérience et son déroulement. Il s’agit soit de préalables ou de résultantes de l’expérience vécue, ce qui rend la lecture incomplète de l’expérience de shopping et ses implications. Notre but étant justement d’approcher le cœur de l’expérience de shopping en général, et dans le lieu de vente virtuel en 3D en particulier, nous devons nous intégrer ces éléments.

Notre choix répond ainsi aux appels avancés par certains auteurs (Filser, 2002, Carù et Cova, 2003 ; 2008a, Roederer, 2008, 2012) qui indiquent que la conceptualisation du contenu même de l’expérience est encore à établir et que « la conceptualisation de l’expérience de magasinage dans les différents espaces commerciaux reste à construire ». (Michaud-Trévinal, 2011 p241). Par la suite, « une meilleure conceptualisation de l’expérience serait susceptible, précisément, de fournir des clés renouvelées d’accès » à la réalité intime de l’expérience (Roederer, 2012, P 28) tout en permettant d’aller plus loin que les éléments cognitifs et affectifs habituellement étudiés (Verhoef et al., 2009)

Par la suite, nous allons aborder une expérience particulière qui a marqué la discipline de marketing et qui a révélé l’évolution typique d’une thématique bien déterminée pour le consommateur et pour le marché : l’expérience de la consommation.

Schmitt (1999, p 60) s’est arrêté sur sa nature à la fois complexe et distinctive en la décrivant comme « l’événement privé qui survient en réponse à une stimulation. L’expérience implique ainsi

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la vie entière de la personne et elle résulte souvent de l’observation directe ou de la participation à des événements qu’ils soient réels, des rêveries ou virtuels. Elle n’est jamais auto-générée mais induite. Elle doit être perçue comme complexe et ayant une structure complexe ».

Présentée pour la première fois en marketing par Holbrook et Hirshman (1982), l’expérience de consommation revalorise tous les aspects affectifs, symboliques et hédoniques ressentis par son acteur qui est le consommateur. L’attention dont elle a fait l’objet est liée au fait qu’elle fonde une nouvelle économie, celle des expériences (Pine et Gilmore, 1999).

Fornerino et al., (2008) s’accordent sur le fait que l’expérience de consommation est une expérience personnelle, subjective et singulière qui ne peut exister que chez un consommateur qui s’engage émotionnellement, physiquement et intellectuellement. En effet, l’expérience telle qu’elle a été traitée en rapport avec la consommation et le marketing, a su conserver ses trois composantes fondamentales qui sont la cognition, l’affect et « l‘autre » (le social). Ces caractéristiques sont communes aux différentes définitions avancées par les autres disciplines.

La littérature marketing identifie trois dimensions de l’expérience de consommation, à savoir la dimension émotionnelle hédonique, la dimension utilitaire et la dimension symbolique. Chaque dimension s’exprime à travers des composantes dites expérientielles (la dimension hédonique) et non expérientielles (la dimension utilitaire) de l’expérience. Il faut noter que la dimension symbolique peut se manifester à travers les composantes expérientielles et non expérientielles de l’expérience (Filser, 2002). Revenons sur ces trois dimensions.

Tout d’abord, l’expérience de consommation fait appel à l’émotionnel, le subjectif (Filser, 2002) et le plaisir chez le consommateur. Le consommateur cherche, durant son expérience, à maximiser ses propres plaisirs hédoniques (Fornerino et al ; 2008). Rejoignant Meyer and Schwager (2007), Rose et al (2012) élargissent le cadre de la subjectivité et avancent que l’expérience comprend les réponses internes et subjectives du consommateur envers n’importe quel contact direct ou indirect avec l’entreprise. Benavent et Evrard (2002) la qualifient de singulière, subjective et unique de part le sens que lui donne chaque sujet qui la vit. La dimension subjective fait ainsi partie du processus de l’expérience de consommation (Trevinal et Stenger, 2014).

Au moment de la consommation ou après, la valeur perçue de l’expérience génère toujours des émotions chez le consommateur (Filser, 2002). Ainsi on ne peut considérer une expérience de consommation sans considérer les dimensions affectives et subjectives de ce vécu particulier du consommateur. En recherches qualitatives comme en recherches quantitatives, les auteurs

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s’accordent sur l’importance de cette caractéristique de l’expérience (Benavent et Evrard 2002, Carù et Cova, 2006a ; Meyer et Schwager, 2007 ; Rose et al., 2012, Trevinal et Stenger, 2014)

Deuxièmement, la reconnaissance des aspects hédoniques et affectifs de l’expérience de consommation dans la littérature ne lui ôte pas sa dimension utilitaire, qui reste présente à côté de la dimension expérientielle (Hoffman et Novak, 1996 ; Holbrook, 2000 ;Filser, 2002, Benavent et Evrard, 2002).

Enfin, l’expérience de consommation intègre aussi une dimension imaginaire dans le sens où le consommateur est prêt à partir dans de petits épisodes d’imagination et d’immersion avec les éléments de l’offre et du cadre de l’expérience. Cet imaginaire, de son côté, suppose un éloignement du réel chez le consom mateur (Holbrook et Hirschmann, 1982). C’est l’exemple du shopping dans le magasin théâtralisé qui fait de la consommation un chemin vers l’identité ; le produit porte du sens qui donne à imaginer et à s’imaginer (Carù et al., 2006).

Les aspects subjectifs, émotionnels et imaginaires de l’expérience éprouvés par le consommateur sont renforcés par une autre dimension tout aussi importante dans l’expérience de consommation, qui est l’interaction. En effet, l’interaction s’établit avec des stimuli qui sont les produits ou les services rendus disponibles par le système de consommation (Schmitt, 1999 dans Carù et Cova, 2002). Pour Filser (2002), l’expérience de consommation est l'ensemble des conséquences positives et négatives que le consommateur retire de l'usage d'un bien ou service. En effet, elle résulte de l’interaction personne – objet – situation et elle dépasse le cadre de la décision d’achat pour prendre en compte les états psychologiques post-transactionnels et notamment la valeur perçue.

Dans ce sens, l’expérience de consommation est considérée donc comme le produit de l’interaction réciproque entre un individu (ou plusieurs), un lieu et une pratique de consommation (Bouchet, 2004). Il s’agit de toute interaction possible entre le consommateur, l’offre, l’entreprise, le lieu de vente, l’enseigne, la marque et les autres clients (Rose et al., 2012).

Cette interaction est elle-même productrice de valeur chez le consommateur (Bonnin, 2007). Analysant le rapport conséquentiel de la valeur et de l’interaction dans l’expérience de consommation, Bonnin (2007) explique que la construction d’expérience, l’attachement aux lieux et aux objets résident dans l’interaction du consommateur avec les structures et les offres qui lui sont proposées. Ce rapport génère ce qu’il appelle une valeur co-créée. Cette valeur résulte de l’interaction entre les ressources fournies par l’entreprise – via le système d’offre – et les compétences du consommateur – via le système d’usage, le consommateur est quelque part reconnu comme un producteur de sa contribution (Lusch et Vargo, 2004, 2006).